Les robots rentrent au service des personnes âgées dans les maisons de retraite… pour le meilleur, mais pour le pire aussi

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Un programme expérimental financé par l’UE à hauteur de 3,4 millions de dollars va être mis en œuvre à partir de septembre, au Royaume-Uni, pour déployer des robots au sein des maisons de retraite. Plein de petits « Pepper », compagnons humanoïdes d’1m20 de plastique blanc, vont être lâchés dans les longs couloirs pour « reconnaître les besoins de résidents », nous dit l’entreprise mère. Mais beaucoup craignent que le soulagement effectif des équipes de soignants surchargées n’ait comme inévitable corollaire, le délaissement humain accru de ces personnes âgées déjà en mal de compagnie.
 
Faire assurer la fraternité droit-de-l’hommiste, la compassion sociale, le devoir familial par des non humains… un paradoxe, pourtant à envisager.
 

Un âge moyen de 45/50 ans bientôt en Europe

 
C’est le fruit d’une collaboration entre les chercheurs de l’Université de Bedfordshire et Advinia Health Care, l’un des plus grands fournisseurs de soins de santé du Royaume-Uni. Le programme a été conçu pour soulager à la fois les soignants, mais aussi la famille et les amis (!). En définitive, tous ceux que ces personnes âgées embarrassent par leur dépendance physique croissante et leur besoin affectif légitime qui nécessite un don et une charité permanents.
 
Les pays occidentaux sont, de fait, confrontés à un vieillissement marquant de leur population : d’ici une dizaine d’années, on prévoit que la population d’un certain nombre de pays européens, comme l’Espagne, l’Italie, le Portugal et la Grèce aura en moyenne l’âge de 50 ans,et que les autres suivront très vite la même voie. Si l’on y ajoute l’accroissement de l’espérance de vie, on se trouve confronté à des réelles problématiques de soins, d’autant que ce n’est pas dans l’air du temps, plutôt partisan des fins de vie accélérées.
 
Quant aux familles, elles sont de moins en moins présentes, l’évolution moderne, en dépit de la « fraternité » de la République et des idéaux droits-de-l’hommiste, ayant mis à mal les liens et les devoirs filiaux – aujourd’hui, chez les plus de 75 ans, 4 sur 10 ont peu ou plus de contacts avec leurs propres enfants.
 

Les robots Pepper entrent en scène auprès des personnes âgées

 
Mais au Royaume-Uni, nous sommes sauvés, les robots sont là… Ces petits robots compagnons-soignants appelés « Pepper », conçus par la société japonaise Softbank Robotics sont équipés de lecteurs d’émotions capables d’identifier la peine ou la joie, tout en comprenant quelque 80% des conversations selon leurs développeurs.
 
Équipés de caméras et de capteurs, ces petits robots de 28 kilos sont déjà utilisés dans nombre d’entreprises, banques, magasins, hôtels…
 
Dans les maisons de retraite, ils apprendront et adapteront leurs conversations aux résidents. Et leur proposeront leur tablette pour écouter de la musique, se rappeler de l’heure de prise de leurs médicaments ou encore appeler leurs proches par Skype… la compagnie, en somme, que n’arrive plus à fournir la main d’œuvre médicale présente.
 

La « pente glissante » de l’automatisation

 
Pour le Dr Papadopoulos, interrogé dans Express, c’est « explorer dans quelle mesure ils peuvent prévenir la solitude et l’isolement, améliorer la santé mentale et réduire le stress des aidants familiaux ». Mais pour d’autres, cette politique risque d’ouvrir une dangereuse boite de Pandore. Judy Downey de la « Relatives and Residents Association charity » a déclaré que c’était « traiter les gens comme de la marchandise » : « La clé pour s’occuper de quelqu’un est d’avoir une relation (…) Ce qui compte, c’est le sourire, le contact humain. »
 
Un rapport de la Social Market Foundation, de centre gauche, craint parallèlement que l’introduction de la technologie de la « quatrième révolution industrielle » ne puisse accroître la solitude déjà largement éprouvée par les personnes âgées au Royaume-Uni, car elle pourrait être utilisée pour remplacer totalement la « touche humaine » des soins.
 
L’efficacité n’est pas l’humanité…. et l’automatisation est « une pente glissante ». L’amoindrissement de l’interaction face-à-face, l’absence de compassion humaine que ce soit avec le personnel soignant ou les proches de la famille risque véritablement d’enfermer les personnes.
 

Maisons de retraite : la charité et la compassion automatisées ?

 
Certes, il y a des aspects réellement positifs dans la robotisation à destination des personnes âgées dont l’autonomie à domicile pourra être favorisée, comme avec le robot d’assistance domestique UBO, grâce à la multiplication des objets connectés. Mais c’est souvent à double tranchant.
 
Et l’usage qui en sera fait à terme, notamment dans les hôpitaux ou les maisons de retraite, veut surtout faciliter la gestion de ces personnes, au détriment, on peut le prévoir, de leur bien-être réel, et même de leur dignité. On commence par du léger, on peut finir par du soin en batterie… automatisée.
 
Alors oui, la société, française en l’occurrence, pleure sur la maltraitance de ses personnes âgées dans les EHPAD et autres accueils de santé, sur le manque de personnel, sur l’absence d’écoute, sur la situation indigne de ses retraités en maisons médicalisées… Mais est-ce que les robots peuvent véritablement combler ces manques ? Est-ce que l’humanité vraie, qui est la charité, peut passer par des non-humains ?
 
Rigoureusement distribuée par un assemblage de connections, elle ne sera toujours que coquille vide…
 

Clémentine Jallais