“Fiducia supplicans” : le pape François accuse les opposants de n’avoir rien compris

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Lors d’un entretien télévisé sur la chaîne Nove en Italie – 3,4 millions de téléspectateurs, 16,4 % de parts d’audience et un record pour le média propriété de la Warner – le pape François est revenu, dimanche, sur Fiducia supplicans à la demande du journaliste qui l’interrogeait, Fabio Fazio, qui voulait savoir s’il se sentait « isolé » du fait des réactions de dissension dans une partie de la Curie, de l’épiscopat « et même chez quelques fidèles ». Le pape a alors révélé ce qu’il pense des opposants à la bénédiction des « couples de même sexe » autorisée par la Déclaration : ils n’ont rien compris.

« Au moment de prendre une décision, il y a un prix de solitude à payer et parfois les décisions ne sont pas acceptées, mais la plupart du temps, quand on n’accepte pas une décision, c’est parce qu’elle n’est pas comprise », no se conosce, a-t-il répondu

Et de recommander : « Je dis que si vous n’aimez pas cette décision, allez en parler, exprimez vos doutes et ayez une discussion fraternelle, et c’est ainsi que les choses se passent. Le danger est que je ne l’aime pas et que je le mette dans mon cœur, que je devienne résistant et que je tire de mauvaises conclusions. C’est ce qui s’est passé avec les dernières décisions concernant la bénédiction de tous. »

 

Fiducia supplicans, la décision d’un homme seul et incompris ?

Voilà comment parle le « pape synodal » qui recherche le « consensus par la conversation dans l’Esprit » : il assume totalement de prendre une telle décision seul, au risque de choquer, de scandaliser, de susciter l’opposition qui a été forte, notamment en Afrique mais pas seulement. La remarque n’est pas fausse pour autant : oui, au moment de prendre une décision impopulaire à n’importe quel niveau, la solitude du chef est son amère rançon. Ce n’est pas elle qui indique si la décision a été bonne ou mauvaise, elle n’est pas un critère. Décidément, François est un homme de gouvernement, mais c’est la praxis qui l’intéresse, l’application politique, et non le respect de l’institution divine qu’il est chargé de conduire au nom du Christ. Et il sait, en l’occurrence, que la petite solitude par laquelle il paie le prix de sa décision face à certains catholiques n’est rien à côté de la grande approbation qu’il en gagne de la part du monde…

Il n’y a pas de doute, en effet, sur le fait que le monde et ses grands d’aujourd’hui ont fait de l’accueil des homosexuels et autres « LGBT » une condition d’entrée dans le dialogue à tous niveaux.

Voyez comment le pape parle à ceux qui ne sont pas d’accord, et donc, qui n’ont pas compris, pauvres sots. « Exprimez vos doutes », ose-t-il dire ! Les dubia qui lui furent adressés par des cardinaux au sujet la communion accordée aux divorcés remariés par Amoris laetitia n’ont justement jamais reçu de réponse à leur intention. Pas de « discussion fraternelle » avec ceux-là ! Idem pour les cardinaux qui ont reçu des réponses, cette fois, mais alambiquées et délibérément confuses, à leurs questions nettes en vue du synode – la bénédiction des couples de même sexe en faisait partie.

 

Pour le pape, les opposants à Fiducia supplicans sont des arriérés

Les « arriérés » (les indietristes comme dirait le pape) qui mettent ce genre de décisions incomprises « dans leur cœur », on comprend qu’ils les ruminent en les laissant empoisonner leur attitude par le ressentiment : c’est en tout cas ce que suggère François dans un refus radical d’accepter qu’il a pu avoir tort, même si toute l’histoire de l’Eglise le hurlait à ses oreilles. Voilà les Africains, les Hongrois, les Polonais, les Müller et autres « résistants » dénigrés pour leur manque d’ouverture qui les a amenés à arriver à de « mauvaises conclusions ».

Dans la suite de l’entretien, le pape esquive une nouvelle fois le fond du problème : il met en avant le fait que toute personne qui « peut être baptisée » peut être bénie, et que le pardon des fautes doit être large comme la miséricorde de Dieu. Lui-même, a-t-il confié, n’a refusé le pardon qu’une seule fois en 52 ans de sacerdoce, parce que la demande avait été faite par « hypocrisie ». Mais le problème n’est pas ce qui se passe, ou non, dans le confessionnal : c’est le fait d’envoyer au monde le message selon lequel les couples « irréguliers » ou « de même sexe » peuvent être bénis en tant que tel, c’est-à-dire approuvés… comme le monde les approuve.

Pour le comprendre il n’est pas nécessaire d’avoir fait Polytechnique – mais c’est le point, le point central que l’auteur de la Déclaration Fiducia supplicans, le cardinal Fernandez, et son mentor le pape François ne veulent pas admettre, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils l’ont noyé dans une masse de rappels de la doctrine du mariage. Or le problème n’est pas qu’on risque d’assimiler ces unions illégitimes au mariage, mais qu’on n’en mette pas clairement en évidence, toujours et partout ou plutôt à temps et à contre-temps, le caractère offensant à l’égard de Dieu, et le risque pour ces partenaires d’y perdre leur salut éternel. Ce qui n’empêche ni l’attitude « pastorale » ni la charité à leur égard.

 

Les opposants africains reçoivent l’aval… du pape de la confusion

Il est intéressant de noter que les évêques africains (hormis leurs collègues du Maghreb d’origine européenne pour la plupart) ont obtenu le « consentement » du pape et du cardinal-préfet du Dicastère pour la Doctrine de la foi pour publier une synthèse de leurs positions signée du cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa. Déclaration forte à bien des égards, comme le note le site benoit-et-moi, qui en propose la traduction, puisqu’elle « ne craint pas de rappeler la condamnation du “péché contre nature” dans les Saintes Ecritures ».

Dans sa lettre, le cardinal affirme sous forme de déclaration finale : « Nous, évêques africains, ne considérons pas qu’il soit approprié pour l’Afrique de bénir des unions de même sexe ou des couples de même sexe parce que, dans notre contexte, cela causerait de la confusion et serait en contradiction directe avec l’ethos culturel des communautés africaines. Le langage de Fiducia supplicans reste trop subtil pour être compris par les gens ordinaires. »

On devine une certaine ironie… Chez le pape, c’est au contraire une affaire entendue, même des cardinaux ne saisissent pas le fond de sa pensée, et en plus, c’est de leur faute.

 

Jeanne Smits