Alors que, il n’y a pas quinze jours, la Commission européenne pensait pouvoir régler définitivement la question de la crise migratoire en validant l’accord passé avec la Turquie par le fait d’abandonner l’obligation de visas faite à ses ressortissants, le Parlement européen est venu mettre les pieds dans le plat, et raviver des tensions que, à Bruxelles, on croyait définitivement éteintes. Ou, du moins, sous le boisseau. Décidément, la gestion de l’Union européenne n’est pas une sinécure…
L’accord sur les migrants conclu entre l’Union européenne et la Turquie traverse un moment très dangereux. Tel est le message délivré mercredi par le ministre turc aux Affaires européennes, Volkan Bozkir, lors d’une visite au Parlement européen à Strasbourg. En cause, bien évidemment, les exigences européennes pour accorder une exemption de visas aux Turcs dans l’espace Schengen.
Les tensions de l’accord sur les visas
Devant la levée de boucliers qu’avait provoquée l’annonce de sa volonté d’accorder, comme Ankara le réclamait, l’exemption des visas à la fin du mois de juin, la Commission européenne a en effet décidé de souligner qu’il restait encore cinq critères à remplir, parmi les 72 fixés pour l’obtenir, dont une révision de sa législation antiterroriste, pour que la Turquie obtienne ledit sésame.
Il y a mieux. On rappelle que le Parlement européen et les Etats-membres devront donner leur aval à cette exemption de visas, une fois qu’Ankara aura effectivement rempli tous les critères. Il faut dire que le Parlement à manifester quelque humeur lorsque la Commission, en prétendant brûler les étapes, l’avait en quelque sorte mis au pied du mur…
A Ankara, ce retard, perçu plus ou moins comme un revirement, a fait l’effet d’une bombe, et l’on commence à menacer Bruxelles de déclarer l’accord migratoire caduc.
Le changement dans la loi antiterroriste, a souligné le ministre turc à Strasbourg, est complètement impossible, du fait notamment que son pays doit faire face au terrorisme du PKK. Mieux, a-t-il ajouté : « Nous pensons que notre législation est conforme aux standards européens. »
A l’inverse, le président du Parlement européen Martin Schulz, qui a décidé de ne pas encore transmettre à l’examen la proposition législative sur la question de l’exemption des visas, estime que « la Turquie n’a pas rempli ses obligations ».
La valse-hésitation de l’Union européenne vis-à-vis de la Turquie
Quant aux Etats-membres, ils ont également fait part, avec virulence parfois, de leurs oppositions. Ainsi le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel García-Margallo, a-t-il qualifié mercredi de « travail bâclé » l’accord signé en mars, estimant, bien que son pays l’ait signé, qu’il était dangereux de laisser la solution de cette crise « entre les mains d’un pays tiers ».
Une opposition qui ne fait pas l’affaire du président turc Erdogan. Toutefois, comprenant bien qu’il serait risqué de s’en prendre de front à Bruxelles qui a manifesté jusqu’ici une grande indulgence à son égard, il a décidé de tergiverser en n’exigeant plus qu’une levée des visas pour le mois d’octobre.