Bygmalion, juges, médias, sondages : qui veut la peau de Sarkozy ?

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Paris, mardi 16 février. Nicolas Sarkozy, à la sortie du pôle financier du tribunal de grande instance de Paris.

 
En marge de l’affaire Bygmalion, Serge Tournaire vient de mettre en examen Nicolas Sarkozy pour financement illégal de sa dernière campagne présidentielle. Les juges, de même que les médias et les sondages, pèsent d’un poids déterminant dans la désignation du futur candidat républicain à l’élection de 2017. Au profit de qui et de quoi ?
 
Première question, un peu triviale, Sarkozy est-il coupable ? Réponse, nul à part Dieu ne le sait, mais, rien qu’à énumérer les affaires dans lesquelles son nom a été prononcé, on se persuade qu’ou bien c’est un malfaiteur récidiviste ou bien il a beaucoup d’ennemis. Les médias ont fait en effet leurs choux gras des hélicoptères du Kazakhstan, des jets privés de Lov Group, du meeting de Toulon, des rétro-commissions de Karachi, du financement libyen de la campagne de 2007, de l’arbitrage Tapie-Crédit Lyonnais, de l’affaire Bettencourt, de celle des écoutes. Et la liste n’est pas limitative. Plusieurs juges ont montré un entrain particulier à poursuivre l’ancien président de la république, pour ne pas dire à « se le faire ». Serge Tournaire n’est pas le dernier, lui qui a pris la décision, contestable sur le plan juridique et en tout cas sur celui des libertés publiques, de mettre Nicolas Sarkozy sur écoutes.
 

Bygmalion plus grave que les dépassements de campagne 

 
Il est significatif qu’on assiste à un déplacement de l’attention judiciaire de l’affaire Bygmalion, dont deux choses sont sûres, cette entreprise a présenté des comptes faux et elle était pilotée par deux proches de Jean-François Copé alors patron de l’UMP, vers l’affaire des comptes de campagne de Sarkozy en 2012. Or, le Conseil constitutionnel a déjà rejeté ces comptes en 2013 parce que le candidat avait dépassé le plafond légal de 22,5 millions d’euros. Pourquoi est-il plus urgent aujourd’hui de poursuivre un éventuel dépassement supplémentaire qu’une fraude avérée ? Pourquoi les juges semblent-ils si sûrs que les montants truqués présentés par Bygmalion masquent des dépassements de campagne plutôt qu’une magouille rémunératrice (1,8 million d’euros pour un meeting, doit-on y croire ? Le « vrai » compte ne serait-il pas faux)? Parce que cela met la responsabilité de Jean François Copé au second plan, lui permettant ainsi de se présenter à la primaire de droite contre Sarkozy et de lui envoyer de petites (ou grosses) piques ? Poser la question, c’est y répondre.
 
On notera en outre qu’en 1995 le socialiste Roland Dumas, alors président du Conseil constitutionnel, a validé le compte de campagne de Jacques Chirac et celui de son concurrent Balladur, alors que, de son propre aveu, « ils étaient manifestement irréguliers ». Pourquoi ? Parce que Chirac avait été élu et que rejeter son compte aurait conduit à une nouvelle élection présidentielle. Dumas se vante d’avoir agi « par esprit républicain », en « homme de devoir » et « sauvé la république » à cette occasion. On voit par là que la république, et la gauche, ne sont pas très regardantes du côté de la légalité des comptes de campagne. Et que les juges (ici, ceux de la juridiction suprême en matière de constitutionnalité) s’arrogent un pouvoir souverain pour décider qui doit présider la république.
 

Juges, sondages et médias tuent la primaire à droite

 
Dans l’affaire Bygmalion-Sarkozy, il s’agit encore de pouvoir et non d’équité. Depuis plusieurs mois, par une campagne de sondages soigneusement relayés par les médias, le système a entrepris de « tuer la primaire » à droite avant même qu’elle ne soit organisée, de sorte que la compétition soit jouée avant d’avoir lieu. Le travail des juges se conjugue à celui des sondeurs et des journalistes. Les dîners en ville « constatent » que les chances de Sarkozy s’amenuisent, et même ceux des commentateurs qui feignent de le déplorer ou le déplorent vraiment se joignent au chœur. Ainsi, sans coup férir, sans débat, sans discussion, émerge le candidat idéal Juppé, rassembleur, convivial, joueur de beer pong et ami d’un imam salafiste. Or l’homme a non seulement mené une politique étrangère désastreuse, bloqué la France par les grèves qu’il avait provoquées, mais c’est un authentique repris de justice, condamné pour des faits graves et clairement établis. Il n’est d’ailleurs pas le seul dans notre paysage politique à avoir eu maille à partir avec la justice, puisque c’est aussi le cas du ministre des affaires étrangères Jean-Marc Ayrault. Voilà une nouvelle preuve que les juges ne sont pas employés ici pour servir le droit, mais pour influer sur le pouvoir, et que les médias concourent à la chose par la résonnance qu’ils leur donnent. Cela n’innocente nullement Nicolas Sarkozy, mais cela situe la manœuvre en cours.
 

Sarkozy victime d’une guerre fratricide Finance vs FM ?

 
Une chose demeure mystérieuse. Sarkozy n’est pas un enfant de chœur, il a de nombreux et puissants amis dans le « grand capital » pour reprendre cette expression joliment désuète, dans la droite américaine, et chez les juifs sionistes. Ce n’est pas rien. Or il se trouve proprement malmené. Un peu comme si l’unité du « pouvoir profond » qui nous régit et que certains décrivaient par les termes « complot judéo-maçonnique » s’étaient défaite, que la fortune anonyme et vagabonde se divisait, et ne marchait pas toujours de conserve avec les cercles, cénacles, clubs et sociétés de pensée supranationaux. Comme si, contrairement à ce que certains pensent paresseusement, les intérêts d’un Soros et d’un Rothschild, par exemple, divergeaient. En gardant cela à l’esprit, il faut se rappeler qu’Alain Juppé, qui a défilé en 1968 et voté pour le candidat de la LCR Krivine à la présidentielle de 69 contre Pompidou, est énarque, membre du Siècle et qu’il a été adoubé en juin 2015 par le groupe d’inspiration maçonnique Bilderberg par ailleurs proche de la Trilatérale. Cela en fait un membre de la caste supérieure mondialiste. Sarkozy, lui, n’est qu’un politicien dévalué ami des riches. Médias, juges et sondages savent faire la différence.
 

Pauline Mille