Pape François, Orban : les migrants suscitent la contradiction en Europe

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A son audience générale du seize mars, le pape François a pressé l’Europe « d’ouvrir son cœur et sa porte aux migrants ». Le même jour Viktor Orban, le premier ministre hongrois, a appelé la même Europe à se « libérer » de la « migration de masse » en « freinant à Bruxelles ». Une contradiction majeure, qui pose la question de l’Union européenne et du mondialisme.
 
Le pape François a une vision ostensiblement mondialiste de l’universalité catholique, et ne semble faire de distinction ni entre le religieux et le politique, ni entre le privé et le public. Il transpose allègrement l’amour que l’on doit à son prochain en ouverture de toutes les vannes aux migrants, ce qu’il a nommé lui-même, en ce qui regarde l’Europe, une « invasion arabe ». Sans prendre la peine de faire de distinctions entre ceux qui fuient la guerre et les autres, il a donc demandé mercredi à Saint Pierre aux Européens d’accueillir leurs « frères ». En s’apitoyant sur leur sort : « Les immigrants souffrent dehors, ils n’ont pas de nourriture, et ne peuvent entrer. » Etc, ad libitum.
 

Le pape François en pleine contradiction

 
Le pape François a appelé les chapitres 30 et 31 du prophète Jérémie à la rescousse de cette étrange rhétorique. Etrange, car une contradiction saute aux yeux du lecteur du moins attentif : ce passage parle de la consolation de ceux qui retournent d’exil ! Doit-on en conclure que notre Saint Père le pape suggère la remigration des migrants ? C’est d’ailleurs ce qui serait conforme à une lecture classique du livre de l’Exode, où l’on voit Pharaon puni de mort et son armée de destruction pour avoir voulu empêcher la remigration des migrants hébreux. Il semble bien cependant, à examiner le contexte et entendre les attaques répétées par le pape François contre les frontières depuis le Mexique, que la fraternité des enfants de Dieu implique dans son esprit une ouverture planétaire et une gouvernance mondiale.
 

Orban ne veut plus de migrants en Europe

 
Ce n’est évidemment pas la position prise par Viktor Orban le même jour pour la fête nationale hongroise. Portant à la boutonnière les couleurs magyares, il a tenu de ces propos que notre grande presse aime à dire « musclés ». Notamment qu’il ne voulait plus voir « des gangs chasser nos femmes », en référence plus qu’explicite à la Saint Sylvestre de Cologne, et condamné les « incorrigibles combattants des droits de l’homme » qui ont prôné un accueil aveugle des migrants et apporté ainsi « le crime et la terreur » en Europe. Il a aussi prophétisé que si rien ne changeait, « l’Europe serait détruite ». Il estime que l’Union européenne est responsable de la « crise des migrants » et travaille à créer les « Etats-Unis d’Europe » qui « engloutiront leurs Etats membres ».
 
Que faire, selon lui, dans ces conditions ? C’est là que sa pensée se complique. Il affirme :
 
« Si nous voulons stopper l’immigration de masse, il faut d’abord freiner à Bruxelles. »
 
Mais il ajoute :
 
« Nous appelons tout citoyen de Hongrie et de toutes les nations d’Europe à l’unité, quelque soit le parti auquel il appartient. Les dirigeants de l’Europe et les citoyens ne peuvent continuer à vivre dans deux mondes séparés, nous devons restaurer l’unité de l’Europe. Les peuples d’Europe ne peuvent pas être libres chacun de son côté si nous ne sommes pas libres ensemble. »
 

Une contradiction chez Orban aussi

 
Cette déclaration, malgré sa brutalité et sa volonté d’être nette, comporte une ambiguïté, et même une contradiction. Viktor Orban, il l’a dit un peu plus tard, dénonce « l’abus de pouvoir » qui consiste à décréter des quotas d’accueil de migrants sans consultation préalable des peuples, et dit vouloir « répondre au sentiment du peuple hongrois », ce qui est louable et démocratique. Sa critique de l’autisme de la caste dirigeante est juste, son refus du flux des migrants est clair, son goût de la liberté aussi. Mais quid de son appel à « l’unité » ? S’il refuse « les Etats-Unis d’Europe », dans quel cadre compte-t-il la faire ? Pourquoi proclamer que « les peuples ne peuvent être libres chacun de son côté » ?
 
Tout se passe comme si par deux rhétoriques opposées, Viktor Orban et le pape François aboutissaient au même résultat. Comme si leur contradiction pourtant éclatante sur les migrants menait à toujours plus d’unité pour l’Europe, et le monde. La dialectique mondialiste est puissante.
 

Pauline Mille