Le projet du ministre de l’Intérieur britannique, Theresa May, en vue de pénaliser les « substances psychoactives » est rédigé de manière tellement large qu’il risque de mettre hors la loi l’encens, utilisé communément aussi bien chez les catholiques que chez les anglicans et au-delà, dans d’autres cultes et temples. Les doyens des cathédrales anglicanes du Royaume-Uni, sur avis de leurs conseillers juridiques, viennent d’envoyer une lettre collective par le biais de leur association afin de souligner le problème.
 
« Nous ne voudrions pas que le clergé commette des actes illégaux en continuant de faire ce que l’Eglise a toujours fait depuis 2000 ans, et que même les Egyptiens de l’Antiquité faisaient déjà 2.500 ans avant Jésus-Christ », a indiqué le doyen de Wakefield, qui ne soupçonne pas le gouvernement de vouloir porter atteinte aux droits des chrétiens mais qui préfère voir l’encens mentionné parmi les substances légales au titre des « exceptions légitimes » prévues par le projet de loi.
 

L’encens au nombre des substances psychoactives interdites au Royaume-Uni ?

 
Et de rappeler que ses propres fidèles étaient vent debout contre une tentative de supprimer l’encens lors d’un des deux offices de sa paroisse où l’on a repris cet élément traditionnel de la liturgie dès 1930.
 
« L’encens a un rôle symbolique important : la fumée représente la présence de Dieu, les prières qui montent vers Dieu tout comme le sacrifice de l’offrande des dons et des vies. On utilise l’encens pour renforcer l’expérience du culte et ne plus pouvoir l’utiliser aurait un effet néfaste sur la manière de rendre ce culte », souligne la lettre de l’association des cathédrales anglaises.
 
Le projet de loi a pour propos de permettre la pénalisation de substances dangereuses, souvent nouvelles, qui ne sont pas au catalogue actuel des stupéfiants mais qui, utilisées comme drogues, ont provoqué des dizaines de morts. Les dealers encourront jusqu’à sept ans de prison. Sa rédaction est volontairement imprécise afin d’éviter que la légère modification d’une substance ne permette aux trafiquants de passer entre ses mailles.
 

Les responsables chrétiens en appellent au ministre contre le classement de l’encens qui « affecte l’état émotionnel »

 
Le projet interdit donc toute substance « capable de stimuler ou de déprimer le système nerveux central », ou qui « affecte le fonctionnement mental ou l’état émotionnel ». Or une étude sur des souris montre que l’encens peut avoir un effet sur l’humeur.
 
Même si le Home Office a indiqué qu’il est « peu probable » que l’encens soit visé, étant donné que l’usage d’une substance n’est pénalisée qu’en cas d’utilisation « intentionnelle en vue de ses effets psychoactifs », les clercs préfèrent prendre les devants.
 
Il faut noter que la loi est ainsi formulée qu’il a été nécessaire de d’exclure explicitement la caféine ou l’alcool.
 
Tout cela peut sembler relever d’un excès de prudence de la part des responsables religieux, mais le climat actuel au Royaume-Uni n’est guère favorable au christianisme. Et il y a une démarche similaire en France où l’encens risque d’être interdit, cette fois en raison de son caractère « polluant ».
 
Détail amusant : le Daily Telegraph qui rapporte cette démarche des responsables religieux anglais illustre son article d’une photo d’une messe de requiem traditionnelle prise par un pasteur anglican qui a été ordonné dans le cadre de l’Ordinariat Anglicanorum Coetibus de Notre-Dame de Walsingham.
 

Anne Dolhein