En Pologne, la fraude à la TVA sous les gouvernements de Donald Tusk avait pris des proportions gigantesques. La coalition des libéraux de la Plateforme civique (PO) de Tusk et du parti agraire (PSL) a gouverné la Pologne de 2007 à 2015. Selon les dernières données publiées par le ministère des Finances polonais, il est question de 250 à 265 milliards de zlotys (environ 60 milliards d’euros) de pertes du budget polonais dans les années 2008-2015. Selon la Commission européenne elle-même, entre 2006 et 2015, les pertes du budget au titre de la fraude à la TVA étaient passées de l’équivalent de 0,6 % du PIB polonais à l’équivalent 2 % du PIB. Pour la seule année 2015, le budget polonais y aurait perdu environ 40 milliards de zlotys (plus de 9 milliards d’euros). Un rapport gouvernemental auquel l’hebdomadaire Do Rzeczy affirme avoir eu accès estime que, sur la période 2016-2019, les recettes de TVA supplémentaires obtenues grâce aux réformes fiscales du PiS se monteront à 57 milliards de zlotys, celles de l’impôt sur le revenu à 37 milliards de zlotys et celles de l’impôt sur les sociétés à 12 milliards de zlotys, tout ceci sans augmentation des taux de l’impôt. A titre de comparaison, les recettes de l’impôt sur les sociétés avaient baissé de 1,7 milliard de zlotys entre 2008 et 2015.
Des chaînes d’entreprises créées spécialement pour générer de fausses factures permettant de récupérer une TVA fictive
En ce qui concerne la TVA, des failles dans la législation avaient favorisé la création de chaînes d’entreprises créées à la seule fin de produire de fausses factures permettant de récupérer auprès du fisc une TVA fictive. D’autres ne s’acquittaient tout simplement pas de la taxe. Dès 2012, l’industrie des carburants avait alerté le gouvernement en se plaignant de la concurrence déloyale des fraudeurs, mais celui-ci n’avait pas réagi. Par quelques réformes simples, Mateusz Morawiecki, d’abord ministre des Finances de Beata Szydło puis Premier ministre lui-même, a réussi à accroître les recettes budgétaires à un niveau dépassant largement les attentes du gouvernement. C’est ainsi qu’en 2017, le déficit budgétaire a été de moitié inférieur aux prévisions de la loi budgétaire. A un peu plus de 25 milliards de zlotys (moins de 6 milliards d’euros), c’était le plus petit déficit depuis 2011 et il était de plus de 20 milliards de zlotys inférieur à celui de 2016. En termes de pourcentage du PIB, le déficit des finances publiques en 2017, à 1,5 % contre 2,3 % un an plus tôt, était le plus petit déficit polonais depuis 22 ans ! C’est pourtant en 2016 que le gouvernement de Mme Szydło a mis en place un système d’allocations familiales destiné à relancer la natalité. Des allocations qui devaient conduire à une catastrophe des finances publiques selon un certain Jacek Rostowski, ministre des Finances de Donald Tusk de 2007 à 2013.
Corruption ? Incompétence ? Une commission parlementaire enquête sur la fraude fiscale gigantesque dans la Pologne de Donald Tusk
Une commission parlementaire enquête en ce moment sur cet énorme scandale. La question est de savoir pourquoi, alors que le ministre des Finances et le premier ministre recevaient des signaux sur l’étendue des fraudes et sur les failles des lois en vigueur, ils n’ont pas réagi. Incompétence ? Corruption ?
Lundi, Donald Tusk, aujourd’hui président du Conseil européen, était auditionné par une autre commission d’enquête, qui enquête sur la faillite frauduleuse de l’institution parabancaire Amber Gold en 2012. Il s’agit d’une grosse affaire dans la mesure où les épargnants polonais y ont perdu plus de 800 millions de zlotys (près de 190 millions d’euros au cours actuel), mais aussi parce que cette institution servait à financer l’activité à perte d’une compagnie aérienne privée, OLT Express, dans laquelle le fils de Donald Tusk avait été embauché. Or il existe de forts soupçons que le but d’OLT Express était de faire couler la compagnie aérienne nationale Lot afin de permettre à la compagnie privée allemande Air Berlin, aujourd’hui en faillite, de s’emparer du marché polonais.
La Pologne sous les gouvernements des libéraux, « un Etat théorique »
L’affaire Amber Gold/OLT Express et l’affaire de la fraude à la TVA sont deux affaires séparées. Mais leur point commun, selon le député Wojciech Murdzek qui est membre de la commission parlementaire enquêtant sur l’affaire de la TVA, c’est qu’il y a eu dans les deux cas une absence apparente totale d’échange d’informations entre les différents services de l’Etat et avec les ministères responsables. Et aussi des blocages à différents niveaux que le parquet polonais s’efforce aujourd’hui d’éclaircir. En 2013, le ministère de l’Intérieur de Donald Tusk, Bartłomiej Sienkiewicz, avait été enregistré à son insu alors qu’il affirmait que « l’Etat polonais n’existe qu’en théorie ». Wojciech Murdzek, auquel l’auteur de ces lignes a parlé au téléphone ce mardi alors qu’il sortait de la commission d’enquête, s’est référé à cette déclaration désormais célèbre en Pologne, en résumant l’attitude de l’Etat de l’époque Tusk face à la gigantesque fraude à la TVA avec ces mots : « Un État théorique. » Le président du Conseil européen pourrait se voir obligé de à revenir à Varsovie, afin de déposer devant cette deuxième commission.
Olivier Bault
Correspondant à Varsovie