Une spécialiste s’inquiète de la réforme du droit d’asile

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Interrogée par le Monde, Claire Brice-Delajoux, maître de conférences en droit public à l’université d’Evry et assesseur pendant 8 ans à la Cour nationale du Droit d’asile (CNDA), revient sur le projet de loi sur le droit d’asile qui est en discussion aujourd’hui même à l’Assemblée nationale et qui l’inquiète.
 
Elle dresse un portrait du demandeur d’asile qui a évolué au fil des années et qui ne correspond plus seulement au militant politique actif dans son pays et menacé à cause de cet engagement.
 
Ces profils sont gérés par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) qui leur octroie le statut de réfugié au premier stade de la demande, sans passer par la CNDA.
 

La réforme du droit d’asile et la jurisprudence

 
Depuis 1990, une jurisprudence sur « les opinions politiques imputées » a permis l’élargissement de l’interprétation de la convention de Genève sur l’octroi du droit d’asile : la porte s’est ouverte à de nombreux autres réfugiés, dont « l’engagement » se limitait à l’appartenance à une communauté ethnique (des personnes menacées à cause de cette appartenance seulement).
 
Les différentes formes de menaces existaient déjà, « mais, aujourd’hui, les victimes viennent demander protection pour cela, alors qu’ils le faisaient hier essentiellement pour des motifs politiques » précise-t-elle.
 
Ceux qui obtiennent la protection de la France sont ceux « qui sont bien conseillés » explique-t-elle, puisqu’il faut étayer les craintes de persécutions par des éléments au cas par cas.
 
Mais cette jeune femme insiste également sur le fait que le juge doit savoir reconnaître un récit qui répond « aux critères posés par les textes de l’asile ». Elle parle en effet de récits tout faits et distribués par les réseaux de passeurs ou des compatriotes des demandeurs d’asile qu’il faut savoir déceler, à moins de faire perdre son sens au droit d’asile.
 
C’est pourquoi elle s’inquiète de la mise en place du juge unique à la CNDA, prévue par le nouveau projet de loi… « La collégialité est essentielle en la matière, et notamment la présence de l’assesseur nommé par le HCR. Celui-ci a en général une bonne connaissance du terrain, de la géopolitique et bénéficie d’une information continue sur ces questions » et sait écouter ce « public auquel il faut savoir s’adapter »…