Dans une interview à l’Asian Times, le pape François s’adresse aux Chinois pour leur dire d’assumer toute leur histoire, sans condamner à aucun moment ni le communisme, ni la politique de l’enfant unique, ni l’avortement forcé, comme s’il était primordial pour lui de lisser toutes les divergences afin de parvenir à une convergence générale des religions et des idéologies dans le cadre du projet mondialiste.
Le pape François a l’habitude de surprendre par sa communication. Cette fois encore il n’y fait pas exception. Toujours badin, il se compare à une belle-mère ou à un gardien de but, il prend en apparence un point de vue mondain, sociologique et politique, plus que religieux, ce qui lui permet de conseiller à l’univers en général et à l’Occident en particulier de ne pas avoir peur de l’essor chinois, puis d’enfiler d’aimables généralités sur la grandeur de la Chine et de sa civilisation. Au passage, il salue le jésuite Mattéo Ricci, missionnaire du seizième siècle, qui sous couleur de convertir les Chinois avait préconisé à l’Église de s’ouvrir aux rites et valeurs locales, à tel point que cela provoqua un coup de frein du Vatican d’alors, même si une procédure de béatification est aujourd’hui en cours. Tout se passe comme si, en cette année de la Miséricorde, le pape François, dans sa pastorale pour les Chinois, commettait la même confusion que dans celle qu’ont lancée certains de ses proches à l’intention des divorcés remariés : il confond miséricorde avec oubli du péché, gommant la distinction entre bien et mal.
Condamner le communisme gênerait la convergence mondialiste
Car dans l’entretien fleuve qu’il a donné à l’Asian Times, le pape François n’a condamné le communisme, que son prédécesseur Pie XI, le même qui condamna le nazisme, avait jugé « intrinsèquement pervers » dans l’encyclique Divini Redemptoris. Il n’a pas eu un mot non plus pour les millions de morts de la révolution maoïste, ni pour ses camps, les laogaïs. Pas plus qu’il n’a relevé l’existence de l’église patriotique, simple marionnette dans les mains du pouvoir chinois, ou celle de milliers de martyrs de l’Église clandestine, fidèle à Rome. Aucun de ces sujets qui fâchent ne doit troubler la grande convergence mondialiste en cours. Et tant pis si on laisse en route de vrais fidèles : ainsi le cardinal chinois Zen vient-il d’accuser le Vatican d’abandonner l’église de Chine.
Les paroles du pape François sont aussi inquiétantes que ses silences. Il invite le monde entier à « ne pas avoir peur », et félicite les Chinois de suivre « leur sentier », quel que soit le rythme de leur marche, leurs erreurs éventuelles, leur recommandant d’être « fiers » de leur histoire. C’est très intéressant, car, à prendre les choses à la lettre, c’est un plaidoyer contre la notion de repentance qu’on impose à l’Europe. Mais en même temps, il est manifeste que le pape François considère le peuple chinois et le monde entier comme un troupeau qui avance vers le mieux, sans qu’il soit nécessaire ni légitime de juger ses erreurs et ses écarts. Le sens de l’histoire le mènera nécessairement vers la grande convergence mondialiste. François a demandé le « respect avec un grand R » à la « grande civilisation chinoise » parce que celle-ci était antérieure à la civilisation actuelle, dont il n’a même pas précisé l’origine chrétienne : c’est une façon banalement hégélienne de voir les choses, le temps amenant forcément le progrès par synthèses successives. Il n’est pas utile, il est même dangereux de distinguer le bien du mal dans ce grand mouvement, il n’y aura pas de Nuremberg du communisme, chinois ou autre, car cela créerait de « l’amertume » chez certains, ce serait un obstacle à l’établissement de relations harmonieuses entre les hommes.
Le Pape François est un peu chinois mais sympa
En fait, le pape François tire le concile de Vatican II jusqu’à ses ultimes conséquences : celui-ci recommandait de s’ouvrir au monde, celui-là ouvre le monde et l’Église à la grande convergence mondialiste. Son salut à Matteo Ricci, entre jésuites, est caractéristique de la révolution anti-copernicienne menée par le concile. Ricci a mis le Christ sous le boisseau pour s’acculturer à la civilisation confucéenne, mettant l’humain au centre de l’univers ; le pape François met en veilleuse la lumière de la foi catholique pour satisfaire les Chinois, et derrière eux pour obéir au conformisme de la nouvelle morale, à la grande convergence mondialiste, mettant l’humanisme au centre de la religion et de la morale.
Ce pape est décidément l’ami du genre humain, il est super, son encyclique Laudato Si est super, sa compréhension pastorale des divorcés et des homosexuels est super. Il est d’accord avec les conférences de consensus de l’ONU, avec les recommandations du Conseil de l’Europe et les adresses du Parlement européen. Que demande le peuple ? La vérité ? Mais qu’est-ce que la vérité ? Pour mieux mettre le miracle chinois à la portée de la ménagère de moins de vingt ans, François s’est plu à raconter l’histoire (fausse) de Marco Polo rapportant les pâtes de Chine. Et d’ajouter : « Je ne suis pas sûr que ce soit vrai ». Quelle importance ? Le système ne demande pas au pape de dire la vérité, mais d’être sympa.