Sarkozy mis en examen pour le financement de sa campagne par la Libye de Kadhafi : un coup d’Etat des juges

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Le financement de la campagne de Sarkozy en 2007 par la Libye de Kadhafi est la onzième affaire où il se trouve impliqué, la quatrième où il est mis en examen. Or, aucun élément matériel n’a été invoqué. C’est contre la fonction présidentielle que s’acharnent les juges, dans un véritable coup d’Etat permanent.
 
Les juges ont choisi la voie spectaculaire de la garde-à-vue pour intimider et humilier Nicolas Sarkozy au lieu de le convoquer, ce qui aurait été beaucoup plus simple et naturel. On ne voit pas quel bénéfice ils attendaient de ce qui apparaît comme une campagne d’acharnement, autre que d’abaisser l’ancien chef de l’Etat aux yeux de la foule, de lui montrer qu’il était un justiciable comme un autre : c’était jouer sur l’envie pour abaisser la fonction la plus éminente de la république.
 

Sarkozy mis en examen pour la quatrième fois par les juges

 
Au bout de 27 heures de garde-à-vue, Nicolas Sarkozy a donc été mis en examen pour « corruption passive », « recel de fonds libyens » et « financement illégal de campagne électorale » dans l’affaire de son financement présumé par la Libye en 2007, alors qu’il a déjà été mis en examen dans l’affaire Bygmalion, dans celle des écoutes de l’Elysée, et dans l’affaire Bettencourt, au terme de laquelle il a bénéficié d’un non-lieu. Cette fois-ci, devant les magistrats qui l’interrogeaient, il a tout nié en bloc. Dans la presse, il se plaint de « l’enfer de la calomnie », nie que les « indices graves et concordants » nécessaires à une mise en examen soient réunis ici, et affirme avoir été « accusé sans aucune preuve matérielle par Mouammar Kadhafi et Ziad Takkiedine ». Sur ce point, les informations qui ont fuité dans la presse ne suffisent pas à lui donner tort.
 

Financement par la Libye : Kadhafi a lancé l’accusation

 
Que disent-elles ? En mars 2011, alors que Sarkozy menait la coalition qui le chassait du pouvoir et qui allait finir par le tuer, Kadhafi lançait : « Nicolas Sarkozy est venu me voir, il avait besoin d’aide, il m’a demandé de l’argent, je lui en ai donné, il est devenu président ». Depuis, selon le Monde, plusieurs anciens dignitaires libyens auraient confirmé le financement de la campagne de Sarkozy en 2007 par la Libye. Le nom de l’un d’entre eux, Ahmed Senoussi, est particulièrement mis en avant, sans doute parce qu’il est tenu pour le principal responsable de l’attentat du DC 10 d’UTA, dans lequel sont morts plusieurs dizaines de Français. Il a affirmé que la remise de cinq millions d’euros à Sarkozy, qui était alors ministre de l’intérieur, aurait été décidée à la suite d’une entrevue de Kadhafi avec le bras droit de Sarkozy place Beauvau, Claude Guéant, puis avec Sarkozy lui-même. Enfin, un intermédiaire, l’homme d’affaire franco-libanais, Ziad Takkiedine, affirme avoir porté les mallettes chargées d’argent liquide à Claude Guéant et Nicolas Sarkozy.
 

Mallettes de campagne : c’est parole contre parole

 
Voilà toute l’accusation pour l’instant. Un « pré-rapport » policier de 22 pages résume toutes les charges et en dit peut-être plus, mais il n’a pas encore fuité. Les juges croient aussi avoir décelé une circulation d’argent liquide dans la campagne de Nicolas Sarkozy à partir du moment où les mallettes putatives auraient été remises. Mais Eric Woerth, alors trésorier de campagne, et son adjoint Vincent Talva, jurent leurs grands dieux que de généreux dons anonymes la justifient. Jusqu’ici, c’est donc parole contre parole, et l’ancien chef de l’Etat a beau jeu de noter l’absence d’éléments précis et concordants, et son entourage de dénoncer l’acharnement des juges.
 
D’autant que le témoin le plus acharné, Ziad Takkiedine, semble un témoin très faible. Sarkozy n’a eu aucun mal à relever plusieurs impossibilités matérielles grossières dans ses dépositions, regardant la disposition des lieux et les habitudes du ministère de l’intérieur, son agenda, qui ne fait état d’aucun rendez-vous, ou encore une prétendue rencontre entre Takkiedine et le fils de Kadhafi.
 

Sarkozy : le financement par Kadhafi ne résiste pas à l’examen

 
Sur le fond, la défense de Sarkozy semble forte sur deux points. Un, Kadhafi, qui fut du dernier bien avec l’ancien chef de l’Etat, n’a porté son accusation que lorsque son ancien ami a reçu les rebelles libyens, et pendant les sept mois qui ont précédé sa mort, il n’a fait parvenir à la presse aucune pièce qui aurait permis de confondre son nouvel ennemi. Cela l’aurait pourtant grandement servi dans son effort de propagande contre la coalition. C’est incompréhensible s’il disposait de documents, photos, enregistrements, ordres de virements que lui-même et ses proches prétendaient détenir.
 
Deuxième point, toujours si Kadhafi avait ces preuves, le coup porté contre la Libye par Sarkozy en 2011 est incompréhensible : « Croyez-vous que si j’avais la moindre chose à me reprocher en la matière, j’aurais été assez bête, assez fou pour m’attaquer à celui qui m’aurait à ce point financé ? Pourquoi prendre ce risque? »
 

Le « coup » de Médiapart mis en doute par l’enquête judiciaire

 
Reste un document libyen que Mediapart a publié en 2012 et qui semblait attester le financement de la campagne de Sarkozy par la Libye. A son sujet, l’ancien chef de l’Etat a versé au dossier le rapport d’enquête qui conclut ainsi : «La réunion évoquée par cet écrit n’a pas pu se tenir à la date indiquée, ce qui semble confirmer que le contenu pourrait être mensonger. Il existe donc une forte probabilité pour que le document produit par Mediapart soit un faux ».
 
En attendant de nouvelles fuites de l’instruction, éventuellement accablantes pour l’ancien président de la république, il semble bien que le dossier soit, du point de vue matériel, vide. Il reste à se demander ce qui motive l’acharnement des juges.
 

La démocratie bafouée par le coup d’Etat des juges

 
La réponse est politique. Et l’on découvre qu’apparemment ennemis, les juges et Sarkozy sont en fait complices d’un même crime, celui de l’abaissement de l’Etat. Dans les débuts de son septennat, l’ancien président se paya un coup de pub en arrachant à Kadhafi des infirmières bulgares que celui-ci détenait depuis des années : Cécilia Sarkozy les ramena en Europe. Puis, pour obtenir des marchés, Sarkozy permit à Kadhafi toutes sortes de frasques, dont l’installation de sa tente dans les jardins de l’hôtel Marigny lors d’une visite à Paris. Ainsi le chef de l’Etat rabaissait-il sa fonction à celle de chef de pub puis de représentant de commerce obséquieux. 
 
Aujourd’hui les juges, en s’acharnant sur celui qui fut premier magistrat de la république, bafouent un peu plus sa fonction, et commettent une confusion des pouvoirs qui constitue un coup d’Etat. Le président est en effet le représentant suprême du peuple souverain, il n’a de compte à rendre qu’à celui-ci, et le seul crime pour lequel on puisse le poursuivre est politique, c’est la Haute Trahison. En prétendant le poursuivre dans une affaire d’argent au nom de leur prétendue morale (même si d’aventure il était coupable), les juges s’arrogent un droit qu’ils n’ont pas et nient la démocratie. Ils habituent le public à penser que les politiques sont tous pourris et à trouver normal que le pouvoir revienne aux mains des rois-juges.
 

Pauline Mille