Le président de la Banque Centrale européenne Mario Draghi a promis jeudi de mettre tout en oeuvre pour stimuler l’inflation – qui était le mal absolu naguère encore – et le crédit, en réduisant notamment ses trois taux directeurs, en augmentant ses achats de dettes sur les marchés, et en promettant aux banques de nouveaux financements. Mais une telle politique est-elle encore crédible ? Car, en définitive, c’est très exactement, mais en plus poussé, ce que fait la BCE depuis des mois. Sans résultat réel visible. Ce que confirme la nécessité éprouvée par la BCE de pérenniser le système…
D’emblée, et il fallait s’y attendre, les annonces de Mario Draghi ont fait perdre jusqu’à 1 % à l’euro. Une nouvelle faiblesse passagère puisque la monnaie unique est rapidement remontée, Mario Draghi ayant précisé que l’institution ne prévoyait pas de réduire davantage ses taux.
La Banque Centrale européenne renforce sa politique actuelle
« Les taux vont rester bas, très bas, pour une période de temps prolongée et bien au-delà de l’horizon temporel de nos achats », a ainsi expliqué Mario Draghi, avant d’ajouter : « Dans la perspective actuelle et en prenant en compte le soutien apporté par nos mesures à la croissance et à l’inflation, nous n’anticipons pas qu’il sera nécessaire d’abaisser encore les taux. Evidemment, des faits nouveaux peuvent changer la situation et les perspectives. »
Des faits nouveaux, ou la prolongation de cette situation délicate. La preuve…
La BCE a donc abaissé, ce qui était attendu, le taux de sa facilité de dépôt à – 0,4 %. Mais elle a également ramené, et pour la première fois, son taux de refinancement à zéro, et réduit le taux de sa facilité de prêt marginal – taux auquel les banques peuvent lui emprunter des liquidités au jour le jour – à 0,25 %.
Dans le même temps, elle a porté de 60 à 80 milliards d’euros le montant de ses achats mensuels sur les marchés financiers, en prévoyant d’étendre ce système au marché des obligations d’entreprises.
Mario Draghi a justifié ses choix par le risque d’une « déflation désastreuse ». Tout en admettant que la politique des taux négatifs avait ses limites : « Cela veut-il dire que nous pouvons nous enfoncer en territoire négatif aussi longtemps que nous le voulons sans aucune conséquence négative pour le système bancaire ? La réponse est non. »
Le milieu économique s’interroge : le Quantitative Easing de la BCE est-il crédible ?
De fait, les réactions après ces annonces ont été mitigées. Si d’aucuns se félicitent de ne nouvel assouplissement, plus important qu’attendu, de la Banque Centrale européenne, beaucoup s’interrogent sur l’avenir, par forcément rose, en se demandant ce qu’il adviendra si la situation économique européenne – et mondiale – continue de se détériorer. Car, en ce qui concerne la politique monétaire, on doute que Mario Draghi, après l’exercice d’hier, soit encore en mesure d’apporter une réponse forte à un nouveau palier de la crise.
D’autant que l’on peut douter que l’institution de Francfort parvienne à relancer la machine de cette façon. Ni la baisse des taux, ni le rachat de dettes – le fameux Quantitative Easing – ne sont des idées (je n’ose dire des « recettes ») nouvelles. La BCE les utilise depuis des mois avec le succès… que l’on ne voit pas. Et accélérer un mouvement inefficace n’est pas nécessairement la solution. Cela signifierait plutôt que la panique est en train de se mettre en place…
De fait, la Banque Centrale européenne peut bien prêter gratuitement, et même ouvrir des guichets si elle le souhaite, son interventionnisme a au moins une limite : le consommateur. Lorsque celui-ci ne veut pas dépenser par crainte d’un avenir qui s’assombrit, il est difficile de l’y contraindre – malgré les appâts et les mirages que l’on déploie pour l’y pousser. Comme, dans le même temps, et pour grosso modo les mêmes raisons, les entreprises se refusent à investir, la relance ne peut être au rendez-vous.
On peut bien, dans un dernier sursaut, donner de l’argent à qui en voudrait, si personne ne l’utilise, il n’a plus de valeur…