Alors que les Etats-Unis entrent dans la phase des votes par Etat en vue de désigner le candidat républicain à la prochaine élection présidentielle, une lettre cosignée par dix femmes américaines qui jouent un rôle de premier plan dans le combat provie met en garde contre la candidature du milliardaire Donald Trump. Elles vont jusqu’à écrire : « Tout sauf Donald Trump ». Car à la différence des candidats démocrates qui sont pour ainsi dire systématiquement acquis à la cause de la culture de mort, et pour lesquels il n’y a donc aucune ambiguïté, il y a un travail de décryptage à faire chez Trump qui sait à quel point un discours provie est important dans le combat actuel pour l’investiture républicaine.
Et en marketing, il s’y connaît…
La lettre s’adresse aux électeurs de l’Iowa qui viennent de désigner Ted Cruz – celui que la presse française qualifie d’« ultra-conservateur » – qui devance Trump de plus de trois points (Marco Rubio, provie lui aussi, le talonne de manière inattendue). Tant Cruz – fils de pasteur – que Rubio ont agi dans leurs Etats respectifs, le Texas et la Floride, pour promouvoir des lois favorables au respect de la vie, et ils sont tous deux favorables à l’arrêt des subventions au Planning familial.
Si le résultat de l’Iowa, premier « caucus » de la série qui va se dérouler jusqu’en juin, n’est pas forcément significatif de la décision finale des Républicains, en revanche, la lettre aux électeurs est riche d’enseignements pour tous.
« Tout sauf Donald Trump » : les provie pointent son ambiguïté
« En ce qui concerne la défense des enfants à naître et de la protection des femmes vis-à-vis de la violence de l’avortement, il n’est pas possible de faire confiance à M. Trump », écrivent-elles, affirmant avoir « patiemment » écouté d’innombrables débats et informations et – pour une vision plus décisive encore – les paroles mêmes du candidat.
Quelles que soient ses affirmations, ce qui comptera, ce sera l’identité des nouveaux juges de la Cour suprême des Etats-Unis dont le poids est en réalité déterminant en matière de législation favorable ou non à la vie. Le prochain président en nommera plusieurs : à vues humaines, quatre, vu l’âge des juges actuels. Un président provie aura probablement en mains le pouvoir de faire renverser l’arrêt Roe v. Wade légalisant l’avortement, s’il bouscule l’actuelle majorité de gauche à la Cour suprême.
Or sur ce chapitre, Donald Trump a envoyé pour l’heure un seul message clair : il a suggéré pour une place de magistrat suprême des Etats-Unis sa propre sœur, le juge Maryanne Trump Barry, affirmant que ce serait un « choix phénoménal » : elle est connue pour avoir renversé l’interdiction de l’avortement par naissance partielle dans le New Jersey.
Les primaires républicaines seront déterminantes pour le nouveau visage de la Cour suprême
Par ailleurs, rappellent les signataires, Trump envisage explicitement de prendre le sénateur « pro-choix » Scott Brown comme compagnon dans la course électorale : « Il ferait un “très bon” vice-président. »
Leur lettre souligne également que Donald Trump a des relations ambiguës avec les femmes. « Trump a tiré profit de l’exploitation des femmes dans son hôtel casino d’Atlantic City, qui se vante d’avoir eu le premier casino de striptease du pays », et il est par ailleurs connu pour ses insultes qui « portent atteinte à la dignité des femmes ». « L’Amérique ne sera une grande nation qu’au jour où nous aurons des chefs au caractère fort qui défendront à la fois les enfants à naître et la dignité des femmes. Nous ne faisons confiance à Donald Trump ni dans un cas, ni dans l’autre », écrivent-elles.
Pour l’heure, Trump venant du monde des affaires, il n’est pas possible de savoir comment il agirait une fois au pouvoir. Seules ses paroles peuvent être analysées : elles font état d’une évolution depuis une position clairement « pro-choix » en 1999 à l’assurance répétée, depuis 2011, qu’il est « provie » ; à quoi il ajoute depuis quelques mois des déclarations plus fortes. Il a ainsi déclaré qu’élu président, qu’il signerait une loi interdisant l’avortement des fœtus capables de ressentir la douleur. Samedi, dans une tribune du Washington Examiner, il s’est dit favorable à l’arrêt du financement public du Planned Parenthood tant que cet organisme procurera des avortements.
Des provie américains notent que Donald Trump a affirmé et soutenu tout et le contraire de tout
Mais s’il s’affirme ainsi pro-vie (« Tout le monde connaît mon point de vue ») il n’aborde pas volontiers le sujet de l’avortement et les autres questions de société, préférant se focaliser sur la lutte contre l’immigration, le commerce et l’obtention de meilleurs accords économiques pour les Etats-Unis. De même, non sans avoir affirmé que la décision de la Cour suprême autorisant partout le « mariage » homosexuel est maintenant « la loi du pays », Trump est favorable à l’octroi de nouveaux droits civiques spéciaux aux homosexuels, avec un statut de minorité protégée.
D’un autre côté, il a déclaré qu’il aimerait nommer à la Cour suprême de nouveaux juges de la trempe de Clarence Thomas, solidement provie.
L’ambiguïté du personnage est mise en évidence par le côté éclectique de ses dons aux partis politiques : les deux tiers ont favorisé des Républicains, dont une majorité de provie, mais cela ne l’a pas empêché de subventionner des Démocrates « pro-choix ». En 2004, il a ainsi donné le maximum légal à George W. Bush et à John Kerry à huit jours d’intervalle ; en 2008, il a soutenu financièrement à la fois John McCain en Hillary Clinton – sans rien donner à Obama. La longue liste des dons « contradictoires » est évoquée ici par LifeSite.
Cyniquement, le candidat Trump a reconnu que c’était de son intérêt de donner aux deux camps : « Jusqu’à il y a deux mois, j’étais homme d’affaires. Je donne à tout le monde. Quand ils m’appellent, je donne. Et vous savez quoi ? Quand j’ai besoin de quelque chose, deux ans, trois ans plus tard, je les appelle – et ils sont là pour moi. Ce système est corrompu. » Il a avoué que cela lui avait été particulièrement utile dans le domaine immobilier pour l’aider à faire autoriser ses programmes de développement.
LifeSite souligne que la direction de campagne de Donald Trump n’a pas réagi à de multiples demandes d’entretien ces derniers jours.
On peut sans doute en déduire que son entourage, au moins, n’est pas intéressé par la question de la défense de la vie et de la famille, et que le premier axe de son programme et de son action cherche à répondre avant tout aux attentes du marché. Une attitude dont il n’a certes pas le monopole, dirons-nous de ce côté de l’Atlantique…