Terra Nullius, confessions d’un mercenaire
Cinéma ♥

Terra Nullius, confessions d’un mercenaire

HISTOIRE :

Terra Nullius (« territoire sans maître ») livre le témoignage, qui paraît passionnant durant les 4/5 de la durée du film, d’un sexagénaire à l’itinéraire singulier et assumé, ponctué de déclarations précises, non-censurées. Il ne regrette rien de son riche passé, celui d’un ancien membre des commandos portugais en Afrique, lors des guerres de Lisbonne contre les indépendantistes noirs en Angola, secondairement au Mozambique.
 
Puis il s’est distingué comme mercenaire au service de l’Etat espagnol dans les années 1980-90, dans le cadre des GAL, groupement paramilitaire de contreguérilla, exécutant de manière extrajudiciaire les assassins connus de l’ETA, l’organisation indépendantiste terroriste basque. Il se justifie, à sa façon, affirmant n’avoir jamais tué que des criminels, en particulier de l’ETA, sans s’accorder à lui-même une grande valeur morale pour autant. Ce terme de son parcours est attesté par des condamnations judiciaires, et quinze ans de prison effective en Espagne. L’Etat espagnol a bien mal récompensé ses auxiliaires, voulus désavouables et désavoués.
 
Le témoin n’est pas sans émotions, notamment lorsqu’il évoque l’Angola portugais, qu’il décrit comme un paradis perdu. La brusque décolonisation de 1974-75 est suivie immédiatement de trente ans d’atroce guerre civile, détruisant complètement le pays, avant même le départ des dernières troupes portugaises, témoins passifs des massacres interethniques immédiats et des ravages intensifs, dès le commencement.
 
Pourtant, la fin du film démolit tout ; il faut bien l’évoquer, afin d’expliquer pourquoi l’on ne recommande pas chaudement un témoignage exceptionnel au lecteur : le sexagénaire mène une vie de clochard, sous un pont, et tient avec ses compagnons d’infortune, tous subsahariens, des propos totalement incohérents. Alors, ne s’agirait-il pas pour l’essentiel de son témoignage des divagations d’un malheureux vagabond mythomane ? Ses propos sur ses origines familiales, mi-aristocratique portugaise, mi juive-allemande par sa mère –le sommet du prestige dans le monde aujourd’hui- paraissent après-coup vraisemblablement apocryphes. De même ses récits complaisants des massacres de villages entiers des zones insurgées, puisés visiblement dans la propagande anticolonialiste la plus farouche, sonnent-ils complètement faux.
 
Avec une pointe obligée de racisme de mauvais goût : un Noir démembré à la grenade ressemblerait particulièrement à un « singe ». Son nom revendiqué serait un faux selon la journaliste-réalisatrice. Et le reste n’a plus guère de crédit. Terra Nullius propose donc le récit d’une vie réinventée par un clochard ibérique, orgueilleux comme un mendiant d’Espagne – suivant notre expression française du XVIIème -, peut-être parfois touchant à sa façon, offrant un numéro d’interprétation pas totalement inintéressant en soi, mais infiniment moins qu’un témoignage fiable sur des événements historiques importants du siècle passé.