La facture de la grande enquête covid menée outre-Manche a eu beau dépasser les 146 millions de livres sterling, elle ne nous a pas appris grand-chose sur la réalité du consensus scientifique à propos des réponses données à l’épidémie. L’information est pourtant capitale, dans le sens où toute la politique de confinement et de fermeture de écoles a été fondée, dans sa globalité, sur ce précieux avis médical qui était censé être unanime… et que si un semblable phénomène se reproduisait, nous suivrions le même chemin apocalyptique. Evite-t-on d’en parler parce qu’il était alors scientifiquement incontestable ? Ou parce qu’il était politiquement non discutable, tant la pression de la pensée de groupe était forte ?
Un vaste sondage britannique vient d’établir clairement l’absence totale de ce consensus de la communauté scientifique, que ce soit en 2020 ou en 2024. Si à l’époque, on risquait l’étiquette de « tueur de grand-mère sans cœur » comme l’écrivait une journaliste du Telegraph, les voix se délient davantage quatre ans plus tard. Et c’est tant mieux, car les dommages collatéraux à long terme des confinements sont considérables selon les scientifiques britanniques interrogés : ils ne doivent pas se reproduire.
Un consensus pour le moins tordu par les sondages
Ne croyez pas ce qu’on vous dit ! C’est un peu le message implicite de la grande enquête menée par The Telegraph et Censuswide, entre décembre et février, auprès de 198 scientifiques d’universités britanniques : les risques sanitaires et économiques liés aux confinements n’ont pas été évalués de manière homogène, contrairement à ce qui a pu être affirmé.
Près de sept universitaires sur dix (68 %) estiment qu’une plus grande attention aurait dû être accordée aux conséquences causées par la fermeture du pays. Et autant pensent que les décisions du gouvernement n’étaient pas transparentes ou mal communiquées. Mais surtout, seulement 3 % d’entre eux pensaient que tous les points de vue scientifiques avaient été pris en compte par le gouvernement : un tiers estimaient que les responsables s’étaient concentrés uniquement sur une minorité d’opinions.
Concernant les confinements, un peu plus de la moitié (51 %) des scientifiques pensent toujours qu’ils étaient proportionnés et justifiés, mais un tiers ne sont toujours pas d’accord. Et environ 37 % jugent la modélisation de la pandémie « moyenne », « mauvaise » ou « très mauvaise ».
Dès 2020, le professeur Carl Heneghan, de l’Université d’Oxford, avait averti que le confinement entraînerait la faillite du pays et laisserait un héritage sanitaire catastrophique : « La loi sur le coronavirus a donné le pouvoir à quelques individus paniqués. Ils ont été aidés et encouragés par des scientifiques et leurs conseillers, qui ont été trop prompts à recommander des restrictions plus sévères sans aucune preuve pour étayer leurs actions. »
Empêcher « les abus et la persécution » des scientifiques
Mieux, l’enquête a laissé voir les pressions effectives qui eurent lieu au sein de la communauté scientifique. Un professeur d’épidémiologie théorique à l’université d’Oxford a déclaré qu’il était important d’empêcher « les abus et la persécution » à l’égard de ceux qui étaient prêts à remettre en question le consensus. Le coût de la prise de parole pouvant générer de sérieuses inquiétudes « concernant la perte de mécénat, l’accès aux subventions de recherche et les difficultés de publication », a précisé un ancien conseiller du gouvernement en matière de Covid…
Il apparaît clairement que la surenchère politique et l’absence avérée d’un débat ouvert et scientifique ont prévalu. The Telegraph rappelle qu’un groupe d’universitaires majoritairement de gauche, « Independant Sage », qui réclamait des restrictions permanentes, a par exemple bénéficié d’un temps d’antenne inadmissible sur la BBC et Sky News. Un angle d’analyse a été politiquement et médiatiquement choisi et quiconque le remettait en cause péchait par crime de lèse-citoyenneté.
Pourtant, les dégâts ont été considérables. Le mois dernier, encore, la Banque mondiale a averti que la perturbation de l’éducation par le confinement aurait des répercussions sur plusieurs générations d’enfants qui souffraient de graves retards de développement et d’apprentissage. Les unités d’urgence de santé mentale britanniques ont, par exemple, constaté une augmentation de 50 % du nombre d’enfants suicidaires, gravement déprimés ou souffrant d’un trouble de l’alimentation depuis la pandémie. Plus globalement, les listes d’attente du NHS ont atteint un nombre record de 7,8 millions en septembre dernier et il y a eu des dizaines de milliers de décès supplémentaires non liés directement au Covid depuis la pandémie, en particulier parmi les patients cardiaques et cancéreux.
Mais tous ces chiffres ne semblent engendrer aucune remise en question. « Je crains vraiment que nous ne ferions rien de différent si nous avions une autre pandémie, car l’enquête covid ne semblait pas très intéressée à identifier ce qui n’allait pas avec notre approche et comment nous la modifierions la prochaine fois », a déclaré un médecin-chef cancérologue.
Ce covid qui se promène du pangolin au laboratoire
Quant à la question de l’origine du virus, il est fréquemment asséné qu’un consensus a été atteint par le monde universitaire, prétendument persuadé tout entier d’une origine zoonotique et donc d’une transmission animale. Il n’en est rien. Parmi les personnes ayant une opinion, nous dit un autre sondage du Telegraph, 59 % pensent ainsi, mais 41 % pensent que le coronavirus s’est échappé d’un laboratoire en Chine. Ce qui n’est pas le même débat ! Un professeur agrégé de sciences et de sécurité internationale au King’s College de Londres vient d’ailleurs de le dire devant l’ONU et a appelé à une meilleure réglementation.
On retrouve la même proportion quant à l’évaluation des risques des laboratoire dits de gain de fonction (qui consistent à modifier génétiquement des virus pour les rendre plus transmissibles ou plus virulents). Environ un tiers pensent que les expériences pourraient déclencher une pandémie, un autre tiers qu’elles pourraient, au contraire, aider à les prévenir.
Il faut dire que les choses seraient plus claires si l’origine du covid-19 était vraiment actée. Or le tabou persiste, accentué par le fait que le fameux Institut de virologie de Wuhan (WIV), situé à huit miles du lieu d’apparition du coronavirus, collaborait avec l’armée chinoise et impose donc le secret. Même le tout récent livre choc du politologue américain d’origine chinoise, le professeur Dali Yang, qui expose, avec une chronologie et une analyse rigoureuses, les manquements des autorités sur les premiers mois, fait l’impasse silencieuse sur le sujet.
Alors, qu’importe si la Chine se remet à expérimenter des souches mutantes de coronavirus… Il semble toujours qu’il n’y ait rien à voir.