La plateforme X suspendue au Brésil (mais aussi ailleurs)

plateforme X suspendue Brésil
 

Le concert de lamentations à l’occasion de l’arrestation, en France, de Pavel Dourov, ce russo-franc-christophien-émirati patron du réseau social Telegram, fut l’occasion de dénoncer les avancées du totalitarisme dans les pays occidentaux, et même de vanter la Russie de Poutine qui, après avoir rendu la vie impossible à son turbulent fils prodigue et libertarien, a multiplié les déclarations pour dénoncer ses ennuis avec la justice française (fondés ou non). A peu près dans le même temps, le Brésil de Lula suspendait la plateforme X (anciennement Twitter) à travers la décision d’un juge de la Cour suprême affirmant que le réseau était utilisé pour diffuser de la désinformation, notamment par des partisans de l’ex-président Jaïr Bolsonaro, et que les responsables locaux de X refusaient de transmettre certaines informations concernant ses utilisateurs aux autorités et de payer des amendes légales. Alexandre de Moraes assortit cette interdiction d’une règle sortie de son chapeau : désormais, des amendes d’environ 8.000 euros frapperont ceux qui se servent d’un VPN pour accéder quand même à X.

Une nouvelle fois, ce fut le tollé : le Brésil se rendait coupable d’entraver la liberté d’expression. Cette fois, s’agissant d’un membre des BRICS, il était pourtant difficile de dresser un pseudo monde libre totalitaire dans le fond – l’Occident – face à l’ensemble des pseudo pays garants de la liberté et de la vérité (la Russie et ses alliés au sein de la « multipolarité »). D’autant que l’an dernier – Lula régnant –, le Brésil avait lui aussi visé Telegram, à travers une suspension temporaire venue sanctionner le refus de ses responsables de bloquer certains profils à la demande des autorités.

 

La plateforme X suspendue au Brésil – après Whatsapp et Telegram

Idem pour Whatsapp, suspendu à plusieurs reprises en 2015 et 2016 sous Dilma Rousseff pour défaut de communication de données d’utilisateurs à la demande de la police.

Bref, la censure et la surveillance sont équitablement partagées, comme le notait ici Pauline Mille au sujet de la curieuse affaire Dourov. Et pour ce qui est de X, la plateforme d’Elon Musk, qui ne cache pas son penchant pour Donald Trump, il n’y a pas que le Brésil qui lui fasse des misères.

Le Brésil a en réalité fait son entrée dans un club assez étendu des pourfendeurs de l’ex-Twitter qui se glorifie d’avoir rompu avec la censure de mise sur YouTube ou Facebook. Ainsi la Russie, la Chine, la Corée du Nord, le Venezuela, l’Iran et le Pakistan ont-ils tous mis en place des interdictions partielles ou totales de X, « pour diverses raisons mais toujours en vue d’un même objectif », observe un ancien diplomate sur Panampost : « Tuer la voix de l’adversaire et annihiler la pensée divergente. »

Arturo McFields Yescas souligne que le juge de Moraes, « deuxième homme le plus puissant du Brésil », mène une « croisade personnelle contre les promoteurs de fake news » – comme par exemple les informations sur les abus des secteurs public et privé dans le pays. Amendes, ouvertures d’enquête, mandats d’arrêts font partie de son arsenal, et il jouit du soutien absolu de Luiz Inácio Lula da Silva. Celui-ci a déclaré au sujet d’Elon Musk : « Que quelqu’un ait de l’argent ne signifie pas qu’il puisse faire ce qu’il veut. Il doit respecter les lois du Brésil. » Lula, partisan de la dictature cubaine, et qui a justifié l’invasion de l’Ukraine et le terrorisme du Hamas…

 

Les BRICS n’apprécient pas la plateforme X

Où est la « démocratie » dans ce gouvernement non des juges, mais d’un juge ? C’est la question posée par Musk et par X. Mais une autre se profile, selon Arturo McFields Yescas : une onde de choc pourrait se répandre en Amérique du Sud. Après le Venezuela et le Brésil, il voit « des pays comme le Mexique, la Colombie, le Honduras, la Bolivie et le Nicaragua » rejoindre le camp de la censure à l’égard du réseau X.

Censure il y a, et elle est fortement répandue des deux côtés des camps qui s’affrontent – et se ressemblent finalement. Mais si elle est pesante, elle est aussi significative de la peur de ceux qui l’instaurent.

L’idée de criminaliser l’utilisation des VPN, ces réseaux privés virtuels qui permettent de masquer l’identité des internautes et leur permet de paraître surfer sur internet depuis un lieu qui n’a rien à voir avec leur localisation réelle, semble progresser cependant. On se souvient de la tentative d’un élu Renaissance qui prétendait en octobre dernier faire voter un amendement visant à leur interdiction sur les réseaux sociaux. L’amendement de Mounir Belhamati avait été retiré alors que le député protestait de sa bonne foi en assurant qu’il cherchait seulement à faciliter l’identification de ceux postant des propos délictueux.

Au Brésil, on est allé plus loin – mais avec quelle chance de réussite ? Le principe du VPN est d’anonymiser les utilisateurs, et c’est précisément leur identification qui est compliquée : la bataille fait d’ailleurs rage entre les systèmes qui contournent l’anonymat et ceux qui évitent l’identification…

Aujourd’hui, nombre de sites bloquent déjà les utilisateurs de VPN (qui par ailleurs peuvent en profiter pour atteindre d’autres sites censurés chez eux) : c’est le cas de nombre de sites officiels en France. Et de celui du Forum économique mondial. Souriez, vous êtes traqués !

 

Jeanne Smits