Elle naquit le 29 juin 1832 dans une famille de paysans maronites, à Himlaya, dans le centre du Liban ; elle fut baptisée Boutrossieh (Pierrette). Orpheline de mère à 7 ans, elle fut domestique dans une famille maronite de Damas jusqu’à ses 14 ans, âge auquel elle rentra au domicile familial. Son père souhaitait la marier, mais elle avait déjà donné sa vie à Dieu : contre la volonté paternelle, à 21 ans, elle entra dans la jeune congrégation des Filles de Marie de l’Immaculée Conception.
En 1860, elle fut détachée pour une mission jésuite à Deir-el-Qamar, au Mont-Liban. La région fut alors ravagée par les Druzes, qui massacrèrent des milliers de chrétiens en moins de deux mois ; elle parvint à sauver la vie d’un enfant en le cachant dans les pans de son habit. En 1862, elle prononça ses premiers vœux ; en 1863, elle fonda une école de filles où elle fut institutrice pendant 7 ans.
Après la fusion de sa communauté avec une autre en 1871, elle rejoignit l’Ordre libanais maronite au couvent Saint-Simon d’Aito, au nord du Liban. Elle prit alors le nom de Rafqa (Rebecca), qui était celui de sa mère. Elle prononça ses vœux perpétuels le 25 août 1873. Très pieuse et humble, elle accomplissait de nombreuses tâches manuelles difficiles avec une grande gaîté.
En 1885, elle devint aveugle d’un œil. Elle écrivit dans un récit autobiographique :
« Voyant que j’étais en bonne santé et que je n’avais jamais été malade de ma vie, j’ai prié Dieu ainsi : “Pourquoi, ô mon Dieu, vous êtes-vous éloigné de moi et m’avez-vous abandonné ? Vous ne m’avez jamais rendu visite avec la maladie ! M’auriez-vous peut-être abandonnée ?” (…) Au moment de m’endormir, j’ai senti une douleur très violente se propager au-dessus de mes yeux au point que j’ai atteint l’état dans lequel vous me voyez, aveugle et paralysée, et comme j’avais moi-même demandé la maladie, je ne pouvais me permettre de me plaindre ou de murmurer. »
Elle vécut désormais malade, les médecins ne pouvant rien faire pour elle. Acceptant ses souffrances, elle se contentait de dire : « En communion avec la Passion du Christ. » Malgré sa mauvaise santé, elle fut envoyée en 1897 avec six autres sœurs dans un nouveau couvent de son ordre, le monastère Saint-Joseph, à Batroun, sur la côte, au nord du pays. Elle se dépensa sans compter, jusqu’à devenir complètement aveugle en 1899. Atteinte par la suite de tuberculose osseuse, elle dut passer ses dernières années étendue sur un lit, supportant toutes ses souffrances avec une grande foi et dans la prière constante.
Rafqa mourut à Batroun le 23 mars 1914 ; de nombreux miracles se produisirent sur sa tombe. Elle fut canonisée par Jean-Paul II le 10 juin 2001 : « En canonisant la Bienheureuse Rafqa Choboq Ar-Rayès, l’Eglise met en lumière d’une manière toute particulière le mystère de l’amour donné et accueilli pour la gloire de Dieu et le salut du monde. Cette moniale de l’Ordre libanais maronite désirait aimer et donner sa vie pour ses frères. Dans les souffrances qui n’ont cessé de la tourmenter durant les vingt-neuf dernières années de son existence, sainte Rafqa a toujours manifesté un amour généreux et passionné pour le salut de ses frères, puisant dans son union au Christ, mort sur la Croix, la force d’accepter volontairement et d’aimer la souffrance, authentique voie de sainteté. »