En mai 2013, Dominique Strauss-Kahn s’associait à l’homme d’affaires franco-israélien Thierry Leyne, adepte de la finance douteuse, pour fonder LSK and Partners, dont il apportait 20% du capital et devait devenir le président. Le 20 octobre 2014 il renonçait à cette présidence. Trois jours après, Leyne se suicidait, et la société fait l’objet d’une procédure spéciale au Luxembourg. DSK explique qu’il a renoncé à cause des « comptes 2013 » et des « emprunts excessifs ». Question : savait-il avant ou non ? Dans les deux cas son crédit de « génie de l’économie » est ruiné.
La France qui se pique d’économie, gauche et droite confondues, a été frappée par la foudre lorsqu’en mai 2011 l’odieuse Nafissatou Diallo ruina les espérances présidentielles de Dominique Strauss-Kahn. Un an et demi plus tard, alors que François Hollande entrait déjà dans la panade, la même France soupirait encore au souvenir de l’explosion en vol de l’ancien directeur du FMI : Ah, s’il avait su se tenir avec les femmes, il serait à l’Elysée, et tout irait mieux ! En réalité DSK ne se tient pas mieux avec l’argent qu’avec les femmes, l’histoire LSK nous le montre.
Avec LSK, Strauss-Kahn entendait rebondir
A l’automne 2012 en effet, alors qu’il se trouve encore pris dans ses démêlés hôteliers avec son ami Dodo la saumure, Dominique Strauss-Kahn rencontre Thierry Leyne par l’entremise d’une vieille amie (qu’est-ce à dire ?) qui est sa compagne (à Leyne). L’homme séduit par sa réussite. A quarante-six ans, il a déjà fondé plusieurs affaires qu’il a bien revendues. Six mois plus tard, les deux compères ont monté leur boîte, suivant un schéma compliqué pour vous et moi, mais semble-t-il habituel, qui passe par la Suisse, le Luxembourg et Guernesey – Leyne, qui a beaucoup travaillé à Paris, gardant sa base arrière à Tel Aviv. Ils se promettaient monts et merveilles d’une affaire qui devait leur permettre de lever deux milliards de dollars en un an pour les brasser.
Comment ? DSK l’explique après coup dans le Parisien : « Thierry Leyne avait monté une compagnie financière qui faisait essentiellement de la gestion d’actifs. Il n’y avait pas de département de banque d’affaires. Je devais le créer en le centrant sur le conseil aux gouvernements et accessoirement aux entreprises ». Il paraît en effet que les clients seraient friands des « analyses économiques » de Dominique Strauss-Kahn. En retour, le président devait évidemment être récompensé, et il était déjà prévu que sa fille Vanessa dirige la filiale Suisse de l’entreprise, Assya Asset Management, pour laquelle le ticket d’entrée minimum était de vingt millions d’euros.
La finance douteuse de Thierry Leyne l’a-t-elle mené au suicide ?
Maintenant que Thierry Leyne s’est suicidé et que Assya Asset a été placée par la justice luxembourgeoise en « sursis de paiement » pour n’avoir pas payé les deux millions d’euros qu’elle devait au groupe d’assurance suisse La Bâloise Vie Luxembourg, les langues se délient. Celle de DSK d’abord. Il ne retient nullement comme grief que la valorisation boursière de LSK and partners a été divisée par deux en deux mois, mais il se plaint amèrement : il a perdu sa mise et n’a rien touché à l’en croire. Selon lui, le « projet n’était pas conforme » et « ne correspondait pas » à ce qu’il cherchait. Deuxième raison de son retrait précipité, « une stratégie d’emprunts » qu’il n’aurait découvert qu’en « octobre avec les comptes 2013 ». Et de soupirer sur la « réputation contrastée » de Leyne qu’il ne connaissait que « depuis peu de temps ». Bref, comme à New-York, sa bonne foi aurait été surprise.
Mais d’autres parlent aussi. Un financier qui a bien connu Thierry Leyne confie : « Je suis surpris que Dominique Strauss-Kahn ait accepté de se lancer dans cette affaire. Son associé était connu pour avoir arnaqué pas mal de monde. A ce niveau-là, on se renseigne. L’échec de ce fonds était couru d’avance. Quand vous levez des fonds en Russie, au Moyen-Orient ou au Sud du Soudan, qui ne sont pas des modèles de transparence financière… » Le Soudan Sud où Thiery Leyne, avait lancé une National Credit Bank pour profiter de l’activité qu’engendre le pétrole, et que Dominique Strauss Kahn avait inaugurée en 2013.
Une autre source prétend que DSK « râlait contre Leyne cet été » et qu’il « sentait que quelque chose n’allait pas ». Cela ne se voyait pas en tout cas sur le site internet de LSK où une photo montrant les deux hommes comme larrons en foire est restée affichée jusqu’à la fermeture du site après le décès de Leyne. Tout récemment encore, ils avaient décidé de « sponsoriser » ensemble… l’équipe suisse de Coupe Davis !
On ne peut faire l’économie de questions gênantes
Une question toute simple se pose. Ou bien DSK savait, et son dégagement tardif, outre qu’il a peut-être provoqué une dépression chez son associé, est à la fois une lâcheté et le signe qu’il n’hésite pas à participer à des affaires douteuses. Ou bien il ne savait pas, et il s’est lancé dans une entreprise économique et financière à risque avec quelqu’un qu’il ne connaissait pas sans prendre le minimum de renseignements, ce qui fait du meilleur économiste du monde la première cruche de France et l’Oscar de la meilleure dupe. Sous réserve de suites judiciaires, il est clair que son crédit en tant qu’économiste est désormais nul. Comme le personnage. Mais c’est tout de même difficile à concevoir.
Aussi faut-il peut-être se poser quelques questions au sujet de son compère. Le suicide par défenestration de Thierry Leyne ressemble étrangement de celui de son épouse, il y a trois ans, à Genève. Une source musulmane prétend que Leyne aurait été présenté à Dominique Strauss-Kahn par des personnalités israéliennes qui l’auraient convaincu de se lancer dans l’aventure avec l’argument suivant : « s’associer à Leyne, c’était l’assurance d’avoir le soutien total du gouvernement de Jérusalem ». Et de rappeler que Leyne, avant de s’établir chevalier d’industrie, a été formé à l’institut de technologie de Haïfa, le Technion, qui a la réputation d’être l’université des techniciens du Mossad. En se demandant naturellement si l’associé de DSK est tombé tout seul de sa tour de Tel Aviv. C’est une piste un peu limite, mais dans l’imbroglio d’aujourd’hui, rien ne doit être négligé.