Etait-ce le « contexte précis » qu’il attendait pour parler clairement sur les questions de l’avortement et du respect de la vie, dont il affirmait à l’été 2013 qu’« il n’est pas nécessaire d’en parler en permanence » ? En tout cas, c’est devant l’Association des médecins catholiques d’Italie que le pape François a choisi d’évoquer les questions de l’avortement, de l’euthanasie et de la « fabrication » d’enfants in vitro.
Cela suscite une première observation : on peut supposer que les médecins catholiques qui prennent la peine de se réunir en tant que tels connaissent les réponses que l’Eglise y apporte, comme le suggère le pape lui-même dans ses propos. Ce sont plutôt les laïques, comme ont permis de le constater les « questionnaires » diffusés dans le monde entier en vue du synode de la famille, qui ignorent l’enseignement de l’Eglise.
Mais ce qui est dit est dit, et mérite d’être entendu et diffusé bien au-delà de ce cercle restreint. Voici la traduction quasi intégrale des propos du pape François, seulement partiellement évoqués dans la presse française et internationale.
Le discours du pape François : toute vie humaine est sacrée
Il n’y a pas de doute que, de nos jours, en raison des progrès scientifiques et techniques, les possibilités de guérison physique ont été significativement augmentées. Cependant, par certains côtés la capacité de prendre soin de la personne, surtout lorsqu’elle est malade, fragile et sans défense, semble diminuer. En effet les conquêtes de la science et de la médecine ne peuvent contribuer à l’amélioration de la vie humaine que dans la mesure où l’on ne s’éloigne pas des racines éthique de ces disciplines. C’est pour cette raison que vous, médecins catholiques, vous efforcez de vivre votre profession comme une mission humaine et spirituelle, comme un véritable et authentique apostolat laïque.
Prendre soin de la vie humaine, spécialement celle qui est le plus en difficulté – la vie du malade, du vieux, de l’enfant – est profondément lié à la mission de l’Eglise. Celle-ci se sent aussi appelée à participer au débat qui a pour objet la vie humaine, en présentant sa propre vision fondée sur l’Évangile. Souvent, la qualité de la vie est surtout associée aux possibilités économiques, au bien-être, à la beauté et à la jouissance de la vie physique, en oubliant d’autres dimensions plus profondes – relationnelles, spirituelles et religieuses – de l’existence. En réalité, à la lumière de la foi et de la droite raison, la vie humaine est toujours sacrée, et toujours « de qualité ». Il n’existe pas une vie humaine plus sacrée qu’une autre, toute vie humaine est sacrée ! De même qu’il n’y a pas une vie humaine qui qualitativement a plus de signification qu’une autre, par la seule vertu des moyens, des droits, des possibilités économiques et sociales plus grandes.
Avortement, euthanasie, fabrication d’enfants : attention à la fausse compassion
C’est cela que vous, médecins catholiques cherchez à affirmer, avant tout par votre style professionnel. Votre travail veut témoigner par la parole et par l’exemple de ce que la vie humaine est toujours sacrée, respectable et inviolable, et en tant que telle, elle est aimée, protégée et soignée. Votre professionnalisme, enrichi par l’esprit de la foi, est une raison de plus pour collaborer avec tous ceux – même ceux qui ont une autre perspective religieuse, une autre façon de penser – qui reconnaissent la dignité de la personne humaine comme critère de leur activité. Et de fait, si le serment d’Hippocrate vous oblige à être toujours serviteurs de la vie, l’Évangile vous pousse à aller plus loin : à l’aimer toujours et dans tous les cas, surtout lorsqu’elle a particulièrement besoin d’attention et de soins. C’est ce qu’on fait les membres de votre association au cours de ses soixante-dix ans d’activité méritante. Je vous exhorte à continuer avec humilité et foi sur ce chemin, en vous efforçant de poursuivre la finalité de vos statuts qui affirment recevoir l’enseignement du magistère de l’Église dans le domaine médico-moral.
La pensée dominante propose parfois une fausse compassion : celle qui affirme que favoriser l’avortement serait une façon d’aider les femmes ; que procurer l’euthanasie serait un acte de dignité ; que produire un enfant – considéré comme un droit au lieu de l’accueillir comme un don – serait une conquête scientifique ; comme le serait le fait d’utiliser des vies humaines comme cobayes de laboratoire pour éventuellement en sauver d’autres. La compassion évangélique à l’inverse est celle qui accompagne au moment de la détresse, c’est celle du bon Samaritain, qui « voit », qui « a de la compassion », qui s’approche et offre une aide concrète (Lc, 10, 33). Votre mission de médecin vous met tous les jours au contact de tant de formes de souffrance : je vous encourage à vous en charger comme de « bons Samaritains », en prenant particulièrement soin des personnes âgées, des malades et des handicapés. La fidélité à l’Évangile de la vie et au respect de la vie comme don de Dieu, demande parfois des choix courageux, à contre-courant, qui dans certaines circonstances peuvent arriver à l’objection de conscience. Et à tant de conséquences sociales qu’une telle fidélité entraîne.
Il y a de mauvaises expérimentations sur la vie
Nous vivons un temps d’expérimentation sur la vie. Mais c’est une mauvaise expérimentation. Faire des enfants au lieu de les accueillir comme un don, ainsi que je l’ai dit. Jouer avec la vie. Faites attention, parce que il s’agit là d’un péché contre le Créateur : contre Dieu créateur qui a créé les choses ainsi. Tant de fois dans ma vie de prêtre j’ai entendu des objections à cela. « Mais dites-moi, pourquoi l’Église s’oppose à l’avortement, par exemple ? Est-ce un problème religieux ? » – « Non, non. Ce n’est pas un problème religieux. » – « Est-ce un problème philosophique ? » « Non, ce n’est pas un problème philosophique. C’est un problème scientifique, parce que il y a là une vie humaine et il n’est pas licite de détruire une vie humaine pour résoudre un problème. » – « Mais non, la pensée moderne… » – « Mais écoutez, dans la pensée antique comme dans la pensée moderne, la parole tuer signifie la même chose ! » La même chose vaut pour l’euthanasie : nous savons tous qu’avec tant de vieux, dans notre culture du déchet, on pratique l’euthanasie cachée. Mais il y a aussi l’autre. Celle qui consiste à dire à Dieu : « Non, la fin de la vie c’est moi qui la fais, comme je le veux. » C’est péché, contre Dieu, Créateur. Pensez bien à cela.
Je vous souhaite que les soixante-dix ans d’existence de votre association vous encouragent à poursuivre sur un chemin de croissance et de maturation. Puissiez-vous collaborer de manière constructive avec toutes les personnes et les institutions qui partagent avec vous l’amour de la vie et qui s’efforcent de la servir dans sa dignité, sa sacralité et son inviolabilité. Saint Camille de Lellis, en suggérant la méthode la plus efficace pour soigner les malades, disait simplement : « Mettez davantage de cœur dans vos mains. » Mettez davantage de cœur dans vos mains ! C’est cela même, mon vœu pour vous. Que la Vierge sainte, la Salus Infirmorum, soutienne les résolutions avec lesquelles vous voulez poursuivre votre action. Je vous demande, s’il vous plaît, de prier pour moi, et de tout cœur je vous bénis.