DRAME HISTORIQUE
Le Portrait Interdit ♥♥


 
Le portrait interdit est une peinture célèbre en Chine, puisqu’assez unique, représentant une impératrice du XVIIIème siècle. L’impératrice est alors la femme de premier rang de l’empereur, première parmi des centaines d’autres, avec un statut toujours précaire. Le portrait interdit tire son nom de la transgression des strictes normes picturales chinoises, qui s’imposent évidemment pour un portrait officiel ; or l’impératrice a été prise de la fantaisie d’avoir un portrait peint selon les normes européennes, tout simplement choquantes et inconvenantes dans le cadre chinois traditionnel. Le portrait dont il est question paraît pourtant pour le public européen tout sauf audacieux ou irrespectueux ; il fait même très chinois, et le peintre européen présent à la cour de Pékin a à l’évidence harmonieusement mélangé les deux traditions picturales. Ce portrait participe de la stratégie personnelle de l’impératrice pour se distinguer, pour se faire vraiment remarquer parmi des centaines de rivales par l’empereur. L’empereur avait aimé jadis une autre femme, et une seule, morte une décennie plus tôt, dont le portrait, peint selon les normes chinoises est toujours honoré à la cour.
 

Le portrait interdit, un film très beau et subtil

 
Ces peintres européens présents à la cour de la dynastie des Qing ont la particularité d’être tous des jésuites. Ils appartiennent à l’ordre de saint Ignace de Loyola, à la fois rigoureux et souple, permettant de mener des activités pour le moins éloigné du sacerdoce comme la peinture, l’architecture, les arts mécaniques en général. Ces jésuites sont aussi tous prêtres, célèbrent régulièrement la Messe, selon un rite particulier – qui en principe n’est pourtant plus le célèbre rite chinois élaboré par eux et interdit par les papes -, dans une église dédiée, mais se voient interdire toute activité de prosélytisme. Alors à quoi servent-ils donc ? Telle est l’interrogation constante du jésuite peintre. Il s’était senti une vocation de missionnaire, et était donc parti si loin de France dans ce but. S’il aime beaucoup peindre, il a l’impression de se livrer à une activité inutile. Il est pris de doutes. La civilisation chinoise, très ancienne, complexe, subtile, prestigieuse, n’est manifestement pas intéressée, du moins dans ses élites qu’il rencontre quotidiennement, par le christianisme. Comment est-ce possible ? Si certains pages se livrent à des plaisanteries antichrétiennes grossières, des chambellans, positivement curieux, tentent eux de comprendre vraiment le christianisme et la civilisation européenne, tout en refusant absolument toute perspective de conversion. L’impératrice, au statut si précaire, et le père jésuite peintre pris de doute, dialogueront, en principe seulement pour la réalisation du tableau en question. Mais ils risquent de s’intéresser trop l’un à l’autre. Précisons que l’un comme l’autre ont conscience de leurs devoirs, et ne succomberont pas.
 
Le portrait interdit est vraiment un très beau film, subtil. On aurait aimé certes voir des prêtres missionnaires tous plus fermes dans leurs convictions, convertissant des populations, plutôt que ce constat apparent d’échec. Mais il est conforme à l’Histoire. Rappelons toutefois que les ouvrages en chinois des Jésuites ont touché des âmes en Corée – à l’élite sinisante. In fine leur action n’a donc pas été vaine.
 

Hector JOVIEN

 
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