Selon une étude-pilote publiée par le Journal of Medical Ethics, le nombre d’étrangers qui s’est rendu en Suisse en vue d’y mettre fin à leurs jours a doublé entre 2008 et 2012, malgré une baisse entre 2008 et 2009. 611 personnes domiciliées à l’étranger ont fait un « tourisme » très spécial en « bénéficiant » au cours de la période des services d’une des cinq associations d’assistance au suicide, qui consiste pour la plupart en la fourniture d’un cocktail à base de pentobarbital de sodium, un puissant anesthésiant.
C’est le même type de produit que celui le plus souvent utilisé aux Etats-Unis pour l’exécution des condamnés à mort, et que les fabricants européens refusent de leur livrer pour cette raison.
Le tourisme du suicide concerne des femmes en majorité
L’étude sur la Suisse montre que 58,8 % de ces adeptes du tourisme du suicide étaient des femmes, et que leur moyenne d’âge était de 69 ans. Mais l’âge des suicidés étrangers va tout de même de 23 ans à 97 ans.
La cause la plus souvent invoquée : les maladies neurologiques comme la sclérose latérale amyotrophique (qui provoque une paralysie progressive) ou la malade de Parkinson, dans près de la moitié des cas. Ce ne sont pas des douleurs insupportables qui le plus souvent motivent ce tourisme sans retour, mais une lente dégradation de l’organisme. Le cancer ne vient qu’en deuxième position, suivi des douleurs rhumatismales. Ces données ressortent de l’examen des rapports d’enquêtes et d’autopsies conservés à l’institut de médecine légale de Zurich.
A titre de comparaison, l’euthanasie aux Pays-Bas concerne dans sa grande majorité des patients du cancer en phase terminale, même si le nombre de mises à mort de personnes en voie de devenir démentes ou souffrant de maladies psychiatriques y est en constante progression.
Les étrangers venus demander une aide au suicide en Suisse entre 2008 et 2012 provenaient de 31 pays : de l’Allemagne (268) et de la Grande-Bretagne (126) pour les deux tiers, et loin derrière, la France (66), l’Italie (44), les Etats-Unis (21), l’Autriche (14), le Canada, l’Espagne, Israël (8 chacun).
L’exemple suisse déteint sur ses voisins
Les chercheurs soulignent que les trois principaux pays d’origine des suicidés sont précisément ceux où des débats politiques sur le suicide assisté sont en cours, ce qui met en évidence la manière dont l’idée de légalisation d’une pratique transgressive peut pousser au passage à l’acte.
La possibilité de se rendre en Suisse pour y obtenir un « suicide » joue en retour sur la légalisation dans les pays d’origine : les auteurs de l’étude notent que le procès intenté par une Britannique souffrant de sclérose en plaques qui voulait se rendre en Suisse a été à l’origine de nouvelles directives plus souples et d’un changement de pratique pénale, ouvrant doucement la porte à un changement de fond. L’Allemagne, longtemps très hostile à l’euthanasie par réaction aux pratiques nazies, tolère désormais l’« euthanasie passive ».
Le récent suicide de la vice-présidente de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (l’ADMD française, présidée par Jean-Luc Romero), ne manquera sans doute pas de peser sur le débat en vue de l’élaboration d’une nouvelle loi sur la « fin de vie » à partir de décembre. La « mort choisie » de Nicole Boucheton est allée de pair avec une dénonciation des obstacles qu’il lui a fallu franchir : organisation du voyage, lourdeur des frais engagés. Les suicides assistés chez Dignitas coûtent environ 7.000 francs suisses, sans compter le voyage, les frais d’incinération et d’envoi des cendres…