François Hollande invente le « parcours citoyen » et le livret républicain

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François Hollande prononce ses voeux à la jeunesse, le 11 janvier 2016.

 
Dans la longue série des vœux que le président de la République présente traditionnellement aux différentes catégories sociales, ceux qu’il a formulés lundi devant les « jeunes » ont particulièrement frappé les imaginations. En présence de Manuel Valls et de Najat Vallaud-Belkacem, garants de la laïcité s’il en est, François Hollande a annoncé la création d’un « livret citoyen », pour suivre à la manière d’un carnet de bons points le lycéen dans son parcours du même métal. Le « parcours citoyen » est celui qu’il faut avoir parcouru depuis l’école élémentaire jusqu’à l’âge de 25 ans, âge auquel on est supposé avoir atteint la maturité républicaine, formaté à vie. C’est plus laborieux que l’arrivée à l’âge adulte : 18 ans pour l’électeur, moins encore pour le catholique pratiquant lancé dans sa vie de miles Christi à la confirmation !
 
Le « livret citoyen » a des relents religieux. Un peu scouts, aussi. En tout cas paternalistes. Ça se mérite, le brevet de conformité !
 

François Hollande veut davantage d’engagement citoyen

 
Il ne faudrait pas sous-estimer la volonté de colonisation des esprits qui se fait jour à travers ce projet qui s’appuie sur une foi : la croyance en la République de préférence diverse et multiculturelle et ses dogmes, la liberté, l’égalité et la fraternité. Mais aussi sur une espérance : l’avènement d’une société de bonheur égal pour tous. Et sur une morale : ce qu’il faut faire pour en être digne.
 
Pour l’apprendre, il suffit de se laisser faire. 300 heures d’« enseignement moral et civique » pour transmettre « les valeurs de la République », le cours sera bientôt « construit », a promis François Hollande, nul n’y échappera dans l’enseignement public. Et dans l’enseignement privé ou hors contrat ? Ce sont de telles quantités négligeables dans l’esprit socialiste qu’il n’en a même pas été question…
 
C’est à seize ans, une fois ces 300 heures ingurgitées, que le jeune se verra remettre le « livret citoyen », comportant déjà tout ce qu’il a « pu faire » (c’est vaste, surtout s’il faut y consigner les actes de menue délinquance qu’il s’agit précisément d’éviter, mais je m’égare)… Tout cela validé « à l’occasion du brevet », surtout si le jeune a fait son stage de 3e d’entrée dans la vie professionnelle dans une association. La République veille sur l’engagement, dormons tranquilles !
 

Le président appelle les jeunes au parcours citoyen

 
Ainsi l’a annoncé le président : « Le parcours citoyen se poursuivra en dehors de l’école. A compter de la rentrée 2016, chaque jeune se verra confier un livret citoyen qui lui appartiendra en propre. Il le recevra le jour de ses 16 ans. Ce livret retracera l’histoire de tous ses engagements, chaque action y sera consignée, valorisée, chacun pourra donc revendiquer ses droits à mesure qu’il avancera dans la vie mais rappellera aussi les devoirs qu’il a accomplis. Chaque jeune sera donc inscrit dans ce parcours depuis l’école jusqu’à l’âge de 25 ans permettant de valider plusieurs temps ou formes d’engagement. Les associations – et je salue ici leurs responsables – seront forcément associées à ce parcours. »
 
La remise du livret citoyen ne sera donc qu’un début. La Journée de la défense et de la citoyenneté qui a remplacé le service militaire ne suffisant manifestement pas à conscientiser les masses, François Hollande verrait bien la journée « aller vers une semaine » – on n’arrête pas le progrès. Ce jour démultiplié permettrait au jeune de rendre un « mini service civil ». Quel service ? Hollande ne l’a pas dit. Gageons qu’il ne s’agisse pas d’une semaine chez les Missionnaires de la Charité…
 

Le livret citoyen, un brevet de conformisme républicain

 
Après quoi on pourrait instaurer un « service civique » étendu, généralisé, voire obligatoire pour les diplômés du supérieur. Avec un budget d’un milliard d’euros d’ici à 2018, il permettrait d’« utiliser » les jeunes (comme le note le site d’information pour les enseignants cafepedagogique, bien à gauche), dans les administrations ou les services de santé. François Hollande veut voir 350.000 jeunes au service d’ici à la fin de 2018, contre 70.000 actuellement.
 
Tous les engagements des jeunes seront consignés dans le livret. Il va de soi que cela permettra un suivi idéologique – vérifier les penchants des jeunes – à moins qu’il ne s’agisse au contraire de devancer l’appel en imposant des services estampillés par le gouvernement. Endoctrinement ou surveillance, on ne sait encore ce qui prendra le dessus.
 
François Hollande sait parler aux jeunes. Il a évoqué la mort de David Bowie et les difficultés passées : « L’année 2015, elle a été bouleversante » – on ne change pas une syntaxe qui gagne, surtout lorsqu’on veut demander aux jeunes de prendre « leur destin en main ». A « préférer la fureur de vivre pour cette Nation, votre Nation, qui vous a vu naître ou que vous avez choisie ».
 
Le livret du citoyen sera comme le carnet de santé, François Hollande l’a dit. La version publique et obligatoire des carnets de résolutions ou de sacrifices que le petit chrétien remplissait discrètement jadis, et tout seul… Un carnet de santé républicaine et maçonnique. Les malades et les estropiés de la citoyenneté n’auront qu’à bien se tenir !
 

Anne Dolhein