Le congrès de refondation du FN se termine dans la confusion puisque le nom qu’il envisage de prendre, rassemblement national, a déjà été déposé. La plus confuse est Marine Le Pen, qui fait de l’épuration de son père JMLP une thérapie psychanalytique baroque, en invitant un père de substitution, Steve Bannon.
Dans son discours de clôture, Marine Le Pen, avant de proposer un nouveau nom pour son mouvement, a jugé indispensable qu’y figure l’adjectif national et le substantif rassemblement : chacun a donc compris qu’elle souhaitait soumettre au vote des militants l’expression rassemblement national. Le hic est que celle-ci est déjà déposée à l’INPI et que vivote depuis 2013 un groupuscule qui se dit de droite gaulliste et qui a été fondé par un proche de Pasqua et de JMLP, Igor Kurek. Celui-ci n’a pas digéré son épuration et met quand il le peut des bâtons dans les roues de la refondation. Sans doute Marine Le Pen prétend-elle qu’un avocat de ses amis a racheté récemment la marque pour la lui céder, mais Curek conteste la légalité de l’opération : la brouille familiale va provoquer une embrouille juridique.
Un rassemblement national présidé par un proche de JMLP ?
Plus grave que cette marque d’amateurisme est le mot rassemblement. Historiquement, deux « rassemblement national » ont existé : celui de Tixier dans les années cinquante et celui de JMLP en 1986. Pour Marine qui entend se démarquer de la réaction pétainiste d’une part, de son père de l’autre, c’est un beau raté. En outre, le rassemblement de 1986 était une manière (qui a partiellement réussi) de rallier au Front national des éléments épars de la droite traditionnelle, alors que le rassemblement d’aujourd’hui veut être, en abandonnant ce qui est tenu par la direction actuelle du FN pour des excès réactionnaires, un ralliement idéologique au système. Cela ne peut être atteint que par l’épuration d’une partie du FN et de ses historiques, symbolisés par le père, JMLP. Dans un premier cas, le rassemblement était une tentative de réconciliation nationale, dans le deuxième, c’est un processus d’épuration-normalisation.
Marine Le Pen invite Steve Bannon pour la refondation
Nul ne sait aujourd’hui quel sera le succès politique de l’entreprise. Mais du point de vue psychanalytique, il est clair que Marine Le Pen entend avant tout et à tout prix se débarrasser de son père. La seule modification significative des statuts a porté ainsi sur la suppression du poste de président d’honneur occupé par JMLP. S’il y fallait une preuve supplémentaire, on évoquerait l’invitation faite à Steve Bannon, l’ancien conseiller de Donald Trump, actuel patron du très bon site Breitbart. L’homme, qui a de la gueule, ne mâche pas ses mots, et tient une ligne que le système dit extrémiste parce qu’elle est déterminée dans son opposition à celui-ci. Il ressemble ainsi terriblement à JMLP.
L’épuration de JMLP, but et clef de la thérapie psychanalytique
Florian Philippot, ci-devant second de Marine et aujourd’hui concurrent, a déploré qu’elle invite Bannon, « dont même Trump s’est débarrassé pour extrémisme ». Mais précisément Marine l’a invité d’abord pour son extrémisme, qui ravit les militants et la garde ainsi du côté de sa nièce Marion. Deux autres raisons l’ont menée. La première est qu’il tient parfaitement le créneau de l’anti-mondialisme, de manière plus moderne que JMLP (« L’histoire est de notre côté), ce qui étoffe la rhétorique du front du côté qu’occupait Philippot. Troisièmement, ce père de substitution est du camp des vainqueurs, non des vaincus. Il y a un détail entre JMLP et lui : il n’est pas dans un perpétuel conflit avec l’Histoire. Ainsi, c’est un papa qu’elle peut enfin aimer avec la bénédiction de la société, tel est bien le but de sa thérapie psychanalytique.