Les apories de la critique progressiste du transhumanisme. L’Obs et le nouveau scientisme

Les apories de la critique progressiste du transhumanisme
 
Le transhumanisme, qui prétend dépasser l’Homme, est une idéologie à la mode que nous étudions et dénonçons donc régulièrement sur reinformation.tv. Il possède dans son discours un vernis scientifique qui, pour l’essentiel, ne tient pas. Fondamentalement il constitue, probablement sans le savoir tant la culture n’est paradoxalement pas le fort de ces inventeurs prétendus d’une nouvelle humanité et culture humaine, une résurgence du scientisme de la seconde moitié du XIXème, courant jusque dans les années 1950. C’est là tout le chant du Progrès qui, par définition, caractérise l’univers mental de la gauche, héritière des prétendues « Lumières » dans sa version la plus radicale. Pourtant le transhumanisme suscite un enthousiasme mitigé, voire un rejet. Qu’en est-il vraiment ?
 

Le transhumanisme, une résurgence du scientisme

 
Le scientisme prétend résoudre toutes les difficultés de l’existence humaine, soit la maladie, mais aussi le manque de nourriture, la pauvreté, la violence, etc., par le progrès continu et rapide des connaissances scientifiques. Or les maladies n’ont pas disparu après 1910, ni les guerres ou famines au XXème siècle…L’homme immortel, déjà rêvé par ce premier scientisme, n’est donc toujours pas né. Le scientisme se caractérise par une foi naïve en la science, ou réputée telle ; beaucoup de scientiste du XXème siècle ont en effet cru à l’imposture freudienne et à la psychanalyse. Cette foi naïve, niaise, s’accompagne d’un rejet absolu de toute croyance religieuse, et plus particulièrement de la Révélation.
 
Relevons que le marxisme, en se prétendant « scientifique », peut être inclus au sens large dans le scientisme, avec la réussite que l’on sait et ses 100 millions de morts au moins des expériences communistes. D’ailleurs le scientisme du XIXème se situe résolument dans le camp de l’Avenir, du Bien –autoproclamé-, du Progrès, bref de la Gauche, relativement modérée dans sa version radicale-socialiste ou plus extrême, anarchisante ou communisante, en passant par toutes les formes de socialismes. Le scientisme se mêle fort bien au marxisme, sans se confondre avec lui.
 
Le transhumanisme constitue donc le dernier avatar à la mode du scientisme. Son style messianique, ses promesses démagogiques, jusqu’à des formes d’annonces du paradis terrestre pour tous, le rapprochent du marxisme.
 
Toutefois, au-delà de chimères évidentes, les « améliorations » de l’homme promises par le transhumanisme seraient-elles vraiment pour tous ? Certainement pas, et telle est la limite perçue par des progressistes, pourtant gênés dans une dénonciation peu convaincante d’une idéologie si proche de la leur.
 
Aussi nous avons lu attentivement le Mao de la pensée progressiste en France, l’impérissable hebdomadaire L’Obs qui, sans enthousiasme, a consacré dans son numéro du 25 juin 2015 un grand dossier au thème du transhumanisme.
 

Des discours confus, contradictoires, des manies peu convaincantes

 
Pour des intellectuels de gauche français, un des articles de foi fondamentaux du scientisme, et partant de son débouché transhumaniste, serait précisément de n’avoir aucun type de croyance religieuse.
 
Or beaucoup de transhumanistes interrogés – mais sont-ils bien tous représentatifs ? – développent un discours de type religieux et messianique, syncrétisme en tout point hétérodoxe mélangeant scientisme et succédanés de philosophies orientales. Ces dernières, hindouisme et bouddhisme, sont visiblement déjà infiltrées par les mouvements de type Nouvel-Age –New Age. Un discours connu, confus, a glissé d’une « amélioration spirituelle » à une « amélioration physique ». L’un n’exclut pas l’autre.
 
Bien des discours de ces transhumanistes proviennent de scénarios de science-fiction usés, voire intrinsèquement mauvais. Outre la fin de la mort, au sens physique, absurdité manifeste, il y aurait le téléchargement en une version numérique des consciences humaines, soit une forme d’immortalité non plus dans un espace physique mais dans un univers informatique, proposition guère plus crédible que la précédente.
 
Il y a de même un ridicule évident à consommer de fortes doses de gélules aux effets méconnus pour préserver son corps en attendant la Singularité. Tout ceci rejoint le discours de charlatan, aussi vieux que l’humanité. Un Empereur de Chine s’est empoisonné en buvant du mercure, qui passait alors pour un élixir de longue vie, sinon de vie éternelle. Ces promesses bien légères sont maintenant avancées par des gens engagés, à pointe de la recherche, qui annoncent un avenir radieux et scientifique. Ces produits sont au mieux inoffensifs ; certains peuvent en outre être dangereux. Tout ceci est assurément fort peu scientifique. Ces discours se rapprochent singulièrement de ceux des sectes guérisseuses se réclament d’une « autre science », là encore avec des remèdes inoffensifs au mieux et souvent dangereux.
 
Une partie du dossier de L’Obs donne donc la parole à divers illuminés, dont le discours ne rencontre pas l’assentiment des journalistes de la gauche bien-pensante. Dmitri Itskov, dans une prédiction gratuite, promet une amélioration radicale de l’espèce humaine pour 2045, voire la fin de la mort. Ray Kurweil invoque le néocortex numérique comme voie du salut et du dépassement de l’humanité, périmée comme un vieux programme. Natasha Vita-More ramène la mort à une envie de mourir ; quelque mystérieuse énergie vitale donnerait-elle accès à une vie éternelle en un corps éternel – avec très fort parfum de Nouvel-Age ? D’autres, abondamment cités, ne paraissent guère plus crédibles, ou, au mieux, de leur propre point de vue transhumaniste, fort optimistes.
 

L’Obs, La critique progressiste et l’égalitarisme de gauche face à des humanités futures inégalitaires

 
Le propos de L’Obs dénonce aussi des dangers plus certains, et nouveaux. Les deux pages d’entretien avec le professeur Israël Nisand, médecin, scientifique authentique qui n’appartient pas au mouvement transhumaniste, intéressent particulièrement. Il n’y aura pas d’immortels demain. Mais des grands sportifs conçus in vitro pour être particulièrement performants, certainement. On y arrive déjà avec des animaux ; des gens sans scrupule « amélioreront » l’Homme dans quelque endroit sur la planète échappant à toute autorité gouvernementale hostile, au nom même de l’humanité. Et les zones de non-droit abondent sur la planète, outre les Etats postcommunistes ou communistes comme la Chine ou Cuba, encore imprégnés de mythes d’homme nouveau qui pourraient réveiller les fantasmagories marxistes-léninistes en demi-sommeil. Le gouvernement de Corée du Nord est lui capable de tout, en particulier dans ses discours, et serait ravi d’accueillir des scientifiques compétents mais dévoyés.
 
Des riches pourraient, pour eux-mêmes ou certains de leurs employés sélectionnés, bénéficier de greffes renforçant considérablement les capacités visuelles ou sonores. Il y a, d’ici quelques décennies, un danger de différenciation de l’humanité en plusieurs « espèces », terme de vulgarisation techniquement d’ailleurs discutable, avec une humanité aussi éclatée en types différents que la gent canine, avec des colosses, des nains, des cerveaux très petits ou contraires très développés. La taille du cerveau n’est pas exactement, et heureusement, garantie d’intelligence ou de stupidité, mais n’est pas sans lien. Il faut particulièrement craindre des cas de rachitisme cérébral volontaire pour former une classe d’ilotes stupides. A l’inverse des monstres au cerveau hypertrophié ne seraient pas nécessairement plus intelligents. On imagine aussi les malheureuses mères-porteuses utilisées. Nous y sommes presque. Au fond, l’Homme à des limites naturelles fixées par Dieu.
 
Les progressistes en viennent à dénoncer le danger de classes sociales biologiques, fondées sur des inégalités monstrueuses et définitives. Cette critique n’est pas fausse en elle-même, mais n’est pas la plus pertinente car elle omet d’attaquer les fondements philosophiques et scientistes du transhumanisme. Les progressistes et les transhumanistes ont en commun une horreur du Christianisme, et surtout du Christianisme le plus authentique. Le progressiste espère un homme amélioré, dépassé pour tous, dans le strict égalitarisme socialiste, lui-même fort critiquable…Or c’est la perspective contraire qu’il perçoit, absolument monstrueuse et déplorable, et qui tend à s’affirmer.
 

Octave THIBAULT