L’excellent Michael Cook livre sur MercatorNet, site pro-vie et pro-famille australien, ses réflexions sur les tentatives de la Russie de Poutine de relancer la natalité alors que la population en mesure de travailler décline déjà dans tous les secteurs, que la guerre aspire les forces vives et que la part de la population âgée ne cesse de croître dans la démographie nationale. D’ici à 2100, la Russie comptera selon les projections actuelles au mieux 112 millions d’habitants (contre 146 millions aujourd’hui) ; elle pourrait tomber à 74 millions d’âmes, divisée par deux. La Russie tente de multiples solutions, mais les femmes répondent, en substance : « Niet ! » La réponse ne saurait être que religieuse, suggère Cook : avoir des convictions spirituelles fortes est la seule solution, estime-t-il. Sans compter que dans des sociétés vieillissantes, les bébés finiront par apparaître comme la plus belle des ressources. Si l’intelligence artificielle et les robots n’ont pas remplacé l’humanité auparavant… Ci-dessous, la traduction intégrale de la chronique de Michael Cook. – J.S.
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Les femmes russes disent « Niet » aux enfants
La population mondiale grisonne, devient de plus en plus malade et se raréfie. Les taux de fécondité tombent largement en dessous du seuil de remplacement, et quasiment tout le monde s’en alarme, à l’exception de quelques gourous de la ZPG (croissance démographique zéro).
En 2050, la proportion de Japonais âgés de plus de 65 ans sera d’environ 40 %. En Chine, ce chiffre avoisinera les 30 % ; en Allemagne, les 30 % ; en Iran, les 25 % ; aux Etats-Unis, les 20 % ; et en Russie, les 25 %.
Une forte proportion de personnes âgées est synonyme de moins de contribuables, de moins d’innovateurs, de plus de personnes à charge et de dépenses de santé plus importantes. Il y aura une pénurie de travailleurs et – de quoi donner des cauchemars aux généraux du monde entier – de soldats.
C’est pourquoi les gouvernements mettent sur pied des programmes expérimentaux visant à augmenter le nombre de bébés. Il y en a eu de toutes sortes : la FIV subventionnée, les primes à la naissance, les congés parentaux généreux et les récompenses pour les mères fécondes. Singapour a même tenté l’expérience d’un service de rencontre gouvernemental.
Relancer la natalité : la carotte ou le bâton ?
Aucune de ces carottes n’a fonctionné.
La Russie vient donc d’opter pour le bâton.
Une nouvelle loi réprimant la « propagande en faveur du mode de vie sans enfants » a été adoptée par la chambre basse du parlement, début novembre. Elle doit encore être approuvée par la chambre haute et promulguée par le président Poutine.
« La propagande en faveur du mode de vie sans enfants est un phénomène socialement dangereux. Les Américains en font la promotion. Notre pays est vaste et leur idéologie est dangereuse. Elle ne doit en aucun cas être autorisée à se répandre », a déclaré le mois dernier Vyacheslav Volodin, président de la chambre basse.
L’Eglise orthodoxe russe s’est ralliée à cette position. « L’idéologie du “zéro enfant” est une idéologie qui prétend qu’il n’est pas nécessaire d’avoir des enfants dans sa vie et qui, plus généralement, encourage même la haine envers les enfants », a pour sa part déclaré le père Fyodor Lukyanov, chef de la Commission du patriarche sur la famille et la défense de la maternité et de l’enfance, au début de l’année. « Ces idéologies de haine de l’enfant et de l’homme – en particulier les idéologies du “zéro enfant” – doivent être interdites et assimilées à de l’extrémisme, car elles détruisent notre avenir et nos enfants », a-t-il averti.
Le président Poutine a bien des soucis en tête, y compris son opération spéciale en Ukraine, mais l’augmentation de la natalité est en tête de ses priorités. Il a publié en mai un décret appelant à des mesures visant à augmenter le taux de natalité et à accroître le nombre de familles de trois enfants ou plus. En 2022, le gouvernement a rétabli le prix « Mère héroïne » datant de l’ère soviétique, offert aux femmes ayant eu 10 enfants ou plus : il est assorti d’une récompense de l’équivalent de 16.500 dollars américains.
Russie veut relancer la natalité avec des mesures qui ont échoué ailleurs
Si elle est adoptée, la loi interdira la « propagande en faveur du mode de vie sans enfants » sur internet et dans les médias, les films et les publicités. Des amendes sévères sont prévues : environ 4.000 dollars pour les particuliers et 51.000 dollars pour les organisations. La loi est formulée en termes vagues et les défenseurs des droits de l’homme craignent que même un commentaire positif sur un mode de vie sans enfant ou des débats publics sur le contrôle des naissances ou l’avortement puissent être considérés comme violant la loi.
Mais en dépit d’une rhétorique nataliste grandiloquente, il est peu probable que les Russes réussissent à faire mieux que la Corée du Sud ou Singapour.
Certains parlementaires ont lancé l’idée d’une taxe mensuelle sur les familles sans enfants, mais l’Union soviétique a déjà tenté l’expérience et elle n’a rien donné.
La réduction du nombre d’avortements semble une stratégie qui s’impose. La Russie a l’un des taux d’avortement les plus élevés au monde – hérité de l’ère soviétique, où l’avortement était le principal moyen de contrôle des naissances. Aujourd’hui, le gouvernement commence à décourager activement l’avortement. Un cinquième des avortements sont pratiqués dans des cliniques privées et les autorités locales commencent à les fermer. Selon la BBC, « Le ministère de la Santé a élaboré des lignes directrices indiquant aux médecins la meilleure façon de dissuader les femmes d’avorter. Les médecins sont encouragés à dire aux femmes enceintes de moins de 18 ans que les jeunes parents s’entendent mieux avec leurs enfants “parce qu’ils sont pratiquement de la même génération”. Si une femme enceinte est célibataire, les médecins sont censés lui dire que le fait d’avoir un enfant n’est pas un obstacle à la recherche d’un partenaire pour la vie. »
Mais il est peu probable que les Russes interdisent totalement l’avortement. Nicolae Ceaușescu, l’abominable dictateur communiste roumain, l’avait bien tenté ; les résultats furent désastreux. Les Russes tentent donc une approche plus douce.
Pour relancer la natalité, la Russie choisit la propagande médiatique
Les médias regorgent de publicités en faveur de la natalité. L’une d’entre elles met en scène un jeune couple qui entend frapper à la porte, la nuit. C’est un adorable bambin qui leur dit : « Je suis votre bonheur. » La femme la laisse entrer malgré l’objection de son compagnon : « Nous n’avons pas de projet d’enfant. » Elle lui répond : « On ne peut pas planifier le bonheur, n’est-ce pas ? »
La chaîne de télévision russe Yu propose un certain nombre d’émissions pro-enfants, telles que Supermaman, A la maternité, Appelle-moi maman et Maman à 45 ans. L’une d’entre elles s’appelait précédemment Enceinte à 16 ans ; elle a récemment été rebaptisée Maman à 16 ans. La phrase d’introduction de chaque épisode, « Je suis enceinte », a été remplacée par « J’attends un enfant ». Aujourd’hui, les jeunes filles qui participent à l’émission n’évoquant même plus la possibilité d’un avortement, au grand dam des féministes russes.
Poutine veut relancer natalité, mais sans interdire l’avortement
Même Poutine a exprimé des doutes quant à l’interdiction de l’avortement. Selon la Deutsche Welle, il s’est dit l’an dernier perplexe à ce sujet. Que devrait faire le pays ?, se demandait-il : « Interdire la vente de médicaments qui mettent fin à la grossesse ? Ou améliorer la situation socio-économique du pays, relever le niveau de vie, les salaires réels, les avantages sociaux… aider les jeunes familles à acheter une maison ? »
Le gouvernement a peur.
La population russe diminue, en partie à cause des pertes subies lors de la guerre contre l’Ukraine. Les démographes estiment que la population actuelle de 146 millions d’habitants tombera à un niveau compris entre 74 et 112 millions d’ici à 2100. La défense, l’industrie, les services sociaux, le niveau de vie et l’identité nationale sont tous menacés. A l’heure actuelle, « tous les secteurs de l’économie russe connaissent une pénurie de personnel, tandis que les pertes dues à la guerre continuent de réduire la population valide », indique un récent rapport sur la démographie russe pour le Conseil atlantique.
Bref, il semble que ni la carotte ni le bâton n’augmenteront le taux de natalité en Russie. Le problème, comme dans d’autres pays, est forcément que les jeunes femmes ne considèrent plus la maternité et la vie de famille comme des objectifs de vie épanouissants.
Comment cela pourrait-il changer ? Seulement grâce à un renouveau spirituel, comme je l’ai suggéré récemment. Il est peu probable que la Russie de Poutine puisse l’inspirer.
Michael Cook