La gauche accuse un sondage publié sur le site de la République en marche d’être raciste. Or l’institut Terra Nova qui l’a commandé et réalisé est une émanation de la deuxième gauche socialiste. A force de pudibonderie, le politiquement correct s’est emmêlé les pinceaux dans ses propres tabous.
 
C’était une trop belle occasion de charger la mule de ce pauvre Emmanuel Macron, président des riches : déjà qu’il se fait construire une piscine à Brégançon qui va coûter un pognon dingue, en même temps Terra Nova publie sur le site officiel de la République en marche un sondage qui sonne comme « du Le Pen dans le texte », selon Antoine Léaument, patron de la communication numérique de la France insoumise sur le site qu’il anime, Le Bon Sens.
 

Derrière le sondage « raciste », la cible était la République en marche

 
Il est en phase avec une flopée d’internautes qui jugent sur Twitter ce sondage « raciste ». Pourquoi ? Parce qu’on y trouve des propositions sur lesquelles on demande aux sondés de se déterminer : « On ne se pas chez soi comme avant », « L’islam est une menace pour l’Occident », « Il y a trop d’immigrés en France ». Et il a reçu le soutien de deux sénateurs socialistes, Rachid Temal (« un questionnaire digne de l’extrême droite », et Marie-Noëlle Lienmann.
 
Malheureusement l’offensive a tourné court pour deux raisons. D’abord, c’est Terra Nova qui a commandé et réalisé le questionnaire, pour mieux connaître la sociologie de la République en marche, sans que celle-ci ait son mot à dire. Ensuite, ce type de questions est usuel dans les questionnaires sociologiques des autres instituts.
 

Le politiquement correct se mord la queue : trop de tabou tue le tabou

 
Le sondage de Terra Nova proposait d’ailleurs d’autres phrases tout aussi tranchées, mais représentant d’autres secteurs de l’opinion, par exemple sur la nécessité de prendre aux riches pour donner aux pauvres. Il semble ici que le politiquement correct se morde la queue : poser la question, nommer le problème, devient interdit. Nous entrons dans le domaine enchanté de la pensée magique de gauche. Mais trop de tabou tue le tabou, et notre éminent confrère le Monde, dans sa célèbre rubrique des décodeurs, vient au secours de Terra Nova. Il donne la parole à son directeur Thierry Puech : « Si l’on renonce à ces questions, on renonce à tout un pan de la recherche comparée telle qu’elle se pratique depuis des dizaines d’années en Europe. Tout cela n’est, hélas, qu’une vaine polémique. »
 

Avec Terra Nova, le Monde défend la deuxième gauche socialiste

 
Pourquoi cette imprévisible crise d’honnêteté ? Parce que Terra Nova est le laboratoire d’idées de la deuxième gauche, parrainé naguère par feu Michel Rocard et présidé par feu François Chérèque, secrétaire général de la CFDT. François Hollande a présidé l’un de ses récents colloques, Juliette Méadel, secrétaire nationale du parti socialiste, en a été directrice générale. Bref, c’est une terrible querelle de famille, la gauche proche du PC tire sur la gauche proche du pouvoir. Thierry Puech est tout chose qu’on ait pu dire son sondage raciste. Ce qui est inquiétant, c’est que l’extrême gauche était parfaitement sérieuse, et que si Puech avait été un homme de droite, le système l’aurait laissé écharper sans sourciller. Plus inquiétant encore, la réaction auprès du Monde de députés et responsables de la République en Marche : « Je ne comprends pas qui a validé ce truc ». C’est « une erreur donnant une mauvaise image ». Les accusés à tort sont mentalement et moralement d’accord avec leurs accusateurs. La Révolution d’aujourd’hui n’a plus besoin de Fouquier-Tinville, les tabous du totalitarisme sont intériorisés.
 

Pauline Mille