Les taux d’intérêts négatifs, mauvais signe pour l’économie de l’Union européenne ?

Les taux d’intérêts négatifs, mauvais signe pour l’économie de l’Union européenne ?
 
Jeudi dernier, Jeremy Warner du Daily Telegraph publiait des statistiques étonnantes : près d’un tiers de toutes les dettes des gouvernements de la zone euro sont aujourd’hui assorties de taux d’intérêts négatifs. Cela représente plus de 2.000 milliards de dollars en obligations d’Etat et les investisseurs semblent rassurés de ne pas avoir à payer davantage… C’est un fort mauvais signe pour l’économie européenne, commente un chroniqueur du New American, Bob Adelmann : si les investissements normaux ont à ce point perdu de leur attirance pour pousser à l’achat d’obligations qui « coûtent » – le prix de la sécurité – c’est bien qu’on redoute un effondrement du marché.
 
50 % des obligations françaises se négocient désormais avec un rendement négatif, un chiffre qui passe à 70 % en ce qui concerne l’Allemagne. 17 % des obligations d’Etat de l’Espagne, qui a pourtant frisé l’insolvabilité il y a quelques années, s’échangent désormais avec un rendement négatif.
 
L’affaire est paradoxale et elle explique pourquoi les Keynesiens, qui pensent que la « demande » peut être artificiellement augmentée en économie en manipulant les taxes et la masse monétaire, n’ont aucune explication. Selon leur théorie, moins la monnaie est chère, plus elle devrait être demandée… Et si un investisseur peut emprunter à 1 % et en gagner 5, pourquoi ne le ferait-il pas ?
 

Les taux d’intérêt négatifs, toujours préférable à l’investissement dans l’économie de l’Union européenne

 
Il le ferait sans doute – s’il pouvait en effet trouver un investissement offrant ce genre de rendement. Inutile de dire que les rendements annoncés de 5 % sont rares ; ceux qui existent comportent des risques énormes de perte. C’est toujours la même question : qu’y a-t-il plus important ? Le retour sur investissement, ou le retour de l’investissement ?
 
Comme l’explique Jeremy Warner, « tout le but du “quantitative easing” [création de monnaie par acquisition d’actifs par les Banques centrales] est de diminuer le rendement sur les obligations d’Etat jusqu’à ce que les investisseurs soient obligés à choisir des alternatives risquées ».
 
Bien ; mais s’il n’y a pas d’alternative ? Que se passe-t-il si les actions sont tellement surévaluées qu’un krach semble imminent ? Que se passe-t-il si le marché obligataire est tellement prisé qu’une correction s’impose, tôt ou tard ?
 

Les taux d’intérêt négatifs séduisent, et c’est mauvais signe

 
Dans ce contexte, les investisseurs intelligents – ceux qui ont les plus gros actifs grâce à leur gestion avisée – ne connaissent que trop la menace, et ils sont à la recherche de refuges bien à l’abri pour traverser les tempêtes à venir. Investir dans l’économie est bien la dernière de leurs options. C’est le signe de profonds dysfonctionnements, accentués par le fait que les Banques centrales des émetteurs de ces obligations d’Etat n’ont qu’une idée en tête : faire baisser la valeur de leur monnaie pour gagner en compétitivité – une embellie sur laquelle les investisseurs ne semblent pas disposés à parier.
 
Dans la zone euro, on en revient toujours à la Grèce, écrit Bob Adelmann. Si la Grèce n’arrive pas à obtenir une remise de la part de ses créanciers, elle quittera l’Union européenne. Or si elle est excusée, ce sera par le fait même un aveu d’insolvabilité. Ce serait un signal clair pour l’Italie, le Portugal ou l’Espagne : pourquoi n’agiraient-ils pas de même : la faillite à tempérament… Mais à un moment donné, l’Allemagne, aujourd’hui l’économie la plus forte de l’UE, n’acceptera plus. Et ce sera la fin de l’Union européenne. C’est uniquement une question de temps, assure l’éditorialiste.
 
Dans un tel contexte, qui osera encore faire des paris à long terme ? Adelmann cite l’économiste Gary North à propos de cette « spirale mortelle » : « Cela annonce la mort de la croissance économique. Cela annonce une diminution des recettes fiscales. Cela accélère l’avènement de la Grande Faillite. »
 

Béatrice Romée