Le pluralisme est une condition pour qu’une chaîne de télévision puisse obtenir le droit d’émettre via la TNT, mais ce pluralisme doit se conformer à sa définition donnée par la pensée unique. C’est ainsi que l’on pourrait résumer l’arrêt obtenu par Reporter sans frontières (RSF) auprès du Conseil d’Etat : l’association qui prétend défendre la liberté de la presse, visant sa bête noire CNews, dont le renouvellement d’autorisation d’émettre sera décidé dans un an, a fait établir que désormais ce ne seront plus les temps de parole des politiques qui seront pris en compte, mais aussi ceux des chroniqueurs, animateurs et invités auxquels il faudra donc coller une étiquette idéologique. L’ARCOM, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, a six mois pour se pencher sur la chaîne d’information continue appartenant à Vincent Bolloré, et devra ce faisant trouver comment calculer ce temps de parole. On va clairement vers un pluralisme de gauche, contrôlé par l’Etat et le premier à s’en réjouir bruyamment aura été Christophe Deloire, secrétaire général de RSF, interviewé par France Info.
Ce qu’on reproche à CNews ? De donner la parole à des chroniqueurs et animateurs réputés « de droite ». De fait, l’immense majorité des chaînes de télévision où ceux-ci sont pour ainsi dire absents n’ont jamais provoqué d’inquiétude chez les délicats défenseurs du pluralisme.
Alors que la mise en œuvre de l’arrêt du Conseil d’Etat apparaît comme un casse-tête tel que même le journaliste de France Info s’en est ému, Deloire a déclaré : « Enfin, en France, la loi de 1986 sera appliquée en matière de pluralisme de l’information et de l’indépendance. L’ARCOM, jusqu’ici, ne remplissait pas son rôle. La question n’est pas celle de préférer telle ou telle ligne éditoriale, c’est de parler des obligations de pluralisme. »
RSF utilise le Conseil d’Etat contre CNews
Et d’ajouter : « Sans indépendance, sans pluralisme, il n’y a pas de vraie honnêteté de l’information. Cette décision s’appliquera à tous les médias audiovisuels. Désormais, l’ARCOM va devoir statuer sur le fonctionnement de toutes les chaînes. Nous avons tous intérêt à ce que le débat ne soit pas polarisé entre les anti-CNews et les anti-France Inter. »
Il venait de se livrer à une diatribe contre le système américain ou la liberté instituée par Ronald Reagan, par le démantèlement de la règle du « pluralisme interne » des médias, a permis l’émergence de la chaîne Fox News qui ne cache pas son orientation politique à droite. Cela porte atteinte, a expliqué en substance Christophe Deloire, à la démocratie, provoque de la polarisation et divise les citoyens d’un même pays en plusieurs camps.
Il préfère manifestement les médias qui se prétendent neutres et indépendants alors même qu’ils penchent nettement à gauche et pratiquent l’exclusion à grande échelle. Quoi qu’on pense du Rassemblement national, il est clair qu’aucune grande chaîne télévisée ne fait intervenir des chroniqueurs ou des animateurs qui lui sont favorables, et la présentation par un journaliste d’un sujet pro-vie, anti-IVG ou anti-« mariage pour tous » est carrément impensable.
Les tabous sont nombreux, on les connaît : ils concernent l’immigration, l’intégration européenne, des transgressions bioéthiques, les prises de position considérées comme « homophobes », la présentation de la « diversité » et j’en passe, comme le prétendu « réchauffement global » ou le mondialisme.
Le pluralisme, tant qu’il est de gauche
C’est ce « pluralisme » monolithique qui a les faveurs de RSF : n’allez pas croire en effet que demain, grâce à la décision obtenue auprès du Conseil d’Etat, toutes les chaînes de télévision vont se voir obligées d’embaucher des journalistes de la droite dite traditionnelle ou nationale, ou de faire appel à des invités de cette mouvance. Le fait que CNews ignore partiellement l’interdit non écrit les concernant est justement ce qui lui est reproché.
Le journaliste de France Info qui interviewait Deloire a tout de même osé souligner que les Français eux-mêmes se montrent contents de CNews, puisque ce média est désormais la deuxième chaîne d’information en France après BFM.
Deloire a répondu que ce sont justement les Français qui sont demandeurs de « pluralisme » et qu’ils se montrent « sceptiques » à l’égard des médias, demandant avant tout la présentation honnête de « faits ».
Après le désastre de la communication univoque autour du covid, on les comprend, mais Deloire parlait d’autre chose, en répondant : « Oui, une partie des Français, et c’est leur plus grande liberté – mais la question n’est pas de préférer telle ou telle ligne éditoriale. » Il faut selon lui un « pluralisme de l’information et une « indépendance éditoriale » qui se manifeste dans l’omniprésence de la ligne de la pensée unique. C’est un « enjeu pour la démocratie », a-t-il martelé.
La démocratie totalitaire, s’entend. Où certains sons de cloche sont obligatoires alors qu’ils sont déjà ultra-majoritaires.