On a eu la peau de « Zwarte Piet » : le serviteur noir de Saint Nicolas a quasiment disparu des Pays-Bas

 

Zwarte Piet, le serviteur noir de Saint Nicolas lors de ses voyages pour distribuer cadeaux et friandises aux enfants sages aux Pays-Bas, n’est plus persona grata dans les fêtes traditionnellement organisées à cette occasion. Qui a eu sa peau ? C’est un groupe élégamment intitulé « Kick Out Zwarte Piet » (« Sortez Pierrot le Noir à coups de pieds »), qui depuis quinze ans lutte contre le « racisme » que véhiculerait l’image de ce Noir, souvent incarné par un Blanc au visage enduit de cirage dans les cortèges et fêtes de Saint Nicolas des 5 et 6 décembre. Et ce alors que Zwarte Piet n’est pas un Père Fouettard à part entière. S’il porte un bâton pour punir les garçons, son gros sac recèle les bonbons réservés aux enfants sages.

Le groupe « Kick Out Zwarte Piet », piloté par l’association Nederland-Wordt Beter (« Les Pays-Bas s’améliorent », ou « guérissent »), vient pour sa part de se saborder en annonçant qu’il constitue le groupe de revendication le plus efficace de notre époque, tout le monde comprendrait désormais le côté problématique de la présence de Zwarte Piet à côté du bon Saint Nicolas. Leur cause est gagnée. La plupart des Zwarte Piet ont disparu du paysage aux Pays-Bas, tant le message du groupe correspond à la nouvelle morale woke de notre époque. Son porte-parole Jerry Afriyie estime que les objectifs ont été atteints, comme il l’a déclaré à NU.nl : « Il n’est pas nécessaire de continuer jusqu’au dernier village. Nous avons changé les mentalités. » Et encore : « Zwarte Piet a été dénormalisé. »

 

Zwarte Piet ne doit plus servir saint Nicolas aux Pays-Bas

Pourtant, l’affaire n’était pas gagnée d’avance. Des Néerlandais de souche ont opposé une certaine résistance, qu’il était facile de dénoncer à son tour comme raciste et haineuse. Cependant, le groupe KOZP a fait du porte-à-porte, des manifestations, et même des séances d’information, ou plutôt d’endoctrinement, dans les écoles. Et s’il a décidé de fermer ses portes pour cause de succès, c’est paradoxalement à un moment où le nombre de Néerlandais attachés à la figure de Zwarte Piet, et qui trouvent qu’il est injuste de le priver du droit de cité, a augmenté pour atteindre les 49 % en 2025.

Mais ce n’est pas l’avis des autochtones qui compte, l’opinion d’un grand nombre non plus. La démocratie et le positivisme sont bien souvent des slogans qui cèdent devant l’éthique des puissants du jour.

Comme l’écrit un journaliste écolo sur le site groene.nl au sujet des « de souche » : « Pour ces personnes, et tous ceux qui continuent à s’accrocher à un stéréotype raciste, il ne s’agit bien sûr pas du tout de la couleur des assistants de Saint Nicolas, mais de savoir qui a son mot à dire aux Pays-Bas. Et quelqu’un qui n’est pas né ici, ou dont les parents ne sont pas nés ici, n’a toujours rien à dire, à leurs yeux, sur la manière dont nous façonnons le pays. »

 

Pays-Bas : une « inclusivité » qui exclut les autochtones

Ce n’est peut-être pas si mal vu. Ses propos mettent en tout cas en lumière les objectifs politiques d’une telle mobilisation qui vise la culture, les habitudes, la façon d’être d’un pays d’accueil.

Le discours anti-Zwarte Piet insiste évidemment sur l’esclavage, sur le fait qu’il est présenté comme l’esclave stupide d’un saint blanc. Son perpétuel sourire serait signe d’une soumission exigée, et pourquoi pas sadique. Et tout cela rejaillirait sur l’ensemble des Noirs du monde entier. Et tant pis pour ceux qui expliquent, non sans raison, que le serviteur de Saint Nicolas est noir parce qu’il passe par les cheminées pour déposer les présents du Saint pour les enfants, en se couvrant de suie.

Cette année, la presse de gauche a recensé des apparitions de Zwarte Piet dans diverses villes des Pays-Bas, comme Zeist, où quatre plaintes ont été déposées auprès de la municipalité. Celle-ci a déclaré n’être pour rien dans ces initiatives privées.

 

Zwarte Piet et saint Nicolas agitent les Pays-Bas

Le coordinateur national contre la discrimination et le racisme du ministère des Affaires Intérieures néerlandais a salué le travail effectué par Kick Out Zwarte Piet. Il travaille, assure l’agence gouvernementale, à l’établissement d’un « monde meilleur » dont elle partage la « vision ». Tout cela concourt à améliorer l’éducation structurelle sur le passé colonial et esclavagiste, et pour l’établissement d’une Saint-Nicolas inclusive ; et cela est d’« intérêt historique », selon l’agence, qui ne tarit pas d’éloges sur le travail bénévole et acharné réalisé à cette fin. « La lutte continue ! »

Si, pour l’heure, le fait de parader grimé en Zwarte Piet n’est pas susceptible de poursuites, des voix s’élèvent déjà pour en faire un délit. Le quotidien de gauche De Volkskrant publiait le 4 décembre une tribune de l’avocat pro-immigration Willem Jebbink qui dénonce les vestiges de cette tradition et en appelle au traité visant à mettre fin à toutes les formes de discrimination raciale, ratifié par les Pays-Bas, qui limite selon lui le droit du ministère public de choisir d’inscrire ou non ce méfait dans le Code pénal néerlandais. C’est au nom de l’égalité des citoyens que cet avocat réclame que des poursuites soient désormais engagées contre chaque Zwarte Piet osant se manifester sur la voie publique.

Jebbink cite également la Cour européenne des droits de l’homme, selon laquelle les stéréotypes négatifs à l’égard d’un groupe sont susceptibles que les stéréotypes négatifs à l’égard d’un groupe peuvent porter atteinte à l’estime de soi et à la confiance en soi, violant ainsi le droit fondamental à la protection de la vie privée.

L’atteinte aux traditions nationales, elle, ne vaut que pour certains.

 

Jeanne Smits