On se rappelle qu’à la mi-août des militants propalestiniens avaient accroché un gigantesque drapeau palestinien sur la face ouest du Petit Dru à Chamonix, dans le dessein, selon eux de « dénoncer l’inaction des gouvernements face au génocide en cours à Gaza ». Dès le dix-sept août, la gendarmerie héliportée le décrochait. Aujourd’hui, l’un des alpinistes du « collectif anonyme » qui a mené l’action l’explique à notre confrère Reporterre : « Il nous paraissait essentiel que la communauté de l’escalade, de l’alpinisme et de l’outdoor prenne position. » Dans une société où le ministre de l’Education nationale s’occupe de changer le fronton du Panthéon, il est normal que les grimpeurs décident de la politique étrangère. Il s’agissait de « bousculer ce petit monde montagnard privilégié » : à son langage, on voit que ce garçon s’y connaît encore mieux en petit monde privilégié qu’en montagne. A ceux qui déplorent qu’on fasse de la nature le décor d’une violente controverse politique, il répond : « L’alpinisme a toujours eu une dimension symbolique. On peut citer la première ascension des Grandes Jorasses par Riccardo Cassin, dédiée au fascisme, et l’ascension de l’Eiger (Suisse), où Hitler lui-même a reçu les alpinistes. » Voilà de bien intéressantes références pour justifier ce « geste esthétique et collectif, à l’opposé de la logique de performance individuelle qui domine souvent ce milieu ». Invité à expliquer sa solidarité avec la Palestine, il a expliqué que « l’écologie bourgeoise » ne valait rien : « Pour moi, on ne peut pas faire d’écologie sans défendre les peuples opprimés. L’écologie, c’est l’étude de la vie : à partir du moment où un peuple se fait exterminer, on ne peut pas, de toute manière, faire d’écologie. Je pense à la phrase célèbre : “Faire de l’écologie sans lutte des classes, c’est du jardinage.” (…) Je crois que ces luttes sont complètement liées, et qu’il existe une notion d’intersectionnalité entre l’écologie, les luttes de libération des peuples et les luttes sociales. » Voilà une belle déclaration arc-en-ciel.
Et de critiquer ensuite la promptitude des gendarmes qui n’ont pas ménagé leur peine malgré une météo difficile : « C’est fou que tant de risques et d’argent aient été engagés pour masquer un geste de solidarité qui ne mettait personne en danger. » L’anonyme du collectif s’est félicité enfin que des parapentistes aient suivi son exemple en volant avec des drapeaux palestiniens, non sans avoir lancé auparavant, avec un souverain mépris : « On a voulu rappeler qu’il existe des choses plus importantes que nos petites ascensions quotidiennes. » Certes oui. Et que les petits slogans politiques de bobos révolutionnaires.