Les électeurs hongrois ont mal voté dimanche, et le Parlement européen pourrait bientôt demander des mesures de rétorsion contre la Hongrie ! Un projet de résolution a en effet été présenté jeudi devant la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) par le député néerlandais Judith Sargentini. Celle-ci appartient au groupe des Verts, tout comme le parti hongrois LMP auquel moins de 7 % des votants ont accordé leur voix dimanche sur les bords de Danube, contre près de 50 % qui ont préféré le Fidesz de Viktor Orbán en dépit des multiples reproches à son encontre énumérés dans le rapport de Mme Sargentini. Quel affront ! Ne faisant ni une ni deux, voilà donc que cette Néerlandaise demande au Parlement européen d’enclencher la procédure de sanction la plus lourde prévue dans les Traités européens, celle de l’article 7 déjà enclenchée en décembre par la Commission européenne contre la Pologne.
Un projet de résolution qui voudrait contraindre la Hongrie à revenir sur sa nouvelle constitution adoptée en 2011
La litanie des reproches faits à la Hongrie est trop longue pour être reprise ici car elle couvre les trois dossiers faisant déjà l’objet de procédures de la Commission européenne devant la Cour de justice de l’UE, mais aussi, plus généralement, l’ensemble des réformes mises en œuvre par la coalition Fidesz-KDNP depuis son arrivée au pouvoir 2010, et notamment quand cette coalition bénéficiait d’une majorité constitutionnelle de 2010 à 2014.
C’est d’ailleurs la constitution hongroise elle-même qui est à nouveau visée, alors que les électeurs l’ont plébiscitée sous forme de nouvelles victoires électorales accordées au Fidesz en 2014 et 2018. Sont également reprochées à la Hongrie ses atteintes aux libertés des médias, même si c’est justement le Fidesz qui a imposé le pluralisme médiatique dans ce pays. Le rapport présenté jeudi aux députés européens évoque encore la « loi anti-Soros » en discussion au parlement hongrois. Cette loi aura pour but de lutter contre les ONG qui encouragent l’immigration illégale, et elle était déjà en débat avant les élections de dimanche. On peut donc affirmer sans prendre de risques que les Hongrois ont majoritairement voté pour.
Quand les institutions de l’UE revendiquent le droit de se mêler de toutes les affaires intérieures des pays membres
Pour justifier une telle ingérence de la part des institutions de l’UE, la « rapporteuse » Judith Sargentini invoque l’interprétation de l’article 7 du Traité sur l’UE faite par la Commission européenne, selon laquelle cet article s’applique non seulement au droit européen mais aussi « aux domaines dans lesquels les Etats membres agissent de manière autonome ». Autrement dit, les institutions européennes considèrent qu’elles peuvent désormais se mêler de toutes les lois et décisions nationales à partir du moment où elles estiment qu’il existe « un risque clair de violation grave des valeurs visées à l’article 2 », c’est-à-dire des « valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’état de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités […] dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes. »
Encore un peu, et Bruxelles voudra imposer le « mariage gay » pour tous sous prétexte de la non-discrimination évoquée à l’article 2. C’est d’ailleurs ce que voudrait déjà Frans Timmermans, le premier vice-président de la Commission chargé du respect de l’état de droit, lui aussi néerlandais de gauche comme à l’instar de Judith Sargentini.
La commission LIBE du Parlement européen votera sur la proposition de Mme Sargentini en juin. L’avis de la commission des affaires constitutionnelles sur la situation en Hongrie (conformément à la résolution du Parlement européen du 17 mai 2017), adopté le 21 mars dernier par la commission LIBE (15 voix pour, 4 contre et 5 abstentions) laisse peu de doute quant à l’issue de ce vote. Il en va de même pour le vote du Parlement européen prévu pour septembre. Néanmoins, sachant qu’il faut l’unanimité au Conseil pour adopter des sanctions au titre de l’article 7 contre un Etat membre, la poursuite de deux procédures simultanées contre deux pays (Pologne et Hongrie) défie toute logique, puisque ces deux pays vont bien entendu se soutenir mutuellement. A quand le lancement d’une telle procédure contre l’Autriche dont les électeurs ont eux aussi mal voté en octobre dernier ? En attendant, il est déjà question d’en lancer un autre contre la Roumanie…
La victoire du Fidesz d’Orban aux élections en Hongrie donne des idées de sanctions au Parlement européen
Le porte-parole du Fidesz a déjà réagi jeudi au projet de résolution présenté le jour-même au Parlement européen. Pour Balazs Hidveghi, il s’agit d’un nouveau cas de pression politique pour contraindre les Hongrois à accueillir les « migrants », et c’est aussi une illustration du fait que « Les représentants bruxellois de l’empire Soros se moquent bien des décisions des gens et des résultats des élections démocratiques hongroises ». C’est pourquoi « Ils sont furieux et agressifs et menacent de retirer les fonds [européens] et de suspendre les droits de vote de la Hongrie ».
Le ministre des Affaires étrangères hongrois Péter Szijjártó a lui aussi reproché à « Bruxelles » de « mépriser la volonté du peuple hongrois ». Il a précisé que le gouvernement hongrois avait exprimé mercredi à la commission LIBE son souhait de venir défendre ses positions, mais que cette possibilité lui avait été refusée, ce qui démontre selon lui le caractère « gravement antidémocratique » de la procédure engagée contre son pays.
Au sein de la commission LIBE, les élues hongroises Kinga Gal (PPE, Fidesz) et Krisztina Morvai (non inscrite, élue sur une liste du Jobbik) et le député polonais Marek Jurek (CRE, élu sur une liste du PiS) ont vertement critiqué hier les pressions exercées sur la Hongrie, tandis que les socialistes et les libéraux ont au contraire fustigé la politique de la majorité parlementaire qui a gagné haut la main les élections de dimanche.
Une nouvelle fois, les « élites éclairées » gauchistes et libérales-libertaires qui prétendent défendre la démocratie et l’état de droit contre les « populistes » s’avèrent incapables d’accepter le verdict des urnes quand une majorité d’électeurs votent contre leurs idées.