Ancienne secrétaire d’état de François Fillon sous la présidence de Nicolas Sarkozy, ancienne UMP et radicale, la Française d’origine sénégalaise Rama Yade s’est déclarée candidate à l’élection présidentielle de 2017. Mais pourquoi, pour qui roule-t-elle ?
Le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis disait non sans malice ni justesse que les candidats à la primaire à droite pourraient constituer une équipe de football : les candidats à la candidature à l’élection présidentielle de 2017, eux, pourront bientôt former une compagnie d’infanterie. Il ne se passe pas de jour qu’un nouvel ambitieux ne révèle ses intentions, sans compter ceux qui, comme Sarkozy, continuent à les cacher comme le nez au milieu de la figure. Si cela continue, il n’y aura pas assez d’élus locaux en France pour parrainer tout ce beau monde.
La présidentielle de 2017, dernière chance de Rama Yade ?
Rama Yade est donc sortie du bois sur TF1. Elle est candidate à la présidentielle. Elle a précisé tout de suite qu’elle ne passerait pas par la primaire, afin de se conformer « à l’esprit du gaullisme », ce qui n’est pas mal pour une dame qui, après avoir quitté l’UMP où l’avait attiré Sarkozy, a suivi Borloo au parti radical avant de tenter de prendre la présidence du parti, d’échouer, d’intenter un procès au nouveau président et de se faire virer à l’automne 2015. C’est ainsi qu’elle peut se présenter « libre, sans mandat ni attaches ».
Pourquoi cette candidature ? La première réponse qui vient à l’esprit est : parce qu’elle n’a plus rien à perdre. Lancée par Sarkozy, l’ancienne secrétaire d’Etat a cru pouvoir jouer avec lui les opposantes de l’intérieur, mais sans succès, et a très mal géré sa sortie du gouvernement. Ses tentatives législatives lui ont valu en 2011 des démêlés avec la justice à Colombes. Elle a échoué dans son lot de consolation, ambassadrice à l’Unesco, puis s’est montrée si désagréable avec ses collègues qu’elle n’a même pas retrouvé en 2015 la place de conseillère régionale d’Ile de France qu’on lui avait accordé au titre de la « diversité ». Elle est donc sur le sable et se jette dans l’élection présidentielle de 2017 comme un migrant sur un radeau de sauvetage.
D’élection en élection, la candidate de la diversité ?
Rama Yade, qui fut un temps la « personnalité préférée des Français », comme Yannick Noah, cherche-t-elle un simple regain de notoriété ou est-elle une candidate sérieuse ? Cela dépend de ce qu’on appelle une candidate sérieuse. De Gaulle avait institué le parrainage de cent (à l’époque) élus pour éliminer les candidatures fantaisistes, mais qui se souvient de Marcel Barbu, que le général nommait « l’hurluberlu » et qui fut l’un des six compétiteurs de la première élection présidentielle au suffrage universel, en 1965, obtenant 1,15 % des suffrages exprimés, soit plus que Le Pen en 1974 ?
Rama Yade fut secrétaire d’Etat aux droits de l’homme et fut explicitement choisie par Nicolas Sarkozy pour représenter la « diversité » au gouvernement. Si elle devait remplir un emploi dans la comédie présidentielle de 2017, c’est évidemment celui-là. Elle s’est présentée soutenue par une « coopérative politique » composée de plusieurs mouvements « citoyens ».Naguère, elle avait monté une association pour promouvoir les « minorités actives » dans les médias.
Pourquoi les grands candidats peuvent la pousser pour 2017
Elle a pris soin cependant d’élargir son registre. Elle est politiquement correcte, mais de manière subtile. Son personnage chatoyant peut séduire plusieurs électorats. Elle a été pour le mariage gay, pour l’intervention américaine en Irak, contre Kadhafi, mais contre la légalisation du cannabis, pour le retour du mérite à l’école (elle a publié sur ce thème un livre plein de plagiats et de bon sens, Plaidoyer pour une instruction publique). Elle se présente en figure de la diversité, mais elle est par son mariage la belle fille du chanteur yiddish Ben Zimet et se montre « notoirement pro-israélienne » dans le conflit palestinien. Elle sait bien se placer à la gauche de la droite – contre la gauche. Elle a placé sa candidature en 2017 sous le patronage de « La France qui ose » en raillant Macron :
« Il y a ceux qui sont en marchent et puis ceux qui osent. ».
Surtout, elle fait partie de ceux qui ont perçu que la politique est en crise en Europe et qui ont décidé d’en profiter. Les slogans qu’elles lancent sont admirablement taillés, du point de vue publicitaire, dans cette intention. En voici deux :
« Le recours, c’est vous, le peuple français. » Et : « La révolution démocratique face à la démocratie confisquée. »
L’UDI, qui l’a exclue, et Les Républicains, dont elle évite la primaire, affectent de ne pas croire aux chances de Rama Yade. Mais avec la confusion qui règne dans les prodromes de l’élection présidentielle de 2017, et le billard à bandes que jouent la droite et la gauche, pourquoi ne serait-elle instrumentalisée – et donc poussée – par Hollande, Sarkozy, ou n’importe qui d’autre ? Comme Christiane Taubira, autre « icône de la diversité » le fut à gauche en 2002, ce qui permit d’éliminer Jospin.