Patrick Theillier “Expériences de mort imminente” : une approche catholique

Patrick Theillier Expériences mort imminente approche catholique
Patrick Theillier, ancien médecin du Sanctuaire de Lourdes.

 
Les Expériences de mort imminente correspondent aux phases de transition entre la vie et la mort, d’antichambre du monde spirituel qu’atteint l’âme immortelle lorsque le corps meurt. Les constats de ces expériences sont devenus particulièrement nombreux avec les progrès de la médecine – au moins depuis les années 1940-50 – qui permettent de sauver bien des personnes autrefois condamnées. Ainsi, y a-t-il désormais un espoir de ranimer, à condition d’intervenir très vite, les patients en arrêt cardiaque ou respiratoire. L’âme effectue un début de voyage, puis revient dans son corps. Le temps précis, exact de la « mort », reste flou. Ce qui pose bien d’autres questions. Mais ces récits sont ici intéressants en ce qu’ils présentent un début de voyage de l’âme.
 
Comment comprendre ces récits dans une perspective catholique ? Tel est l’objet de l’ouvrage de Patrick Theillier.
 

Des récits universels de mort imminente

 
Ces récits concernent tous les êtres humains possibles, dans toutes les cultures ou traditions religieuses, y compris les athées, qui sont alors les plus surpris. L’athéisme pratique dominant en Europe, et largement présent, surtout dans les milieux médicaux, aux Etats-Unis, au Canada, en Chine, tient mordicus à ramener ces souvenirs de sortie du corps, de traversée d’un tunnel, d’arrivée dans un monde lumineux, de récits de vie, à des illusions pures issues de la complexe chimie du cerveau, qui lors de la mort créerait le même type de rêves bizarres. Ce rationalisme étroit ne tient pas. De part les différences culturelles, les hommes feraient des rêves ultimes significativement différents de part le monde ; or, ce n’est pas le cas.
 
Ces récits d’expériences de mort imminente peuvent néanmoins poser un certain nombre de problèmes : d’aucuns inventent, ou en rajoutent, et il convient de trier. En outre les traditions religieuses en viennent à déformer le récit pour coller aux croyances, comme la préexistence des âmes chez les Mormons, ou la réincarnation chez les hindouistes. Un examen attentif permet de déceler ces distorsions, malhonnêtetés, ajouts visibles, recopiages de récits-types, selon l’étude menée par l’auteur. En outre, il est bon de rappeler que 80 % au moins des personnes en situation de mort imminente, au sens biologique, et ranimées, ne se souviennent de rien, ou n’ont pas eu cette expérience.
 
Ces expériences sont à prendre le plus souvent comme des grâces, qu’elles soient positives, ou encore davantage négatives : voir sa damnation, ou plus précisément sa perspective, invite en effet à se corriger radicalement. Cette expérience est arrivée, même si elle ne relève pas au sens strict de l’expérience de mort imminente, à de très grands saints, comme sainte Thérèse d’Avila, qui a décrit la vision de sa place réservée en Enfer.
 

Le docteur Patrick Theillier, un auteur catholique et sérieux

 
L’auteur, Patrick Theillier, est un ancien médecin de Lourdes. Il a l’habitude d’effectuer un tri rigoureux entre les phénomènes naturels, ceux pouvant être naturels, et ceux miraculeux – et rares. Sa qualité de médecin lui permet de comprendre aussi les interactions possibles avec l’état physique, les éventuels médicaments pris, qui peuvent donner des illusions, et donc l’amener à rejeter alors certains récits d’expériences.
 
Sa thèse, donnée en sous-titre du livre, est que ces Expériences de mort imminente seraient un « signe du Ciel qui nous ouvre à la vie invisible », confortant l’existence de l’âme immortelle. Ces expériences ne sont nullement un effet de mode récent, dont la multiplication suivrait le progrès technique médical, car des précédents se retrouvent dans le passé, avec des passages connus de saint Paul – et son ravissement –, d’autres oubliés ou injustement méprisés de Grégoire de Tours, etc. Elles vont en outre dans le sens de la doctrine catholique : l’âme est jugée après la mort – le jugement particulier –, et conduite en un lieu définitif, comme l’Enfer ou le Paradis, ou provisoire, un provisoire qui peut être long, le Purgatoire, antichambre du Paradis.
 

Les récits d’expériences positives

 
Un des récits les plus intéressants ici collectés est celui d’un prêtre indien, donné pour mort à l’hôpital, après un accident de la circulation durant un trajet imposé par son ministère. Il a vu Paradis, Purgatoire, Enfer ; et l’Enfer n’est pas vide, contrairement à la thèse optimiste largement répandue dans le monde et même dans une partie de l’Eglise depuis les années 1970, mais densément occupé. Son récit rappelle celui de visions de beaucoup de saints mystiques ; il comprend un avertissement contre les mauvais prêtres et évêques, damnés pour avoir été occasions de scandale pour leurs fidèles, que ce soit par l’enseignement d’une doctrine erronée ou une vie personnelle qui n’avait rien d’exemplaire, comme elle doit l’être pour l’édification des fidèles.
 
Ce prêtre se sert de cette expérience dans ses prêches chez lui en Inde, et à l’étranger, en particulier aux Etats-Unis. Nous percevons la distance culturelle avec la France, à influence rationaliste généralisée y compris en milieu catholique, où un tel récit en chaire étonnerait particulièrement.
 
Non seulement ce prêtre est revenu à lui à la morgue de l’hôpital, sous les hauts cris du personnel effrayé, mais il a bénéficié aussi d’une guérison très rapide et inattendue, événement vu comme un miracle poussant son médecin hindouiste à se convertir – avec ce cri émouvant : « Votre Dieu est le vrai Dieu ! »
 
Parmi les expériences positives relatées par le Dr Theillier figure celle d’un jeune enfant. L’avantage du témoignage d’un enfant de 3-4 ans est la quasi-certitude qu’il n’a pas inventé, n’a pas reproduit un récit-type d’expérience de mort imminente. L’enfant se souvient d’avoir vu des anges et Jésus. Il associe donc l’hôpital, où il a failli mourir, à un événement très positif…
 
Ces expériences positives sont très abondantes. Les rationalistes se moquent particulièrement de l’impression d’un contact avec un Amour infini… Or cet Amour infini est Dieu. Tous les hommes sont appelés à retrouver Dieu. Hélas si tous sont appelés, tous ne sont pas élus. Témoignent de cette douloureuse réalité les expériences négatives.
 

Un récit d’expérience négative

 
Contrairement aux innombrables récits d’expériences positives, les expériences négatives sont plus rares. Cela s’explique par deux motifs : la brièveté des expériences le plus souvent, où n’a été ressenti que l’appel de l’âme vers Dieu –partie toujours positive –, avant le jugement particulier, ou une forme de honte poussant à taire les expériences négatives. Cette honte probable renforce le phénomène de rareté relative… Pourtant, le bénéficiaire de l’expérience, quand il accepte de témoigner, permet à ses auditeurs ou lecteurs d’apprendre bien davantage par le biais des expériences négatives. Et elles n’arrivent pas seulement à des criminels endurcis et impénitents, selon ce que l’on pourrait être tenté de croire. Il ne faut pas oublier que des crimes devenus légaux et socialement acceptables comme l’avortement, n’en restent pas moins des crimes vis-à-vis de Dieu et de l’humanité.
 
Le récit le plus poignant de l’ouvrage, est celui d’une mère de famille colombienne, épouse et mère, assistant à la messe et communiant tous les dimanches, brusquement foudroyée, au sens propre. Elle s’estimait bonne, n’ayant été l’épouse que d’un seul homme, son mari, et élevant avec lui leurs enfants. Elle a donc été surprise par son expérience négative. Elle a vu en effet son jugement particulier et sa damnation, avant d’être sauvée in extremis par les prières d’un fidèle catholique inconnu. Cette évocation de la prière du paysan colombien qui a lu le récit de son foudroiement dans un journal, et a prié pour elle, raconté en quelques lignes, est un des passages les plus émouvants du livre.
 
Sa condamnation, du moins le temps de l’expérience qu’elle en a faite, était la conséquence d’avoir beaucoup péché, en refusant d’en prendre conscience. Mais ces péchés, souvent mortels, et impénitents, n’en sont pas moins comptabilisés, et montrés à l’heure de la mort. A ce moment, on comprend tout, assure-t-elle. Elle rappelle aussi qu’il ne faut pas même plaisanter avec des expressions toutes faites du type « que je sois foudroyée si je mens », faux serment très courant prononcé durant son adolescence devant sa mère, autoritaire et pieuse, pour la tromper ; car elle a effectivement été foudroyée, des années plus tard. Le caractère banal de sa vie rend son récit particulièrement intéressant et édifiant.
 
Ayant reçu une bonne éducation religieuse de sa mère, épouse exemplaire d’un mauvais mari, pieuse et mère de sept enfants, elle a suivi ensuite les idéologies du monde, en particulier le féminisme, et mélangé la foi catholique avec des doctrines incompatibles, comme la croyance en la réincarnation. Elle a pourtant communié chaque semaine, alors même qu’elle était en état de péché mortel explique-t-elle, sacrilège accompli légèrement ; une communion « automatique » par des âmes n’étant pas en état de recevoir le Corps du Christ semble malheureusement fréquente de nos jours.
 
A sa grande surprise, il lui a été reproché ses tenues scandaleuses, sources de péché pour tant d’hommes : elle a vu ces péchés, et sa responsabilité… Elle a donné de très mauvais conseils, recommandant systématiquement le divorce aux femmes trompées, ou la vengeance, c’est-à-dire les incitant à avoir à leur tour des liaisons adultères ; elle a contribué à l’éclatement de couples et de familles. Elle a moralement corrompu ses nièces par ses discours hédonistes. Elle a commis le péché mortel d’avortement, lors de ses études, car elle estimait alors que ce n’était pas le moment d’avoir un enfant ; elle a porté après la naissance de ses enfants un stérilet, et donc le refus de la vie, puisque cet ustensile est destiné à provoquer des avortements très précoces – et donc des meurtres.
 
Elle a également manqué de charité envers son prochain. Elle n’a, par exemple, pas rendu une somme d’argent, qu’elle avait reçue par erreur, à une pauvre paysanne vendeuse de légumes, et ne l’avait pas restituée par négligence. Bien qu’ayant de l’argent, qu’elle dépensait en vanités, elle n’en a rien donné aux réfugiés colombiens, ses compatriotes, le plus souvent chassés de leurs terres par la guerre civile. Au contraire, elle a fini par être surendettée. Elle insiste aussi sur ce qui peut sembler un détail : ne pas gâcher la nourriture, alors que d’autres ont faim.
 
Enfin, envers ses proches, elle a été systématiquement désagréable, peinant son mari, et finissant par être détestée par ses enfants. Elle précise aussi que même les bonnes actions apparentes, comme le fait d’aider ses nièces à payer leurs études, doivent être accomplies dans un véritable esprit de charité, et non pour son autosatisfaction. Cette considération n’est pas nouvelle, et rappelle en particulier l’enseignement de saint François de Sales.
 
Son expérience de mort imminente a donc été pour cette femme l’occasion d’une vraie conversion, et elle en témoigne publiquement. Elle montre son corps brûlé, elle qui en était si fier. Ainsi espère-t-elle contribuer à son salut, et à celui, insiste-t-elle, des très nombreuses âmes semblables à celle qu’elle pouvait avoir, volontairement inconscientes, mais pas moins en danger imminent de damnation éternelle.
 

Un ouvrage émouvant et utile

 
Ce livre se lit d’une traite, et s’avère à la fois émouvant et utile. Il ne remplace certes pas le catéchisme, n’est pas un ouvrage d’apologétique, du moins au sens classique. Mais il illustre à merveille les vérités du catéchisme sur les fins dernières et les perspectives d’éternité heureuse ou malheureuse. L’expérience négative invite particulièrement à la réflexion et au perfectionnement, et rappelle l’exigence de la voie du Christ, seule voie du salut éternel.
 

Octave Thibault

 
Expériences de mort imminente, Patrick Theillier, Ed. Artège, 2016, 230 pages, 18 euros.
 
Patrick Theillier Expériences mort imminente approche catholique