Virus Zika : le pape François ouvre une porte dérobée à la contraception ?

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Le pape François a répondu aux questions des journalistes à propose du virus Zika dans l’avion qui le ramenait au Mexique.

 
Dans l’avion qui le ramenait, jeudi, du Mexique, le pape a, une de fois plus devant les journalistes, fait usage de ces déclarations libres et presque informelles – elles ne le sont jamais en réalité – dont il est friand. La question de la réaction au virus Zika a été, entre autres, abordée. Face aux malformations congénitales, les microcéphalies, dont ce dernier pourrait être le vecteur, François, tout en rappelant l’interdiction formelle de l’avortement, a parlé de la possibilité d’une contraception, « comme un moindre mal » – du jamais entendu.
 
Encore une fois, il laisse l’ambiguïté se rendre maîtresse de sa parole : un cadeau pour les médias, un désarroi, un embrouillement pour les fidèles.
 

La contraception : « un moindre mal » ?

 
De fait, les médias se sont partagés sur ses dires, mettant l’accent soit sur la réaffirmation formelle, rigoureuse et expliquée de l’interdiction de l’avortement selon la doctrine catholique, soit sur cette nouvelle dérogation (?) encore inconnue de la contraception : « l’avortement reste un crime » ou « le pape ouvre la porte à la contraception » titre la grosse presse.
 
Le site radiovaticana.va résume pour sa part : « Alors qu’il est légitime de recourir à la contraception dans certaines situations comme face à la propagation du virus Zika. L’avortement n’est pas un problème théologique, c’est un problème humain, médical ».
 
« Certaines situations »… Cela fait irrémédiablement penser aux concessions extra-ordinaires qui ont entouré les débuts de l’avortement dans le ciel législatif français. S’agit-il d’une permission, d’une suggestion ? Le flou est fort nocif en ces domaines de la morale. François – et la doctrine de l’Eglise – a toujours prôné l’abstinence comme seule forme de contraception. On ne comprend plus.
 

Le pape sur-écouté

 
D’autant que le pape était resté silencieux, jusque-là, sur cette question. Seuls les évêques latino-américains avaient fait entendre leur voix. Radio Vatican a cité, lundi, l’archevêque de São Paulo, le cardinal Odilo Scherer : « Un bébé même atteint de malformations congénitales est un être humain qu’il faut accueillir avec ses limites ».
 
Et mardi, le représentant du Vatican à l’ONU, l’archevêque Bernardito Auza a rappelé dans un communiqué que « Le Saint-Siège exprime sa vive préoccupation devant l’appel lancé par certains responsables gouvernementaux ainsi que par le haut-commissaire aux droits de l’homme de l’Onu, en faveur de la libéralisation des lois sur l’avortement et de l’accès aux contraceptifs dans toute la région ».
 
Les paroles du pape rendent donc un son partiellement décalé, pourtant très attendu dans cette portion du monde, à majorité catholique, en attente de directives.
 

« Dans certains cas »… François

 
La journaliste espagnole qui a posé la question au pape François, n’a même pas prononcé le mot de « contraception » : « En ce qui concerne l’évitement de la grossesse, dans ce cas, l’Eglise peut-elle prendre en compte le concept de “moindre mal” ? » Le pape, lui répond bien, en revanche, sur la contraception dite « artificielle » et non sur une régulation volontaire et naturelle de la procréation.
 
Qu’a-t-il dit exactement ? Jeanne Smits propose, sur son blog, une traduction personnelle bienvenue : « L’avortement n’est pas un “moindre mal”. C’est un crime. C’est éliminer l’un pour sauver l’autre. C’est ce que fait la mafia, hein ? C’est un crime. C’est un mal absolu. Sur le “moindre mal” : éviter la grossesse est… nous parlons en termes de conflit entre le cinquième et le sixième commandement. Paul VI – le grand ! – lors d’une situation difficile, en Afrique, a permis aux religieuses d’utiliser des contraceptifs pour cause de violence. Il ne faut pas confondre le mal qui consiste à éviter la grossesse avec l’avortement. L’avortement n’est pas un problème théologique, c’est un problème humain, c’est un problème médical. On tue une personne pour sauver l’autre – dans le meilleur des cas. Ou pour pouvoir s’amuser, non ? Il est contraire au serment d’Hippocrate que les médecins doivent prononcer. C’est un mal en soi, mais ce n’est pas un mal religieux au départ : non, c’est un mal humain. Ensuite, évidemment, comme il s’agit d’un mal humain – comme chaque assassinat – il est condamné.
 
En revanche, éviter la grossesse n’est pas un mal absolu ; dans certains cas comme celui-ci, comme celui que j’ai évoqué du bienheureux pape Paul VI, c’était clair. Moi j’exhorterais aussi les médecins à tout faire pour trouver des vaccins contre ces deux moustiques qui apportent ce mal ; c’est là-dessus qu’il faut travailler. »
 

Le risque du virus Zika… et les autres potentielles malformations congénitales ?!

 
Il ne dit pas que ce n’est pas du tout un mal, quoique l’exemple des religieuses du Congo régulièrement violées par des militaires dans les années 1960 et 1970, illustre le contraire – il n’est d’ailleurs même pas véritablement avéré, comme le rappelle Jeanne Smits qui écrit : « On ne dispose d’aucune approbation officielle de l’usage des contraceptifs par des religieuses sérieusement menacées de viol. Ni Paul VI, ni le Vatican ne s’étaient prononcés, même si le cardinal Palazzini avait personnellement approuvé ce recours aux contraceptifs non abortifs », vu alors comme « un acte de protection ».
 
Mais il demeure dans le flou total. D’autant qu’il s’adresse, cette fois, non pas à des religieuses en butte à des viols, mais à des couples, mariés, catholiques, dans l’usage normal et légitime de l’acte sexuel, à même de procréer… Un enfant microcéphale serait-il un plus grand mal que la prise de contraceptif ?!
 
Et si cette compréhension potentielle et permissive est accordée au risque de microcéphalie, quelles justifications apporter alors à l’interdiction de la contraception pour tous les autres multiples risques de malformations congénitales ? En plus, il n’y a même pas de certitude de lien strict entre Zika et la microcéphalie – des études s’accumulent sur le rôle trouble d’insecticides locaux. Et tout laisse à penser que l’affaire tombait à pic pour forcer la main à tous ces pays catholiques, sur les plans de l’avortement et de la contraception…
 
La réponse papale était décidément plus que risquée.
 
En espérant qu’elle ne soit pas le prélude à des dérogations-remaniements qui contreviendraient à ce qu’a toujours enseigné la doctrine de l’Eglise catholique.
 

Clémentine Jallais