Quand le Pew Research Center fait un rapport sur la vie catholique aux Etats-Unis, il parle de pratique religieuse, de motifs de foi, de milieux sociaux, d’origines ethniques… mais il parle aussi de la messe traditionnelle. Et les chiffres évoqués ont fait réagir Stephen P. White dans le média en ligne The Catholic Thing. Des chiffres, certes, faibles, mais qui témoigneraient, à l’échelle des Etats-Unis, d’une réalité beaucoup plus ancrée qu’on ne pourrait croire et surtout impossible à ignorer dans le paysage de la pratique religieuse.
Sont-ils réels ou jouissent-ils de la marge d’erreur inéluctable de ces outils de sondage, surtout quand les proportions sont faibles ? Le nombre des fidèles de la messe tridentine serait-il vraiment en plein essor, se demande Stephen P. White ? Quoi qu’il en soit, cela confirme que leur poids demeure et croît à son échelle, alors même que le Vatican, depuis Traditionis Custodes, a tout fait pour les marginaliser et diminuer leur rayonnement.
Quant au catholicisme américain, malgré une baisse régulière de la pratique (mais beaucoup moins catastrophique qu’en France), il garde une place importante dans la vie religieuse, culturelle et sociale du pays.
Le poids de 52 millions de catholiques sur 260 millions d’adultes américains
Selon ce nouveau rapport, publié en juin, un Américain sur cinq (soit 20 %) se déclare catholique. Mais 9 % supplémentaires se disent catholiques « culturellement ». 9 % se disent anciens catholiques : sans s’identifier comme tels, ils déclarent avoir été élevés dans la foi catholique. 9 %, enfin, sont liés au catholicisme par d’autres moyens : ils ont un parent, un conjoint ou un partenaire catholique, ou répondent « oui » lorsqu’on leur demande s’ils assistent de temps en temps à une messe catholique.
En chiffres réels, cela signifie qu’environ 52 millions d’adultes américains sont catholiques et que plus de 71 millions supplémentaires sont liés au catholicisme de l’une des manières mentionnées ci-dessus. Autrement dit, et c’est le titre même de l’étude : 47 % des adultes américains ont un lien personnel ou familial avec le catholicisme.
« Avoir un “lien avec le catholicisme” n’est pas la même chose qu’être catholique », précise Stephen P. White. « Et “être catholique” n’est pas la même chose que “pratiquer la foi”. Mais si le rapport Pew met en évidence les liens avec le catholicisme, c’est simplement parce que ce dernier exerce une influence considérable sur le reste de la société américaine. (…) Le catholicisme compte plus en Amérique que ne le suggère notre part de la population. »
A titre de comparaison, on retrouve presque ce chiffre pour la France : d’après le sondage IFOP pour l’Observatoire de la laïcité en février 2025, 48 % des Français se sentent « liés à la religion catholique », c’est-à-dire qu’ils se reconnaissent d’une manière ou d’une autre dans l’héritage, les valeurs ou les traditions catholiques, même s’ils ne pratiquent pas régulièrement. Mais le poids démographique n’est évidemment pas le même.
Un million à la messe tridentine aux Etats-Unis, selon le Pew Research Center ?
L’enquête du Pew Research Center, menée du 3 au 9 février 2025, a posé deux questions sur la messe tridentine.
Evidemment, le nombre de catholiques américains fréquentant la messe traditionnelle est faible. « Globalement, 2 % des catholiques déclarent le faire au moins une fois par semaine, 1 % une ou deux fois par mois et 2 % plusieurs fois par an. 8 % supplémentaires déclarent fréquenter rarement, voire jamais, “ces jours-ci”, une Messe traditionnelle, tandis que 87 % des catholiques américains n’y ont assisté à aucun moment au cours des cinq dernières années. »
Comme le fait remarquer Stephen P. White, 2 % des adultes catholiques aux Etats-Unis, c’est à la fois peu et beaucoup ! Traduit en chiffres, cela signifie que plus d’un million d’Américains iraient une fois par semaine à la messe traditionnelle. Et qu’environ deux millions et demi auraient l’occasion d’y aller plusieurs fois par an et plus.
Stephen P. White lui-même a du mal à y croire, d’autant qu’il est difficile d’obtenir des données fiables sur le sujet, les seules auxquelles il ait eu accès ayant donné plutôt 100.000 personnes. D’autant que les marges d’erreur des sondages demeurent. En bref, il est difficile de prétendre à une quelconque précision.
Néanmoins, comme il l’écrit, cela ne signifie pas non plus que l’intérêt pour la messe traditionnelle, son influence sur la liturgie en général et son rayonnement ne progressent pas. Au contraire. Le nombre de pratiquants réguliers de la messe tridentine ne fait qu’augmenter, que ce soit en France ou aux Etats-Unis, une courbe totalement inverse à celle du nombre de pratiquants réguliers du Novus Ordo Missae.
Aujourd’hui, note le rapport, seulement 28 % des adultes catholiques américains assistent à la messe chaque semaine, 50 % déclarent prier quotidiennement et 23 % se confessent chaque année. Pire, seulement 13 % des catholiques américains cochent ces trois pratiques qui font en théorie partie intégrante de la vie d’un chrétien fidèle aux préceptes de l’Eglise. Mais c’est encore nettement mieux que la France chez qui 8 % seulement des catholiques se rendent à la messe le dimanche…
Et on notera que si 2 % des catholiques américains fréquentent habituellement la messe traditionnelle, cela revient à un pratiquant régulier sur 14. Ce qui commence à compter.
« Pour que la forme ordinaire de la messe devienne l’expression unique de la lex orandi du rite romain » (Traditionis Custodes)
La cohorte des fidèles de la messe tridentine est un socle pérenne, actif, très pratiquant, qui donne, par ses caractéristiques, bien d’autres leçons que des histoires de pourcentages. Alors même que tout semble avoir été fait pour le disqualifier, depuis l’entrée en vigueur de Traditionis Custodes, en juillet 2021, le nouveau motu proprio de François qui annulait l’œuvre de son prédécesseur, restreignant de façon drastique l’accès à la messe tridentine.
C’est une communauté très avertie et très attentive qui attend avec impatience les premiers mots de son nouveau pape pour qui la paix et l’unité semblent prioritaires. Le dossier cumule les crispations dans maints diocèses, générant, dans cette guerre liturgique, l’inverse de ce qu’il était censé apporter. Et il est toujours en cours, le pape ayant laissé un temps d’adaptation pastoral. Actuellement, par exemple, de nouvelles restrictions doivent entrer en vigueur dans les diocèses américains de Détroit et de Charlotte, et la controverse ne faiblit pas.
Comme nous l’a appris le National Catholic Register le 16 juin, le cardinal Burke a déclaré lors d’une conférence organisée à Londres par la Société de la messe latine d’Angleterre et du Pays de Galles à la mi-juin, qu’il avait demandé au pape Léon XIV de lever les mesures restreignant la célébration de la messe traditionnelle en latin dans les diocèses. Mais nous ne connaissons pas la réponse qui a été la sienne.
Ce peut être long : comme le faisait remarquer Ed Condon dans The Pillar, François a attendu 8 ans pour renverser le motu proprio de Benoît XVI. Ce peut être court, si Dieu veut.