Sont proposées aux amateurs de peinture, en même temps, à Paris, deux expositions très complémentaires, qui constituent une véritable saison Pissarro à Paris : Pissarro, le premier des impressionnistes, au Musée Marmottan-Monet, et Pissarro à Eragny, la nature retrouvée, au Musée du Luxembourg.
Pissarro (1830-1903) est indiscutablement un des plus grands peintres impressionnistes, et figure, à juste titre, dès l’époque des faits comme par la suite, dans les listes canoniques. Il est au cœur du groupe de 1876 à 1886 ; antérieurement, peintre paysagiste de facture relativement classique, marqué par Corot, il a fait partie des précurseurs, avec Manet et Monet. Après 1886, il est encore au centre des démarches novatrices néoimpressionnistes, puis suit un postimpressionnisme personnel.
Une saison Pissarro à Paris est à voir absolument
Pissarro reste largement moins connu que Monet (1840-1926). Il lui est pourtant très semblable et, en s’appuyant sur ses riches fonds propres, le Musée Marmottan-Monet peut développer la comparaison ; aussi s’est-il permis ce titre provocateur, Pissarro, le premier des impressionnistes, car il n’est en effet en rien inférieur à Monet, et on peut également gloser sur l’antériorité de la démarche impressionniste. Telle est du moins l’opinion de beaucoup, que nous partageons. Les sujets, comme les manières de les traiter, sont souvent très proches aussi, avec des vues de champs, des cours d’eau et des villes. Monet a vécu vingt ans de plus, ce qui lui a permis d’assurer sa célébrité durable, notamment lors du triomphe posthume de l’impressionnisme, après 1900-1910, et donc, cas unique, de son vivant. Les destins sont assez semblables, avec l’établissement de Pissarro à la campagne, non à Giverny comme Monet, jardin magnifique mondialement connu, aménagé par le peintre, mais à Eragny-sur-Epte, village peu connu de l’Oise. Pissarro s’est contenté d’habiter une ferme, en en confiant l’exploitation à sa femme, et d’y aménager un vaste atelier. L’exposition Pissarro à Eragny met en valeur cette période (1884-1903) et ces lieux. Il offre des vues magnifiques de la vie champêtre et du village. C’est tout le talent du peintre, son travail exceptionnel sur la lumière, décomposée en touches colorées selon sa méthode, qui rend des vues en soi banales absolument exceptionnelles. Pissarro, le premier des impressionnistes complète la vision de cette période par des vues de villes, Paris ou Rouen principalement, peintes lors de déplacements exceptionnels de l’artiste.
Faute de place, nous ne ferons pas ici la liste des tableaux remarquables : ils sont particulièrement nombreux, et ce dans les deux expositions. On se permettra seulement quelques regrets au niveau des commentaires officiels. Pissarro étant tout de même fort connu des amateurs, que dire de neuf ? Sont mises en valeur son origine juive, ou ses convictions philosophiques anarchistes ; or elles n’ont strictement aucune influence dans son œuvre. Nous estimerons l’œuvre, et non l’homme – qui avait banalement les idées sommaires de son temps – et elle est indiscutablement un sommet esthétique. C’est là l’essentiel pour l’amateur d’Art, et cette Saison Pissarro à Paris est à voir absolument.
Hector JOVIEN