Qu’ils soient d’accord ou non avec l’idée, tant les partisans que les adversaires du pouvoir accru de la Banque mondiale affirment aujourd’hui que les réformes en cours dans cette institution mondialiste s’éloignent sérieusement du discours de campagne de l’actuel président des Etats-Unis, Donald Trump. Un nouvel accord en voie d’adoption, dont les termes n’ont pas été rendus publics, devrait permettre à la Banque mondiale de recevoir de nouvelles subventions publiques des Etats-Unis – payées, donc, par le contribuable américain – tout en augmentant le pouvoir de la Chine communiste en son sein. Et ce malgré les promesses de Trump de restreindre le globalisme au profit de « l’américanisme ». Son approbation fait débat…
Le plan émane principalement des fonctionnaires du Trésor américain, selon des informations données par la grande presse américaine, citant des sources anonymes qui laissent entendre que l’administration Trump, d’abord « sceptique » face aux demandes de financement accru de la Banque mondiale, serait en voie d’accepter la réforme. Mais elle donne également des indications quant au plan de réforme qui serait actuellement en cours d’adoption : certains aspects seraient en réalité favorables aux Etats-Unis.
Jusqu’alors, Trump et ses hauts responsables du budget se sont montrés plutôt partisan d’une baisse des subventions, que ce soit pour les institutions financières multilatérales ou pour l’ONU. L’an dernier, son administration exprimait son inquiétude quant aux prêts consentis à la Chine communiste, brandissant la menace d’un refus des Etats-Unis de participer à de nouvelles augmentations de capital.
La réforme de la Banque mondiale : avancée du globalisme ou protection des Etats-Unis ?
Le sous-secrétaire aux affaires internationales du Trésor américain, David Malpass, avait notamment accusé des institutions comme la Banque mondiale de favoriser l’accumulation de la dette dans les pays pauvres et de consentir des prêts à des conditions favorables aux pays aux ressources plus élevées comme la Chine, au détriment de ceux qui ont vraiment des difficultés à se développer. Intéressant… mais par ailleurs Malpass est membre du CFR, le Council on Foreign Relations favorable au mondialisme qui a pu qualifier Trump de « chien qui n’a pas (encore) aboyé » face aux « institutions financière internationales » comme la Banque mondiale ou le FMI.
Le plan de réforme, tel qu’il se dessine d’après les confidences de certains responsables publics, prévoit de faire passer la part de la Chine des 4,5 % des actions et qu’elle possède actuellement à 6 %, augmentant d’autant son contrôle en tant que troisième plus grand détenteur d’actions de la Banque mondiale, après les Etats-Unis et le Japon. Le tout à la faveur d’une augmentation de capital de 13 milliards de dollars, dont plus de la moitié pour la Banque internationale pour la reconstruction et le développement qui subventionne les gouvernements des pays en voie de développement et promeut les programmes environnementalistes et éducatifs soutenus par les institutions mondialistes. Les 5,5 milliards restants abonderaient l’International Finance Corp qui finance des entreprises du secteur privé, et qui est régulièrement accusé de promouvoir le « capitalisme entre copains » en rendant possibles des gains juteux dans le cadre d’affaires qui n’auraient pas prospéré sur le marché libre. Les Etats-Unis contribueraient à hauteur de près de 2 milliards.
Le pouvoir de la Chine devrait être accru au sein de la Banque mondiale réformée
S’agit-il véritablement d’une volte-face par rapport à la politique de « l’Amérique d’abord » soutenue par Trump ? C’est ce que pensent des analystes plutôt favorables au globalisme et enclin à dénoncer l’isolationnisme de Trump : ainsi Tanvi Nagpal, spécialiste du développement international à Johns Hopkins University s’est-il réjoui de ce que les nouvelles mesures allaient permettre de venir en aide aux pays les plus pauvres que la pauvreté menace encore davantage du fait de différents conflits.
A quoi les critiques de la manne répandue dans le cadre des institutions internationalistes créées à Bretton Woods rétorquent que le FMI et la Banque mondiale ont servi à soutenir des régimes autocratiques et à maintenir les pays pauvres dans un état d’endettement.
Un haut fonctionnaire du Trésor estime pourtant que la réforme est tout à fait cohérente avec la politique de l’Amérique d’abord, notamment parce que les volumes de prêts de la Banque mondiale seraient limités, mettant fin au cycle actuel où la Banque prête sans compter dès qu’elle a de nouveaux fonds et revient réclamer de nouvelles augmentations de capital. Par ailleurs, au fur et à mesure de leur enrichissement, les pays verraient leurs emprunts limités, ce qui réduirait notamment les prêts consentis à la Chine, tandis que les intérêts seraient modulés : plus importants pour les pays plus riches, moins importants pour les plus pauvres. Encore un domaine où la Chine serait frappée.
L’approbation de Donald Trump reste à évaluer
Il semblerait par ailleurs que sous l’impulsion du secrétaire au Trésor Steven Mnuchin on instaurerait une limite au « capital de garantie » non encore payé par les actionnaires, une mesure favorable aux Etats-Unis qui, en tant que contributeur jugé actuellement le plus solvable, sont le plus en risque de voir appeler ce capital.
Il faut noter que la réforme en cours de la Banque mondiale fait suite à une opération similaire au FMI, d’abord contestée par les Républicains au congrès, puis approuvée à la hâte peu de temps avant la fin de la présidence Obama. C’est après son adoption que Christine Lagarde, chef du FMI, avait suggéré le déménagement du QG de l’institution à Pékin. L’opération était similaire, à ceci près qu’elle ne prévoit aucune limite de dépenses et de prêts, au contraire de la réforme proposée de la Banque mondiale.
Les propositions la concernant feront l’objet de discussions au cours des rencontres de printemps aussi bien du FMI que de la Banque mondiale ; le vote final n’interviendra pas avant l’automne, selon un fonctionnaire du Trésor américain. Affaire à suivre, car elle permettra de prendre la réelle mesure de la volonté de Trump et de son administration de restreindre le pouvoir des institutions globalistes.