A Rome, iftar « interreligieux » en présence de Mgr Paglia

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Vendredi de l’Octave de Pâques (mais a-t-on seulement le souvenir des Octaves liturgiques à Rome ?) Mgr Vincenzo Paglia a préféré passer une soirée hallal, honorant de sa présence un « iftar » auquel il avait été convié par le financier philanthrope tunisien Kamel Ghribi au prestigieux Palazzo Brancaccio. Les prestigieuses salles du palais XIXe louées pour l’occasion accueillaient également l’imam de la mosquée de Rome, Nader Akkad, et l’imam de la mosquée de Palerme, Badri Khalfallah. Objectif : promouvoir le dialogue interreligieux et la culture tunisienne, « millénaire et multi-ethnique ».

Selon le site ArabNews, une « prière œcuménique » a été récitée lors de ce repas de la rupture du jeûne qui marque les soirs du ramadan : ce qu’on appelle par fausse analogie le « carême » islamique impose de ne rien avaler le jour, mais une fois la nuit tombée, les festivités commencent, de telle sorte que les dépenses de bouche des musulmans explosent sur cette période.

La soirée a été ponctuée d’un défilé de mode du designer tunisien Ali Karoui, adepte des strass et des paillettes et des poitrines généreuses comme on peut le voir sur ses réseaux sociaux. On est loin du niqab, mais il est vrai que sous le voile et dans le cadre domestique, la modestie vestimentaire ne fait pas partie des codes musulmans.

 

Mgr Paglia : à Milan comme à Rome, il fête la « rupture du jeûne »

L’iftar « multiconfessionnel » ainsi que le nomme ArabNews, a rassemblé cette année 120 convives, issus des mondes de la religion, mais aussi de la politique, de la culture et de la mode. On y a donc aperçu d’après le média arabe Maria Elisabetta Alberti Casellati, ministre des Réformes institutionnelles, Pietro Curzio, président de la Cour suprême d’Italie, Renato Schifani, gouverneur de la Sicile, Luciana Lamorgese, ancien ministre de l’Intérieur, Luigi Di Maio, ancien ministre des Affaires étrangères, et Carlo Messina, PDG de la banque Intesa Sanpaolo.

Cette liste est néanmoins sujette à caution, car l’an dernier déjà, une iftar « œcuménique » avait été organisée à Milan par Kamel Ghribi le 13 avril, rassemblant « les représentants des trois principales religions monothéistes » avec le même Paglia, les mêmes imams et en outre le rabbin en chef de la communauté hébraïque de Rome, Riccardo Di Segni. Les ministres italiens cités par ArabNews étaient en effet présents l’an dernier, mais ne paraissent pas dans les comptes-rendus de la presse italienne pour l’édition romaine de 2023 : tout comme le rabbin, se seraient-ils abstenus par prudence politique ou religieuse ? Ou étaient-ils au Palazzo Brancaccio sans être nommés ?

 

L’iftar, occasion d’un dialogue et d’une prière interreligieux

Mgr Paglia, président de l’Académie pontificale pour la Vie, n’a visiblement eu quant à lui aucun scrupule pour afficher sa participation renouvelée et bien visible. Si l’an dernier, on expliquait que les religions représentées ont « une matrice unique » et que le dialogue inter-religieux « cherche à les unir », Mgr Paglia a fait cette année des déclarations bien dans le vent :

« Ce rassemblement est une occasion importante pour le dialogue inter-religieux, inspiré par les principes de la solidarité humaine et de la coexistence pacifique entre les peuples. La fraternité et l’amitié sociale sont également les moyens préconisés par le pape François pour construire un monde meilleur grâce à un amour capable de surmonter tous les obstacles. »

« Des soirées comme celles-ci », devait expliquer Mgr Paglia à la chaîne TG5, « sont importantes car elles aident à rêver une Méditerranée comme lieu de rencontre et de dialogue, de relations spirituelles, humaines, économiques et politiques ».

Elle sont à la mode un peu partout en Europe, ces soirées d’iftar symboles d’un dialogue en sens unique.

Tout cela est dans la droite ligne de Fratelli Tutti, l’encyclique publiée en 2020 par le pape François, et du Document d’Abou Dhabi sur la Fraternité humaine signée par le pape et l’imam Ahmad al-Tayyeb en février 2019.

Et le grand « absent » en est la Sainte Trinité, pas vraiment bienvenu dans le dialogue dit « inter-religieux », surtout avec l’islam !

 

Jeanne Smits