Neuf jours après les rebelles, le président sud-soudanais Salva Kiir, contraint et forcé, a signé à son tour l’accord qui doit marquer le point final de la guerre civile au Soudan du sud. Avec donc quelques sérieux doutes, ou plutôt, comme il l’a dit aux médiateurs au cours de la cérémonie, mercredi, dans sa capitale de Juba, de « sérieuses réserves ».
« La paix que nous signons aujourd’hui contient tellement de choses que nous devons rejeter. (…) Ignorer de telles réserves ne serait pas dans l’intérêt d’une paix juste et durable », a-t-il expliqué en signant le document devant les dirigeants de l’organisation régionale Igad (Djibouti, Ethiopie, Kenya, Ouganda, Somalie, Soudan, Soudan du sud), qui assure, depuis le début des troubles, la médiation des pourparlers de paix à Addis Abeba.
Des « dispositions néfastes », Salva Kiir en a compté douze pages qu’il a remises à ses interlocuteurs, en leur affirmant avoir décidé de les publier prochainement. On retiendra notamment parmi celles-ci la démilitarisation de Juba, la place importante accordée aux rebelles dans le partage du pouvoir, avec l’attribution d’un poste de « premier vice-président » aux rebelles, lequel devrait logiquement revenir à Riek Machar, que Salva Kiir avait limogé de son poste de vice-président six mois avant le début de la guerre civile.
Un accord contraint et forcé
Autre point important de l’accord, le cessez-le-feu permanent qui doit entrer en vigueur dans les 72 heures après la signature de l’accord, et le départ sous 45 jours des troupes gouvernementales étrangères, en l’occurrence les troupes ougandaises combattant aux côtés des forces gouvernementales. On conçoit la difficulté que soulève notamment ce dernier point quand on sait que, mercredi, alors même que se déroulait cette signature, les deux camps se sont accusés, une fois encore, d’avoir lancé de nouvelles offensives.
Cette tension, que ne devrait lever aucun accord ainsi concocté dans on ne sait trop quelles officines étrangères, est la conséquence directe des « messages d’intimidation » de la communauté internationale. « Il semble, a souligné Salva Kiir, que nous n’ayons que deux options : celle d’une paix imposée ou celle d’une guerre permanente. »
Le Soudan du sud, élément sous domination de la communauté internationale
Ses interlocuteurs n’en veulent pourtant rien savoir. Sitôt l’accord signé par le président sud-soudanais, Washington a immédiatement appelé au respect intégral de cet accord, ce qui signifie, comme l’a précisé le Conseil de sécurité des Nations Unies, que Salva Kiir a jusqu’à mardi pour lever ses réserves, sous peine de voir les sanctions s’appliquer tout de même.
Le porte-parole de la Maison Blanche, Josh Earnest, l’a clairement souligné : en signant l’accord, Salva Kiir « a pris la bonne décision » ; mais Washington et la communauté internationale « ne reconnaissent aucune réserve ou ajout à ce document ».
Le secrétaire général de l’ONU a pourtant conscience de la difficulté de l’entreprise. « La route sera difficile », a déclaré Ban Ki-moon.
De fait, pour Salva Kiir, cet accord « n’est ni la Bible, ni le Coran, pourquoi ne pourrait-il pas être réexaminé ? » Il a donc réclamé « du temps pour voir comment on peut corriger ces choses ».
Une chose est claire : ce n’est pas l’opposition sanglante entre le pouvoir sud-soudanais et les rebelles qui pose le plus de problème ; c’est, avant toute chose, cette mainmise démocratique de la communauté internationale sur la souveraineté d’un pays. Au Soudan du sud comme ailleurs. Partout ailleurs…