La rénovation énergétique forcée n’a pas que des avantages

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Le magazine belge De Tijd s’interroge sur les avantages de la rénovation énergétique forcée des logements qui s’est étendue dans de nombreux pays de l’Union européenne au nom de la lutte contre le « changement climatique ». « Des questions se posent sur l’efficacité et l’impact social de l’obligation de rénovation », souligne Nathan Van Den Bossche, professeur de techniques de construction à l’université de Gand.

Sous le titre L’obligation de rénovation rate sa cible, l’universitaire souligne que si les apparences sont favorables – qui ne souhaiterait améliorer son confort, réduire sa consommation et augmenter la valeur de son logement ? – les ambitions gouvernementales au nom de la baisse des émissions de CO2 surestiment les économies réalisées de manière spectaculaire.

« En Flandre, toute personne qui achète une maison portant l’étiquette énergétique E ou F doit effectuer des interventions dans les cinq ans jusqu’à ce qu’elle obtienne l’étiquette D ou mieux. A l’avenir, cette limite sera relevée, de sorte qu’à partir de 2040, chaque maison devra être rénovée jusqu’à l’étiquette A après sa vente », souligne Van Den Bossche. Ce sont de telles dépenses à prévoir que beaucoup quittent le marché du logement, notamment les plus modestes qui peuvent trouver un bien correspondant à leur budget mais qui n’ont pas les moyens d’engager de coûteux travaux.

 

En Belgique, la rénovation énergétique forcée rate sa cible

Là où les travaux sont faits, le gain par rapport au très contraignant DPE (diagnostic de performance énergétique) se révèle bien moins important que sur le papier, aux termes d’une étude de l’université de Gand qui confirme celle-ci, menée en France.

Van Den Bossche note : « Une étude menée par des collègues de l’université de Gand a comparé la consommation d’énergie réelle avec les étiquettes des DPE. Elle a donné des résultats remarquables. Les maisons mal isolées consomment généralement beaucoup moins que prévu, parfois seulement une fraction de la consommation théorique. Les occupants utilisent le chauffage avec plus de parcimonie (nombre limité de pièces, temps limité) et le rapport DPE est conservateur et peut ne plus être à jour. Par conséquent, une rénovation énergétique permet de réaliser moins d’économies d’énergie que prévu. En effet, le point de départ est déjà beaucoup plus bas et souvent les gens profitent de la rénovation pour avoir un peu plus de confort. Si l’on passe de l’étiquette F à l’étiquette A, on s’attend à économiser 500 kilowattheures par mètre carré, alors qu’il s’agit plutôt de 100 kilowattheures par mètre carré. Nous surestimons donc les économies de 399 % en moyenne. »

Il s’agit dès lors de vérifier le retour sur investissement, et surtout d’évaluer si toutes ces dépenses imposées par la collectivité sont réellement nécessaires.

 

Les avantages de la rénovation énergétique forcée sont surestimés

L’auteur juge que non, alors même qu’il semble partager les objectifs de la « transition énergétique » et ne dénonce nullement le discours alarmiste sur le climat :

« Demander à tout le monde de “faire quelque chose” est peut-être le moyen le moins efficace de réduire l’impact sur l’environnement. Non seulement la rénovation des bâtiments coûte beaucoup d’argent, mais elle nécessite également beaucoup de matériaux, qui peuvent à leur tour avoir un impact considérable sur l’environnement. En Belgique, les bâtiments représentent 40 % de la consommation d’énergie, mais le secteur de la construction est également responsable d’environ 40 % des nouveaux flux de matériaux et de 38 % de l’ensemble des déchets. Si l’on tient compte de tout cela, il n’est pas du tout évident de dire qu’il suffit de rénover tous les bâtiments pour qu’ils obtiennent l’étiquette A le plus rapidement possible. Les quantités de matériaux, d’entrepreneurs et de subventions sont également limitées. Il faut donc les utiliser là où ils rapportent le plus. »

 

La rénovation énergétique forcée n’est pas écologique

Eh oui, c’est ainsi qu’au nom de l’écologie on se lance dans une frénésie de changement de fenêtres, de voitures, de systèmes de chauffage et tutti quanti, sans rien dire de « l’impact écologique » de cette mise au rebut de choses qui fonctionnaient très bien pour les remplacer, au pire des cas, par des produits manufacturés qui auront fait le tour du monde depuis le sud-est asiatique pour sacrifier aux dieux du « climat ».

Si la Belgique devait se conformer aux ambitions de ses instances dirigeantes, il faudrait, note Van Den Bossche, « rénover en profondeur 3 % des logements par an ». « Mais tout indique que 1 à 1,5 % est une limite supérieure macro-économique. Nous devons donc faire des choix », pose-t-il.

Mieux : il faudrait penser aux plus de 400.000 logements supplémentaires dont la Belgique aura besoin d’ici à 2050, dit-il. Il en appelle à un changement de politique. Bien naïvement sans doute, car tout montre que la politique du logement – et ce simultanément dans de nombreux pays, comme c’est curieux – rend de plus en plus difficile l’accès au logement. A moins que ce ne soit l’objectif ?

 

Anne Dolhein