Le pape accuse la théorie du genre mais appelle « homme » une femme ayant changé de sexe

Pape théorie genre changé sexe
Le pape François en compagnie d’une femme ayant « changé de sexe » et de son « épouse ».

 
Toujours féru des conférences de presse en vol, le pape François a profité de son retour du Caucase, dimanche 2 octobre, pour accuser la théorie du genre, telle qu’elle est diffusée en France, dans les manuels scolaires. Vent debout, les enseignants et les politiques fustigent cette « erreur », cette « légèreté » affolante, cette méconnaissance profonde du cas français… Une remise au clair bienvenue, de la part du pape. Reste que la suite de son discours porte à confusion : il y raconte comment il a reçu un « homme » – en fait une femme ayant changé de sexe – et son épouse…
 
Miséricorde, miséricorde, mais jusqu’où… ? La doctrine est toujours posée, mais « le regard pastoral » la contourne. Si c’était pour rassurer les catholiques conservateurs après « Amoris Laetitia », c’est assez raté.
 

Contre la théorie du genre : une « colonisation idéologique »

 
La veille, à Tbilissi, il avait déjà évoqué la « théorie du genre » pour stigmatiser très justement une « guerre mondiale pour détruire le mariage ». Devant les journalistes, dans l’avion, il réitère en rapportant l’inquiétude d’un père de famille français, devant son fils de 10 ans qui voudrait devenir une fille… La théorie du genre est érigée en doctrine dans les livres scolaires.
 
« Ceci est contre les choses naturelles ! Pour une personne, une chose est d’avoir cette tendance, de faire ce choix et même de changer de sexe, autre chose est de faire l’enseignement dans les écoles sur cette ligne, pour changer la mentalité. C’est cela que j’appelle de la colonisation idéologique
 

Une « parole pour le moins légère et infondée »

 
Un blâme très net qui a fait réagir, dès lundi matin, politiques et enseignants français, saisissant cette belle occasion de revenir sur la théorie-qui-n’existe-pas et sa large « part d’irrationnel »… Les syndicats d’enseignants ont argué que ces déclarations risquaient « d’ébranler la confiance entre les familles et l’école ».
 
« Les manuels ne comportent aucune mention ni référence à cette théorie du genre », protestent les éditeurs d’éducation. Il ne s’agit seulement que de « lutte contre les stéréotypes et les discriminations dans le cadre de l’enseignement moral et civique »… !
 
Nathalie Kosciusko-Morizet a trouvé, sur Europe 1, que François était allé « un peu vite en besogne ». Et le ministre de l’Éducation Nationale, Najat Vallaud-Belkacem a carrément dit regretter, sur France-Inter, « cette parole pour le moins légère et infondée » : le pape est lui aussi « victime de la campagne de désinformation massive conduite par les intégristes, la Fondation Lejeune, Vigi Gender et d’autres… (…) cette théorie du genre n’existe pas ».
 

Les nouveaux programmes d’éducation civique

 
Désinformation ? Ré-information plutôt. La présence de la théorie du genre dans les manuels scolaires s’accentue, de fait, avec les années. Les nouveaux programmes d’éducation civique en témoignent tout particulièrement. Il suffit d’ouvrir un ouvrage de 6e ou de 5e pour s’apercevoir que les modèles « traditionnels » du masculin et du féminin sont systématiquement inversés, pour une « rééducation » organisée : plus que jamais, le genre est présenté comme un système social construit, oppresseur, qu’il convient de transgresser.
 
Et il est bon d’entendre le pape à cet égard, parler d’une « guerre mondiale pour détruire le mariage », cette union d’un homme et d’une femme, de deux identités nativement différenciées. Aucun changement de sexe ne pourra jamais modifier le programme génétique de la personne concernée. Un tel acte se dresse contre la Création divine. En 2000, la Congrégation du Vatican pour la Doctrine de la Foi a d’ailleurs publié des directives à destination des évêques, indiquant que le sexe ne pouvait en aucun cas être changé sur les registres paroissiaux et qu’aucune personne ayant subi une opération chirurgicale en ce sens ne pouvait contracter de mariage, se trouvant épouser alors une personne du même sexe – de fait.
 

Le pape reçoit une femme ayant changé de sexe

 
Seulement, François a recouru à un exemple récent, celui d’un couple se trouvant exactement dans ce cas-là… qu’il a demandé à recevoir, particulièrement, dans sa suite privée à Domus Santa Marta, en janvier 2015.
 
Il s’agissait d’une jeune espagnole qui, dans son enfance, « se sentait comme un garçon » et qui finit par se faire opérer une fois devenue majeure. Son identité administrative ayant changé, elle se maria avec…une femme sans pour autant cesser de fréquenter sa paroisse et écrivit rapidement au pape son sentiment d’exclusion et sa peur de recevoir la Communion…
 
Elle raconte que le pape l’avait surprise en l’appelant à deux reprises, à l’improviste, au cours du mois de décembre 2014. Rendez-vous fut pris quelques semaines plus tard pour recevoir « Diego Neria Lejarraga » et son épouse : « Je les ai reçus et ils étaient très heureux ». Le vocabulaire du pape François porte quelque peu à confusion : il appelle « homme » une femme qui a procédé à un changement de sexe et qualifie ces partenaires de « mariés » ; les pronoms s’emmêlent les pinceaux.
 

« Intégrer » les transsexuels

 
Mais surtout, il parle des deux prêtres de cette paroisse locale où le « couple » se disait en difficulté. Dans le quartier où ils habitaient, vivait un vieux prêtre de plus de 80 ans qui les aidait, le nouveau jeune prêtre était, lui, plus ferme sur le sujet… Le pape François raconte : « Quand le nouveau prêtre voyait ce couple, il leur criait, « Vous irez en enfer ». Quand ils rencontraient le vieux prêtre, lui leur disait : « Depuis combien de temps ne t’es-tu pas confessé ? Viens, viens, faisons en sorte que je puisse te confesser et tu pourras communier » ».
 
François ne dit pas qu’il absout et « sanctifie » les transsexuels. Il s’en défend d’ailleurs largement, plus loin, dans la conversation… Cependant, il met en scène très clairement ce qu’il convient d’appeler une bonne et une mauvaise attitude. Il explique : «  Le péché est le péché (…) mais il faut accompagner chaque cas, discerner et intégrer. (…) C’est un problème de morale, c’est un problème humain et il faut le résoudre comme l’on peut, toujours avec la miséricorde de Dieu, avec la vérité et avec toujours le cœur ouvert ».
 

Flou permanent sur la réception de la Communion

 
Mais le flou demeure sur la communion… C’est à rapprocher de l’interprétation « pastorale » d’« Amoris Laetitia » pour les divorcés-remariés : la réception des sacrements ne semble plus dépendre que du jugement du prêtre selon les circonstances personnelles, une confession de bonne intention des sujets concernés et la volonté de se faire « accompagner ». Quid de l’acte initial posé ?
 
Certes, il est capital d’accuser les tenants et les propagateurs de la théorie du genre qui poussent à ces opérations humainement et spirituellement dramatiques. Il est capital de garder toujours au cœur la même miséricorde dont Dieu fait preuve à l’égard de nous-mêmes, a fortiori quand l’éducation et la société corrompent les mentalités et instillent de véritables malaises. Mais la dignité de Jésus-Hostie ne doit pas, pour autant, y être abaissée – c’est un contre-service rendu à l’Église. Si nous ne jugeons pas les hommes, nous savons la dignité intrinsèque du sacrement et « le péché est le péché », François l’a répété…
 

Clémentine Jallais