Malgré l’hostilité de millions d’Américains et des défenseurs des libertés civiles, le ministère américain de l’Intérieur refuse d’abandonner totalement son programme de lecture automatique de plaques d’immatriculation. Pire : d’autres agences du gouvernement ou structures industrielles vont assurer désormais cette surveillance organisée.
Des échanges de courriels obtenus récemment par l’American Civil Liberties Union grâce au Freedom of Information Act, montrent que le FBI a dépensé des centaines de milliers de dollars pour faire avancer cette technologie, avant d’être freiné dans son utilisation en raison d’une plainte déposée il y a trois ans et mettant les violations de la vie privée que ce système entraîne.
Malgré les plaintes, la lecture de plaques d’immatriculation utilisés dans la moitié des Etats-Unis
Même si les plaintes sont parvenues à réduire le champ d’action de la surveillance, le ministère de l’Intérieur continuera à utiliser cette technologie hautement controversée dans plus de la moitié des Etats-Unis, et notamment dans les zones les plus peuplées du pays.
« Le service de données des lecteurs de plaques d’immatriculation (LPR) devrait compiler ces informations dans au moins 25 Etats, concernant 24 des 30 régions les plus peuplées, grâce à l’autorisation donnée par la loi pour ces emplacements », commentent fièrement les rapports officiels des services de contrôle des douanes et de l’immigration.
Une seule limite vient freiner le dispositif : le nombre d’images collectées. 30 millions de photos devaient être gardées dans le programme initial, il n’y en aura en définitive que 6 millions.
Le fisc et les services forestiers utilisent également la lecture de plaques d’immatriculation
Une victoire pour les défenseurs des libertés, quoique modeste, et temporaire, le principe de la surveillance étant acquis – mais l’histoire ne s’arrête pas là.
L’année dernière, le fisc et les services forestiers ont dépensé près d’un demi-million de dollars pour bénéficier du programme de lecture des plaques d’immatriculation. Pourquoi ? Le fisc s’en sert pour participer aux enquêtes criminelles, les services forestiers pour traquer les véhicules recherchés. Dans un cas comme dans l’autre, on n’en saura pas davantage sur la nature des crimes concernés…
Le fait que le fisc se serve de cette technologie a de quoi inquiéter : la douane saura où en sont les voyageurs du paiement de leurs impôts par exemple.
Plus largement, les organisations de défense des libertés civiles se sont inquiétées de la surveillance de plus en plus précise orchestrée par le gouvernement. La technologie utilisée par le lecteur de plaques d’immatriculation permettrait en effet aux autorités de savoir où se trouvent les personnes quasiment en temps réel.
L’accroissement de la surveillance des Américains inquiète les associations de défense des libertés
« Ces systèmes traitent chaque personne, où qu’elle soit, comme si elle faisait l’objet d’une enquête criminelle – ce n’est pas ainsi que doit fonctionner notre système de justice ni la façon dont fonctionnent les choses en démocratie », s’est insurgée Jennifer Lynch, avocat de l’association de défense des internautes.
C’est également l’avis de Nicolas Sarwark, président de l’US Libertarian National Committee : « L’utilisation de ces systèmes de lecture de plaques d’immatriculation est une violation complète de notre droit fondamental à la vie privée. Ces systèmes permettent au gouvernement de tout savoir des mouvements d’une personne, spécialement lorsqu’ils sont utilisés avec un système de reconnaissance faciale. »
Comme le précise Jennifer Lynch, les constitutionnalistes devraient s’inquiéter : de tels systèmes sont en effet en violation flagrante du 4e amendement de la Constitution des Etats-Unis qui garantit la liberté des Américains. Et cet amendement ne souffre aucune condition, pas même le prétexte d’une enquête criminelle utilisé par les services des frontières, du fisc ou des forêts…
Agents de recouvrement de dette et banques utilisent le système pour parfaire leur surveillance
Mais ce n’est pas tout : une autre autorité, privée celle-là, s’est récemment intéressée à ces systèmes de lecture de plaques d’immatriculation. Il s’agit des agents de recouvrement de dettes, soutenus par les banques avec lesquelles ils travaillent.
Ces technologies de surveillance leur permettraient de traquer les mauvais payeurs… Au diable la liberté et la vie privée.
Béatrice Romée