Lors de la récente « journée de la fraternité humaine » organisée par le Vatican place Saint Pierre, les mots catholique et catholicisme n’ont pas été prononcés, ni écrits dans les documents préparatoires. Le pape François, même quand il est à l’hôpital, aime surprendre, c’est sa marque depuis son élection ; il rappelle ainsi le joueur de tennis de classe mondiale Andreï Medvedev, qui jouait systématiquement le contre-pied. Cette tactique, passable sur un court, surprend à la tête de l’Eglise, qui doit rassurer et raffermir le fidèle dans sa foi. Que veut donc, que cherche le pape François ?
François, pape du contre-pied
Dès son élection, le pape a écarté des noms tels Benoît ou Pie qui s’inscrivent dans une lignée, pour choisir, lui Jésuite, celui du fondateur des Franciscains, François ; puis refusé les appartements du Vatican ; donné sa première interview à un journal athée, la Repubblica, en des termes que le service de presse du Vatican dut « préciser » ; prétendu nettoyer la curie ; multiplié les phrases et les textes ambigus (de moins en moins) sur le phénomène LGBT (même s’il refuse les opérations transgenres) ; puis s’est lancé dans la théologie amazonienne, l’écologisme politico-religieux avec Laudato Si’ ; a inquiété les familles avec Amoris Laetitia ; brouillé toutes les pistes avec son chemin synodal ; désolé le monde catholique en détruisant, avec Traditionis Custodes, la tentative de Benoît XVI de réconcilier traditionnels et progressistes.
Sur la bioéthique, une doctrine catholique
Pourtant, à côté de cela, qui le situerait nettement dans le camp moderniste, le pape François, si ondulant et complexe souvent, se montre d’une fermeté toute rigide sur quelques points touchant à la bioéthique. Il a condamné sans la moindre ambiguïté l’avortement, l’euthanasie, la PMA, la GPA et même la contraception. Un peu sur le modèle Humanae Vitae et Paul VI. Comment expliquer cette position jugée hors du temps par le monde auquel il s’ouvre totalement par ailleurs ? Réduire cette contradiction entre une anthropologie presque classique et une vision dogmatique et liturgique assez peu compréhensible pour un catholique ?
L’élite mondiale souhaite une « ONU des religions »
Qu’on me permette ici une hypothèse : c’est que ce pape jésuite, très au fait des évolutions post-modernes de la planète, se place dans la perspective d’une religion mondiale postérieure à celles qui existent aujourd’hui, en particulier à la catholique dont il a la responsabilité. Ce fameux consensus des grandes religions que de nombreuses institutions religieuses et politiques, dont, en France, voilà quelques années, le président Sarkozy, appellent à « civiliser la globalisation ». L’ancien Premier ministre de gauche israélien a proposé en 2014 que le pape François prenne la tête d’une « ONU des religions » en tant que « seul leader respecté » dans le monde.
Quelle religion pour le pape François ?
Ainsi s’expliquerait qu’il donne dans toutes les facilités à la mode, LGBT+, mythologie du réchauffement du climat par l’homme, Pachamama, pour se rendre populaire, tout en se débarrassant de ce qui le lie trop étroitement au monde catholique, « intégristes » attachés à la liturgie, en premier, suivis de tout le reste, au fur et à mesure. On comprendrait alors que le Vatican ait donné le pas à la journée de la fraternité humaine sur la fête du Saint Sacrement et n’ait pas prononcé le mot catholique : c’est avec l’idée de prendre la tête de la religion mondiale esquissée par Shimon Pérès. Dans cette optique, sa fermeté quant à la culture de vie se comprend aussi, car l’hindouisme, l’animisme et l’islam partagent sa façon de voir. Une hypothèse plus optimiste serait qu’en bon jésuite, le pape fasse semblant de suivre cette voie tortueuse pour protéger l’Eglise des menaces qui pèsent sur elle, dont le schisme allemand.