Renforcement du pouvoir du Parti communiste en Chine

Renforcement Parti communiste Chine
 

Le Congrès national du peuple s’est réuni en Chine du 4 au 11 mars pour aboutir à un renforcement du poids du Parti communiste à travers la première modification de la loi organique du pays depuis environ 40 ans, au profit notamment du pouvoir personnel de Xi Jinping. Le « Parlement » chinois, qui fonctionne comme chambre d’enregistrement des décisions du pouvoir jalousement gardé par la hiérarchie communiste, a ainsi approuvé une orientation qui réaffirme le contrôle du PCC sur le gouvernement, mettant la « sécurité » au premier plan, devant les questions économiques.

La modification s’est faite par le biais d’une modification du statut du Conseil d’Etat, l’équivalent du cabinet des ministres, en affirmant explicitement la prédominance du Parti communiste dans tous les domaines de gouvernement. Le rôle du Premier ministre a lui-même été dépouillé de son prestige et de son pouvoir, puisqu’il ne conserve ni son nom ni ses prérogatives.

 

Le pouvoir du Parti communiste en Chine affiche son poids

Pour la première fois depuis plus de 30 ans, celui-ci n’a pas tenu sa traditionnelle conférence de presse à l’issue du Congrès, tradition instaurée à des fins de « transparence » de l’information. Li Qiang, considéré comme l’un des hommes de confiance les plus proches de Xi Jinping, voit ainsi confirmer une forme de disgrâce, alors que des observateurs internationaux affirmaient depuis plusieurs semaines déjà que Xi était « de moins en moins convaincu » par sa capacité « à gérer la complexité de la stratégie économique chinoise ».

Mais au lieu de le remplacer pour maintenir au moins une apparence de séparation des pouvoirs, Xi – qui est à la fois président de la République populaire de Chine et Secrétaire général du PCC – a visiblement préféré rendre toujours plus manifeste à la fois sa domination et celle du Parti. Ce fut Deng Xiaoping qui, bénéficiant des manœuvres de Henry Kissinger, opéra des « modernisations » le rapprochant des Etats-Unis et offrant à la Chine de profiter de l’accès au libre-échange mondial et au siphonnage de la production industrielle : Deng affirma notamment la séparation de l’Etat et du Parti comme pour montrer que la Chine en avait fini avec son catastrophique et sanglant « Bond en avant » de l’ère Mao. Cette priorité à l’économie mise en place pour permettre le développement de la Chine fait penser à la « Nouvelle économie politique » de Lénine…

Cette évolution est à vrai dire prévisible : Xi n’en est pas à son coup d’essai.

 

Le renforcement du Parti communiste est institutionnalisé

Que cette séparation de l’Etat et du Parti fût réelle ou de façade – car fondamentalement, le PC a toujours conservé sa présence, son droit de regard et son poids dans les institutions chinoises, publiques ou privées – il est remarquable de constater que le rôle du Parti communiste est désormais clairement assumé et affiché. La révision du statut du Conseil d’Etat institutionnalise la dictature communiste sans plus se soucier de la galerie.

Dans cette nouvelle organisation du pouvoir en Chine, Xi Jinping occupe de manière flamboyante le haut de l’affiche et lui permet de mettre l’accent sur la « sécurité nationale ». Par la voix du président du Comité permanent du Congrès, Zhao Leji, les participants ont ainsi été invités à admirer les changements opérés au cours de l’année passée : « Les révisions apportées à la loi contre l’espionnage nous ont apporté un plus grand nombre d’outils légaux en vue de combattre l’infiltration d’espions, la subversion et le vol de secrets. » Zhao a également promis que de nouvelles révisions législatives viendront renforcer les différents dispositifs sécuritaires.

Ces modifications visent les menaces – ou ce que le PCC considère comme telles – à la fois extérieures et intérieures. Ainsi le procureur général de la Procurature Suprême du Peuple, Ying Yong, a-t-il souligné que toute politique future, « protégera résolument la sécurité nationale et la stabilité sociale ». Cette dernière passe naturellement par le contrôle et l’évitement de toute contestation publique et de toute hostilité à l’égard du pouvoir communiste. « Les crimes qui mettent en danger la sécurité nationale seront sévèrement punis conformément à la loi », a-t-il ajouté.

 

La Chine communiste montre les dents

Ce peut être une manière de reconnaître que la situation de l’économie chinoise est suffisamment mauvaise pour créer un mécontentement croissant parmi la population, qui par ailleurs est soumise à une surveillance de plus en plus efficace par les progrès du numérique et de l’intelligence artificielle. Par ailleurs, la loi anti-espionnage de juillet 2023 risque de détourner les potentiels investisseurs étrangers.

Pour le peuple chinois lui-même, l’annonce sans équivoque du retour vers l’ère Mao est une mauvaise nouvelle. Et alors qu’en Russie, le pouvoir de Poutine vient d’être encore consolidé par une élection-plébiscite, on observe un renforcement de la dialectique des blocs Est-Ouest. La concomitance des deux événements peut-elle être due au hasard ?

 

Anne Dolhein