Cinq ans après le très controversé Synode des évêques sur l’Amazonie en 2019, on apprend que le rite de messe amazonien entrera dans une « phase expérimentale » de trois ans, à la fin 2024. Il avait été évoqué, à côté de nombreuses autres propositions, comme l’ouverture de l’état clérical aux femmes et l’admission des hommes mariés au sacerdoce, dans le but de rendre l’Eglise plus « attrayante » pour les catholiques de la région.
Ce qui deviendrait le 25e rite de l’Eglise universelle a des contours encore bien flous mais se rapprocherait, dans l’esprit, des adaptations proposées parallèlement pour le rite maya… Dans son exhortation Querida Amazonia, le Pape avait évoqué « une liturgie qui puisse contribuer à l’effort d’inculturation des peuples indigènes ». Mais c’est prendre le risque de glisser vers un syncrétisme qui sacrifie autant aux rites païens qu’à la doxa climatiste incontournable, édulcorant la liturgie porteuse de sens jusqu’à noyer celui-ci.
Une nouvelle œuvre d’évangélisation ? Si nouvelle qu’on pourrait se demander qui elle annonce vraiment…
Sous la férule du « pluralisme liturgique » du Concile Vatican II
En d’autres termes, le rite amazonien sera avalisé en 2028. C’est ce qu’a déclaré Agenor Brighenti, coordinateur de l’équipe théologique du Conseil épiscopal d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAM) et également conseiller de la Conférence Ecclésiale de l’Amazonie nouvellement créée (CEAMA). Les membres de l’Eglise de la région se sont réunis à Manaus, au Brésil, entre le 19 et le 22 août, pour discuter des moyens de mettre en œuvre les changements suggérés en 2019 lors de la réunion du Synode.
Ils ont évoqué la participation des femmes à la vie ecclésiale, les alternatives aux défis financiers de l’Eglise en Amazonie, mais également, même si l’on peut se poser la question de leur rapport avec la foi catholique, les enjeux climatiques de la déforestation.
Le cadre général du futur rite amazonien a été également été présenté. Le très progressiste professeur de théologie Agenor Brighenti a déclaré que de nombreuses commissions travaillaient sur les derniers détails « des rituels des sacrements et réfléchissent également à l’année liturgique de l’Amazonie, à l’espace liturgique, à la liturgie des heures ».
Le rite « devra d’abord passer par les églises locales pour approbation et contribution, en passant par les conférences épiscopales » et sera présenté in fine au Dicastère pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements de la Curie romaine, pour être définitivement approuvé.
Le rite de messe amazonien pourrait contenir des actions liturgiques basées sur des actes païens
Le Document final du Synode avait évoqué « un rite pour les peuples autochtones », basé sur leur « vision du monde, leurs traditions, leurs symboles et leurs rites originaux qui incluent des dimensions transcendantes, communautaires et écologiques ». On imagine déjà tous les risques… Ainsi que le pape François l’avait suggéré en 2020, le rite pourrait ressembler au rite zaïrois utilisé en République démocratique du Congo depuis 1988. L’ironie de l’histoire est que ce rite africain est très peu pratiqué par les catholiques de la région ! Signe que l’inculturation érigée en principe n’est pas attirante et donc passablement inutile – quand elle n’est pas nocive.
Mais ça ne semble pas freiner l’archevêque Vittorio Viola qui a déclaré, en juin 2022, que, précisément, l’« inculturation » était la « nouvelle frontière » de la réforme liturgique issue du Concile. Le Secrétaire du Dicastère pour le Culte divin aime visiblement mieux flirter avec des rituels païens que de tolérer la messe traditionnelle.
La Terre Mère et le culte idolâtre
D’ailleurs, un rituel maya, proposé par les évêques catholiques du Mexique, est également en cours d’ébauche. LifeSiteNews avait fait, en mars 2023, l’analyse du projet : on y discerne très nettement l’introduction d’éléments mayas de l’ancien culte païen (fondamentalement idolâtres), l’intronisation de « directeurs » laïcs et de femmes laïques (souvent encenseuses comme dans la religion maya) ainsi que « la relation avec la Terre Mère », sans compter les prières aux quatre directions de la terre et les offrandes mayas.
Comme le dit très justement Maike Hickson, « nulle part dans le projet officiel, les auteurs du nouveau rite maya n’expliquent comment ils éviteront une interprétation idolâtre de l’utilisation d’éléments rituels issus de la religion maya et imprégnés de polythéisme, d’animisme, de culte des ancêtres et même de sacrifices humains. (…) Et le projet va jusqu’à affirmer que les pratiques mayas sont indispensables pour que les indigènes entrent en relation avec Dieu, ce qui implique que l’ancienne manière païenne de prier est encore plus efficace que les prières du Saint Sacrifice de la Messe ».
Qui était l’auteur de ce projet ? Le père Felipe Jaled Ali Modad Aguilar, prêtre jésuite, responsable des religions indigènes des Amériques, qui soulignait, dans un article de 2021 sur le Synode sur la synodalité, l’importance chez les peuples indigènes de l’harmonie avec la nature et de la place des ancêtres. L’ancien évêque de San Cristóbal de Las Casas, Mgr Arizmendi, créé cardinal par François en 2020, a lui aussi expliqué : « Dans la “théologie indienne”, la terre est essentielle, ils la connaissent sous le nom de Déesse Mère. Elle a sa propre personnalité. Elle est sacrée. Elle est le sujet avec lequel on parle et que l’on vénère. La terre est la fécondité divine. »
Comment ne pas se trouver devant le spectre d’un écologisme revisité, surfant sur les anciennes croyances ? Dieu se retrouve bel et bien au même niveau que ces entités potentiellement idolâtrées. C’est explicitement revendiqué comme un rite catholique, un rite de la Sainte Eglise romaine. Mais le mélange est tel que la confusion est inévitable, a fortiori pour des autochtones… et le syncrétisme est tout proche. Il est fortement à craindre qu’il en soit de même pour le rite amazonien, semblablement « inculturé ».
L’inculturation, nouvelle frontière de l’Eglise post-moderne ?
« L’inculturation va permettre de rendre audible la Révélation » nous clame-t-on de toutes parts. Comme si cette nouvelle méthode d’annoncer la bonne Nouvelle était révolutionnaire… En réalité, elle l’est bien, mais sous certains angles bien précis !
Comme l’écrivait Jeanne Smits dans ces pages, l’inculturation, c’est « idéalement, cette manière qu’a l’Eglise de prendre les bons éléments d’une culture afin de les christianiser à travers l’évangélisation missionnaire. Idéologiquement, c’est une fascination devant le monde, la volonté de faire sortir les chrétiens des églises et des “sacristies” pour se mettre à l’écoute des façons d’être, de penser, d’agir, des catholiques dans la culture populaire – écoute érigée en moyen pour découvrir le contenu du “lieu théologique” que présente leur histoire et leur religiosité ».
« Cette conception est au cœur de la “théologie du peuple” du pape François, et explique à la fois son rejet de la liturgie traditionnelle, considérée par les tenants de la théologie de la libération et sa variante “populaire” comme élitiste et colonialiste, et son ouverture aux liturgies “inculturées” : le développement de liturgies amazonienne ou maya fait partie de cette manière de penser qui s’extasie devant “le peuple” », poursuivait-elle.
A travers cette « conversion pastorale et écologique », dit encore Jeanne Smits dans cette excellente analyse du Synode sur l’Amazonie, « il ne s’agit pas de réfléchir à la meilleure manière d’apporter le salut et la rédemption aux peuples autochtones du bassin “pan-amazonien” : non, il s’agit avant tout de déterminer comment l’Eglise peut contribuer à sauvegarder leur environnement, la biodiversité, et au-delà prendre en compte leurs “cosmovisions” et spiritualités propres ».
Or, à travers ces spiritualités propres où de nombreux éléments idolâtres trouvent leur place, nous touchons entre autres à des pratiques spiritistes et donc diaboliques. Mais apparemment, cela vaut encore mieux que la liturgie traditionnelle unifiée et codifiée par saint Pie V.