Dans une tribune publiée par le désormais prestigieux Huffington Post, un militant écologiste respecté dans son milieu, David Suzuki, confirme ouvertement ce que les alarmistes du réchauffement climatique n’avouent généralement qu’à demi-mots, quand ils ne taisent pas tout à fait. « Est-on dans le cadre juste lorsque l’on présume pouvoir réduire les émissions de gaz à effet de serre en même temps qu’on fait progresser la croissance économique ? », demande Suzuki. « Et sinon, à quoi faut-il donner la priorité ? » Pour lui, la réponse est claire : il faut renoncer à la croissance.
Auteur prolifique, le Dr David Takayoshi Suzuki, né à Vancouver en 1936, est généticien et militant écologiste en même temps qu’animateur de télévision, primé par l’UNESCO, membre honoraire de l’ONG Green Cross International. Il est dans la mouvance la plus radicale de l’écologie, panthéiste, qui voit dans la nature le sacré et plaide pour la reconnaissance du lien entre des autochtones et leur terre. Radicale mais pas marginale : ce mouvement des peuples est aujourd’hui bien en cours aussi bien à l’ONU au Vatican et s’exprime fortement au niveau du pouvoir dans des pays comme l’Equateur et autre nations sud-américaines.
Dans le “Huffington Post”, David Suzuki propose de réduire la croissance économique
Dans sa tribune, Suzuki réagit à la promesse du Premier ministre du Canada, Justin Trudeau, de faire « croître notre économie, réduire les gaz à effet de serre et construire de la résilience face aux répercussions d’un climat qui change ». A la clef : la promesse de taxer le carbone, de réguler fortement la construction, d’augmenter le nombre de stations de chargement pour les véhicules électriques, de limiter les émissions de méthane et j’en passe.
C’est un plan national, le premier de son genre au Canada, particulièrement ambitieux dans le domaine des impôts et promettant de belles économies au secteur privé pour faire avaler le tout.
Mais, observe Suzuki en citant un récent article de Nature Climate Change, à l’heure qu’il est aucun grand pays industrialisé n’a pris de chemin de remplir ses promesses en matière de réduction des émissions de CO2.
« Plutôt que de constituer le résultat de l’action en matière de climat, la croissance économique peut nous empêcher d’atteindre nos objectifs climatiques », observe David Suzuki. S’il est vrai que l’utilisation de l’énergie au niveau mondial devrait se révéler plus efficace grâce aux actions entreprises, et que le recours aux énergies « renouvelables » sera plus important, « la croissance économique va probablement annuler ces avancées ».
La lutte contre le réchauffement climatique ne supportera pas une économie en expansion
Et c’est là que Suzuki propose d’annuler la croissance économique. « Pour chaque mégatonne d’émission réduite par l’énergie efficace et propre, une autre mégatonne sera produite en raison de l’expansion économique. Nos économies vont croître presque aussi vite qu’elles deviendront plus propres et les émissions chuteront pas assez vite pour éviter un changement climatique catastrophique », affirme-t-il.
Certes, la croissance économique est la promesse de tout homme politique qui espère obtenir les voix, concède l’écologiste. C’est la base de toute campagne électorale : « Ayez pitié de l’homme politique qui préside à un repli économique. »
Suzuki rejoint une autre tendance bien en cours aujourd’hui pour dénoncer la croissance économique comme simple expansion de la production, de la distribution et de la consommation telle qu’exprimée par le PIB, en plaidant pour de nouveaux indicateurs du progrès, le « bien-être » par exemple. L’ONU parle plutôt de « bonheur » et il y a des ministères pour ça.
La croissance verte ? Une « contradiction dans les termes », croit pouvoir dire Suzuki qui évoque la « décroissance » prônée par certains : l’idée qu’il faut faire décroître l’économie de manière planifiée en mettant en place des semaines de travail plus courtes, davantage de vacances, et un modèle de vie à basse consommation.
Renoncer à la croissance économique par tous les moyens
Il cite également l’économiste environnemental Jeroen van den Bergh qui propose d’ignorer totalement le PIB pour évaluer le progrès en mesurant l’alphabétisme, l’emploi, les taux de diabète et de maladies cardiaques, la qualité de l’eau et de l’air, et bien sûr la « stabilité » du climat. Une stabilité, soit dit en passant, qui est constatée depuis près de 20 ans en termes de températures… Si le PIB augmente dans ce cadre, tant mieux. Sinon, rien n’est perdu.
Pour ce qui est de Suzuki, il estime le moyen peu important, pourvu qu’on atteigne le but, réduire les gaz à effet de serre plutôt que de diminuer la croissance.
L’expérience mondiale montre pourtant que la réduction de la croissance est synonyme de pauvreté, de chômage, de misère pour certains et de réduction de l’espérance de vie. A moins, bien sûr, de réduire le nombre d’être humains sur cette terre. Mais ne faut-il pas tout sacrifier à la Planète ?