Plus d’argent liquide, plus de soucis de braquage. Better than Cash (« mieux que l’argent liquide »), un collectif qui regroupe des organismes publics, de grosses fondations et d’autres acteurs majeurs du mondialisme, n’en finit plus de chanter les avantages des paiements électroniques. La suppression de l’argent liquide faciliterait aussi les échanges et aiderait les pauvres. Mais derrière le souci de sécurité et la bienveillance affichés se cache en fait la promotion d’un outil indispensable à la « société de surveillance ». Big Brother préfère l’électronique au cash pour mieux tracer les paiements – et les payeurs.
L’« Alliance mieux que l’argent liquide » (Better than Cash) a été créée conjointement en septembre 2012 par la Ford Foundation, la fondation Bill & Melinda Gates, Citi, Omidyar Network, l’agence américaine d’aide internationale USAID, le fonds de développement du capital onusien UNCDF, et la multinationale de paiement VISA, sous le parrainage de la princesse Maxima des Pays-Bas. Visant à augmenter partout dans le monde les paiements électroniques, elle affiche des objectifs au goût du jour : promouvoir la gouvernance démocratique et responsable, l’équité économique et l’« inclusion » financière. Le tout au nom de la « simplification » et de la « transparence ». Traduisez : contre la liberté individuelle et la vie privée.
Better than Cash bénéficie, pour son secrétariat, des infrastructures de l’UNCDF – en principe consacré à l’aide au développement des pays les plus pauvres – au nom de son engagement en faveur des 2,6 milliards de personnes dans le monde vivant avec moins de 2 $ par jour : 90 % d’entre elles n’ont pas accès aux services bancaires du fait de leur grande pauvreté. Résultat, elles sont bloquées par l’impossibilité de payer autrement qu’en liquide, sans espoir d’améliorer leur situation, que ce soit par l’obtention de crédits, la constitution d’une épargne ou le développement de leurs entreprises. L’Alliance a décidé d’assurer aide technique et subventions aux organisations de développement qui s’engagent à numériser leurs dépenses et leurs versements à ceux qu’elles assistent.
Cela posé, est-ce donc vraiment pour les plus pauvres que la lente marche vers la société sans argent liquide se met progressivement en place ? Sans doute l’accès à un compte bancaire est-il un facteur réel de développement et de liberté. Mais l’affaire devient plus complexe quand on constate que la promotion du paiement électronique vise à éliminer autant que faire se peut les paiements en liquide, non seulement dans les pays pauvres où le paiement par carte, sur internet ou par virement apparaît on vient de le dire comme une manière d’accéder à la modernité, mais aussi dans les pays riches. Et là, il ne s’agit plus de lutter contre la grande pauvreté.
La promotion à outrance du paiement électronique nous conduit en effet pas à pas vers une société d’où le recours à ces moyens sera obligatoire, de fait ou de droit. Et comment ne pas penser alors à l’Apocalypse (13, 16-17) : « Elle fit qu’à tous, petits et grands, riches et pauvres, libres et esclaves, on mit une marque sur la main droite ou sur le front, et que nul ne pût acheter ou vendre, s’il n’avait pas la marque du nom de la bête ou le nombre de son nom. » Y serions-nous déjà ? On ne peut évidemment l’affirmer avec certitude, et bien d’autres asservissements peuvent attendre l’humanité qui accompliront plus évidemment la prophétie de saint Jean, mais le rapprochement s’impose de lui-même. D’autant que les promoteurs de la société sans cash évoquent clairement certains de leurs objectifs moins avouables.
La « Transparence » permet de tracer les paiements
L’UNCDF vend la mèche en expliquant son engagement en faveur de la suppression de l’argent liquide et de l’universalisation des paiements numériques. Ceux-ci, explique l’agence, ne sont pas seulement un moyen de permettre l’accès aux services financiers, mais ils assurent une meilleure sécurité, « spécialement pour les femmes et les jeunes filles », sont plus efficaces « pour les personnes à faibles revenus ». En outre, ils « permettent aux gouvernements, aux organisations de développement et aux acteurs du secteur privé de faire des économies et d’accéder à une meilleure transparence ».
Transparence, c’est le maître mot. Connaître, identifier, suivre les paiements réalisés dans le monde entier, c’est en même temps les contrôler et, à terme s’il le faut, les maîtriser. Maîtriser chaque « acteur » de la vie économique en le suivant dans les moindres détails de ses achats, de ses comportements, de ses choix de consommation et d’investissement. A l’ère du « Big Data », c’est à dire des banques de données immenses établies à toutes fins utiles, c’est une mise à nu de chaque citoyen du « village global » qui devient possible. Vous et moi.
L’empressement des gouvernements et des organisations mondialistes à promouvoir la disparition progressive des billets et des pièces vise surtout à assurer la « traçabilité » de chaque transaction. Et ce n’est pas seulement pour faire l’économie de l’impression des billets et de la frappe de monnaie, ou de leur sécurisation.
Big Brother promeut la suppression de l’argent liquide et la Société de contrôle
L’intérêt de la suppression de l’argent liquide est évident en matière de traque de la fraude fiscale et du blanchiment d’argent, ou encore pour la répression du marché noir. Bien sûr, il s’agit là de poursuivre des activités illégales et à ce titre le citoyen lambda ne devrait pas se sentir concerné. Mais comme tout outil, celui de la surveillance – potentiellement universelle en l’occurrence – vaut ce que valent ses utilisateurs. Entre les mains d’un Etat totalitaire – voire d’un supra-Etat dictatorial – le moyen de contrôler chaque transaction économique permet tous les abus.
A vrai dire, il n’est nul besoin d’attendre l’établissement d’Etats ouvertement dictatoriaux pour cela : dans nos « démocraties totalitaires », la surveillance s’installe doucement et déjà, la limitation du paiement en liquide assure aux pouvoirs publics un moyen de contrôle fiscal efficace. De là au contrôle social, il n’y a qu’un pas. Et il est intéressant de noter que ce contrôle cherche précisément à s’appliquer aux transactions les plus anodines, les plus quotidiennes – les plus importantes se font de toute manière déjà par d’autres moyens que le paiement en liquide.
Les abus sont sans fin. En traquant chaque opération financière, depuis l’achat du pain quotidien, les pouvoirs publics peuvent tout vérifier. Ce que vous lisez. Où vous vous êtes garé tel jour à telle heure. Le moindre de vos écarts alimentaires et vos péchés contre l’écologie. « Cinq fruits et légumes par jour » ? « Ne mangez ni trop gras, ni trop salé » ? Viendra le temps où la caissière de votre supermarché préféré pourra vous refuser les achats « non responsables » et ajouter de force des haricots verts dans votre chariot. Sous peine de voir réduire vos remboursements d’assurance-maladie ou de subir une taxe supplémentaire pour comportement non citoyen. Science-fiction ridicule ? Anticipation, plutôt.
Pour les marchands aussi, ces données du quotidien sont d’un haut intérêt. C’est en tant qu’elles permettent de mesurer l’efficacité d’une campagne publicitaire ou le pouvoir attractif d’un emballage. Déjà on crée et on renforce des habitudes de consommation en ciblant des annonces par internet ou en vous taillant des offres spéciales sur mesure. Moins les achats se feront en liquide, plus la base des « Big Data » sera importante et précise. Dans la « société sans cash », l’acheteur – vous et moi ! – devient une marchandise comme une autre, un bien que l’on s’échange pour « faire » davantage de chiffre d’affaires.
Impossible de cacher le cash ni de l’utiliser
Comment parvenir à cette société sans espèces sonnantes et trébuchantes, sans billets de banque, où la fortune (ou son absence) s’exprime en quelques chiffres dématérialisés ? Comment imposer la suppression de l’argent liquide ? La « Better than Cash Alliance », appuyée par des gouvernements, des fondations et de grosses multinationales qui œuvrent également de leur côté, propose des mesures d’incitation et coopère avec des gouvernements. L’alliance revendique la participation du Malawi, de la Colombie, du Kenya, de l’Afghanistan, du Pérou, des Philippines…
Mais il y a aussi la coercition : l’interdiction, sous peine de sanctions, de payer en liquide au-delà d’une somme donnée. La France fait partie des pays les plus sévères de l’Union européenne en ce domaine. Alors que plusieurs d’entre eux – et notamment les plus performants économiquement comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni – n’imposent aucune limite au paiement en liquide, la France impose à ses résidents une limite de 3.000 € par transaction (15.000 pour les consommateurs non-résidents). C’est déjà très bas. Des pays sous particulière surveillance comme la Grèce ou le Portugal ont imposé des limites encore plus basses : 1.500 € pour la première, 1.000 € pour le second dès lors que la transaction implique un professionnel. Aux limitations de paiement s’ajoutent logiquement les plafonds appliqués aux retraits en liquide. Les conditions sont parfois dramatiques – souvenez-vous de Chypre.
The New American rappelle que la « Better than Cash Alliance » n’est pas seule à l’œuvre : le Nigeria, par exemple, étend depuis deux ans la mise en œuvre d’un plan « cashless » de la Banque centrale de ce pays qui repose sur la sévère limitation des retraits d’argent liquide et sur l’ajout de frais importants sur les transactions en liquide. A quoi le Nigeria – pionnier – a ajouté depuis juillet un plan de vérification d’identité des numéros bancaires qui reposera sur l’enregistrement biométrique des porteurs : il sera opérationnel, assure-t-on, d’ici à 18 mois. Ici, on entre dans le flicage affiché.