La proposition du comité municipal de Moscou du Parti communiste russe ferait sourire si elle ne renvoyait pas à une histoire aussi violente et tragique que celle de l’Union soviétique. Le comité veut un moratoire sur le changement des noms de rues et la destruction de monuments et de statues parce que – dit-il – les tentatives visant à effacer des faits de la mémoire du peuple font du tort à l’histoire russe. Il exige que l’on mette fin au « sabotage politique qui vise les victoires et les héros de l’Union soviétique, ainsi que l’histoire millénaire de la mère patrie », rapporte le quotidien Kommersant.
De la part du PC russe, quel revirement ! Ont-ils oublié le principe de base de la Révolution ? « Du passé faisons table rase », c’est l’Internationale socialiste qui le proclame toujours. La réécriture de l’histoire, le vidage des têtes, la rupture avec les « anciens régimes », c’est encore la Révolution. Le changement des noms de rues, des noms de ville, c’est encore elle. Leningrad, cela ne leur dit rien ?
Du passé faisons table rase – mais pas de celui du parti communiste, dit le PC russe
Le « sabotage », c’est donc de vouloir porter un jugement négatif sur la tyrannie communiste qui a si ouvertement pesé sur le peuple russe pendant la plus grande partie du XXe siècle, avec son cortège de massacres et d’horreurs. Le « sabotage », c’est de ne pas vouloir honorer les idéologues et les tyrans de la période soviétique par la nomenclature publique et son symbolisme.
Il est vrai que Lénine a encore ses avenues et ses rues jusqu’en France, en même temps qu’il veille de manière sinistre depuis son mausolée sur la Place Rouge à Moscou. Le maître d’œuvre de mise en pratique du marxisme, aux 100 millions de victimes, est-il un exemple à suivre ? Serait-ce l’effacer des mémoires que de l’effacer des plaques des rues ? Pour Hitler, on n’a pas de ces scrupules, bien qu’il ait marqué l’histoire lui aussi, à moindre échelle certes mais de manière aussi abominable.
Moratoire de 25 ans sur le changement des noms de rues et la destruction de monuments à la gloire des Soviétiques
Le Parti communiste, en défendant la nomenclature et les monuments relatifs à la période soviétique, reste fidèle à sa logique. Ce qui est frappant, c’est qu’il soit dans le fond au moins partiellement entendu, sans quoi la momie de Lénine ne trônerait plus au centre de Moscou. Mais le PC veut davantage : réinstaller le monument au fondateur du KGB, Dzerzhinsky, empêcher la débaptisation en cours de la station de métro Voivovsky du nom du bolchevique Piotr Voikov qui présida à l’exécution de Nicolas II et de sa famille, et mettre des bâtons dans les roues de ceux qui œuvrent pour l’érection de monuments à la mémoire des victimes de la répression communiste.
Ce dernier projet vient de recevoir l’approbation du Premier ministre Dimitri Medvedev il y a une semaine.