La population du Nigeria est surestimée, moins importante qu’on ne le pense

La population du Nigeria est surestimée, moins importante qu’on ne le pense
 
On parle volontiers de la démographie du Nigeria – l’une des plus vigoureuses au monde – comme d’un problème. Ce que l’on dit moins, c’est que le pays vient de prendre la tête de l’Afrique en termes de PIB, puisque le Nigeria a récemment dépassé l’Afrique du Sud sur ce plan. Alors que certaines projections voient la population du Nigeria atteindre le milliard d’âmes d’ici à la fin du XXIe  siècle, ou presque, il semble qu’elle soit aujourd’hui nettement moins importante qu’on ne le pense : plusieurs facteurs ont conduit à la surestimer. Les « alarmistes » de la population s’appuyeraient-ils sur des données aussi discutables que les « alarmistes » du climat ?
 
Le spécialiste démographique de MercartorNet commente une récente étude de The Economist qui met en avant les erreurs des recensements officiels au Nigeria. Actuellement, la population du pays est de 180 millions d’âmes selon les chiffres communément admis, ce qui en fait le 7e pays le plus peuplé au monde. En 2050, selon la Division de la population des Nations unies, le Nigeria sera plus peuplé que les Etats-Unis. Voilà qui en fait un marché potentiellement énorme.
 

Recensements truqués et population surestimée au Nigeria

 
C’est pour mettre un bémol à ce rêve que The Economist rappelle que si les recensements étaient à peu près exacts aux « temps coloniaux », le premier comptage après l’indépendance a été « truqué sans complexes ». Question politique. Les zones de l’est et de l’ouest affichaient une croissance de 70 % en dix ans, contre 30 % au nord – et c’étaient les élites du nord qui contrôlaient le pays. On a étouffé les chiffres pour reprendre le décompte à zéro. Cette fois le nord se voyait gratifier d’une progression de 84 % : on venait de trouver 9 millions de personnes supplémentaires… Et le nord pouvait se targuer d’abriter un peu plus de 50 % de la population du Nigeria. « Depuis lors, chaque nouveau recensement a été l’occasion de disputes. Un comptage de 1991 a été écarte parce qu’il semblait indiquer que la population totale du pays était inférieure d’environ 30 % à ce qui était attendu », constate le magazine anglais.
 
Les chiffres actuels reposent sur des projections à partir du recensement de 2006, qui annonçait une population de 140 millions environs : des chiffres disputés, eux aussi : ils auraient été exagérés pour le nord et abaissés pour le sud en raison de pressions politiques. Les chiffres servent après tout à l’allocation des ressources : Kano, dans le nord, en recevant davantage, Lagos, au sud, moins. Lagos a-t-elle 9 millions d’habitants comme l’affirment les chiffres officiels, ou 17 millions selon le compte « maison » des autorités de Lagos ?
 

Nigeria : la population est moins importante de 20 millions d’âmes

 
Le recours à l’imagerie par satellite et la prise en compte des systèmes d’information géographique suggère qu’en réalité, le recensement de 2006 a considérablement gonflé les statistiques de la population urbaine au Nigeria : la population actuelle pourrait bien n’être que de 160 millions d’âmes, tandis que les projections sur la croissance soutenue au cours des décennies à venir sont démenties par une chute de la fécondité, particulièrement dans le sud.
 
MercatorNet note que ces différences peuvent expliquer le manque de gains de productivité liée à l’urbanisation par rapport aux attentes, et ajoute que le gouvernement devrait consacrer davantage de fonds aux infrastructures rurales dans des zones qui ont un poids démographique relatif plus important qu’on ne le pensait et où la pauvreté est endémique… malgré des ressources potentielles énormes.
 
En 2012, le média australien soulignait déjà que le Nigeria importe une bonne part de sa nourriture, y compris celle qui pourrait pousser sur place, malgré une étendue vaste et sous-exploitée de terres arables, sans compter sa richesse en minerais s’ajoutant aux ressources pétrolières qui elles, pour l’heure, ne bénéficient guère à l’ensemble de la population. « La Chine, qui a une population dix fois plus importante que le Nigeria, n’importe pas de nourriture », observait un journal nigérian, ajoutant qu’une diminution de la population n’apporterait aucune solution aux problèmes politiques et structurels auxquels il fait face. De la terre et de la nourriture, pourvu que la question soit bien gérée, il y en a assez pour tous…
 
Voilà pourquoi il est des Nigérians qui tempêtent contre les programmes de contrôle de la population, de stérilisation et de diffusion de la contraception qui leur sont imposés par les pays riches. Le système de santé est dans un état déplorable, les écoles ont besoin d’équipements, l’agriculture doit être développée : voilà de vraies urgences.
 
« Avec une chute de notre population, nos hôpitaux s’équiperaient-ils, verrions-nous la fin de la corruption et serions-nous tous heureux et comblés ? Si c’était le cas, alors le Niger, le Mali et la Mauritanie devraient être des économies florissantes embellissant la carte du monde ! », écrivait un lecteur au Guardian nigérian en 2012, en dénonçant les programmes malthusiens de la Bill & Melinda Gates Foundation.
 
Bien vu. L’idéologie a pris le pas sur la réalité.
 
Et quoi qu’il en soit des chiffres exacts de la population nigériane, tout cela montre que les avertissements catastrophistes à propos de la surpopulation dans le monde ne reposent même pas sur des statistiques certaines.

Anne Dolhein