Il faut « bien » parler des transgenres, a dit l’Independent Press Standards Organisation (Ipso), le régulateur indépendant du monde de la presse au Royaume-Uni. Et « bien », ça veut dire, non pas en toute vérité, mais en toute idéologie. C’est la leçon reçue par The Spectator, magazine britannique de tendance conservatrice. Il avait publié en mai dernier un article d’un certain Gareth Roberts qui y décrivait un auteur transgenre comme « un homme qui prétend être une femme ».
Ce qui n’a plu ni à l’auteur en question, ni à l’organisme qui a aussitôt diligenté une enquête. Si le premier souci de l’Ipso est le respect de la vérité dans le travail journalistique, le respect de la vérité biologique n’en fait apparemment pas partie.
Condamné à publier la décision de l’organisme jugée « scandaleuse », le magazine s’est fait fort de dénoncer une attaque délibérée contre la liberté d’expression. Et J.K. Rowling, toujours vent debout contre l’idéologie du genre, ne s’est pas privée de renchérir.
Au Royaume-Uni, la presse devient surveillée ?
L’article intitulé « La triste vérité sur la “sainte” Nicola Sturgeon » racontait l’apparition de l’ancienne et très gauchiste Première ministre écossaise à un festival littéraire dans le Sussex. Mme Sturgeon y évoquait les controverses qui avaient entouré son mandat, en particulier ses opinions au sujet des lois sur la reconnaissance du genre. Et l’auteur de l’article avait noté qu’elle « avait été interviewée par l’écrivain Juno Dawson, un homme qui prétend être une femme ».
Juno Dawson, dont la « transition » a été entamée il y a dix ans et qui affiche une plastique toute ou presque féminine, n’y est pas allé de main morte. Il a porté plainte auprès de l’Ipso, affirmant que les propos tenus étaient inexacts, ce qui constituait une violation de l’article 1 du Code de rédaction, qu’il y avait violation de l’article 3 qui couvre le harcèlement, et violation de l’article 12.1 qui dispose que « la presse doit éviter toute référence préjudiciable ou péjorative à la race, à la couleur, à la religion, au sexe, à l’identité sexuelle, à l’orientation sexuelle ou à toute maladie ou handicap physique ou mental d’une personne ».
L’Ipso a conclu que les propos de Gareth n’étaient pas inexacts (l’opinion de l’auteur est clairement définie comme la sienne) et ne constituaient pas du harcèlement. Mais il a jugé, en revanche, qu’ils violaient bien l’article 12.1 dans une référence à l’identité sexuelle du plaignant « personnellement dépréciative et dégradante ».
« Nous résisterons à toute tentative de les contraindre à se conformer à la moralité d’autrui »
Liberté d’expression ! Pour le rédacteur en chef du Spectator, Michael Gove (un des signataires du vibrant appel au maintien de la messe traditionnelle paru dans The Times en juillet dernier), Gareth Roberts exprimait, dans son article, une opinion que beaucoup considéreraient « comme une vérité pure et simple » : « Nous résisterons à toute tentative de les contraindre à se conformer à la moralité d’autrui », a promis Michael Gove. Et de poursuivre :
« Dawson a peut-être un certificat de reconnaissance de genre, mais aucun morceau de papier, quel qu’il soit, ne peut modifier la réalité biologique. Le Parlement peut adopter des lois, mais il ne peut pas abolir le chromosome Y de Dawson. (…) Dawson ne peut pas dicter la façon dont les autres pensent, ni décider du langage qu’ils utilisent pour décrire la réalité qu’ils voient. (…) Le droit de Gareth Roberts de voir ce qu’il voit et d’écrire ce qu’il voit doit être défendu. Cela peut être offensant pour certains et difficile pour d’autres. Mais comme l’a soutenu George Orwell : “Si la liberté signifie quelque chose, c’est le droit de dire aux gens ce qu’ils ne veulent pas entendre.” »
Et comme l’écrivait Michael Gove, cette posture a même sauvé des vies lorsqu’on pense au naufrage de la clinique Tavistock (dont Jeanne Smits nous parle ici) qui a détruit des vies de mineurs, sous prétexte que leur mal résidait dans leur identité sexuelle non assumée ! « C’est seulement parce que les militants et les journalistes ont cherché la vérité, face à une opposition véhémente et à des tentatives de les faire taire, que la méchanceté perpétrée au nom de l’idéologie du genre a été révélée et arrêtée », affirmait-il.
Le mouvement transgenre fait fi de la liberté d’expression
The Spectator a fait valoir qu’il n’avait pas enfreint le Code parce que la référence au sexe de Mme Dawson était « pertinente, car elle mettait les remarques faites par Mme Sturgeon en contexte ». Et surtout, comme le précisait Maya Forstater, la PDG de l’association caritative de défense des droits de l’homme Sex Matters, « il n’existe aucune obligation légale pour les autres personnes – y compris les journalistes – de prétendre que quelqu’un a changé de sexe, même s’il dispose d’un certificat de reconnaissance de genre ».
Quel rôle joue donc le régulateur soi-disant indépendant, si ce n’est la soumission aux oukazes woke ? Pour Toby Young, directeur de Free Speech Union, l’Ipso « a outrepassé son mandat de protection contre les inexactitudes et les intrusions de la presse et a pris une décision politique » en servant l’idéologie du genre. J.K. Rowling elle-même a tweeté sur X qu’aucune publication ne devrait être amenée à « mentir » : la vérité biologique est et on doit rester libre de pouvoir la dire.
Ironie de l’histoire : il se trouve que l’auteur de l’article incriminé, le fameux Gareth Roberts, scénariste pour le petit écran, est lui-même homosexuel revendiqué. Sauf qu’il dénonce régulièrement l’emprise du mouvement transgenre et la nouvelle homophobie qui, selon lui, en résulte ! Son dernier livre, Gay Shame: The Rise of Gender Ideology and the New Homophobia, paru eu printemps 2024, déplore que le militantisme pour les droits des homosexuels ait été détourné…
Dès lors, l’affaire prend un tour supplémentaire dans cette revanche qui ne se dit pas. Quand l’attaque vient de plus près, elle est d’autant moins pardonnée… De gay à trans, il y a une marche. Etre dans la diversité sexuelle ne suffit plus à se protéger, il faut dire oui à l’ultra-diversité !