Faux tri : l’arnaque du recyclage des pots de yaourt

 

Voilà quelques années déjà que – selon les municipalités – on est invité à « trier » les pots de yaourt, expression absurde selon laquelle un déchet doit être jeté avec les emballages recyclables. Absurde car quand on trie, on trie tout, et c’est l’ensemble qui en fin d’opération est trié, et constitue le tri… Mais ce n’est pas la seule absurdité dans cette affaire : en envoyant au recyclage les pots de yaourt et autres barquettes individuelles de produits laitiers frais, on est à peu près sûr qu’ils ne seront pas recyclés. Au terme de cette vaste arnaque, ils seront retriés pour aller vers une autre destinée…

Le conditionnement des yaourts en pots cache en effet un autre conditionnement, celui des esprits. Il faut que le réflexe s’installe, pavlovien : quel que soit l’emballage que vous avez entre les mains, vous devez choisir pour lui une seule poubelle, celle qui donne bonne conscience. Et tant pis si cela crée encore plus de problèmes, de frais, d’émissions de CO2… Il est vrai que le consommateur moyen n’est pas chimiste et ignore la composition des emballages. Qui sait combien d’objets non recyclables sont jetés au nom du « tri » ?

Beaucoup, tant il s’agit là d’un miroir aux alouettes, comme le constatait Clémentine Jallais dans les colonnes de RiTV il y a quelques mois.

Lorsque vous dégustez votre produit Yoplait, Lactalis ou Nestlé (c’est leur syndicat professionnel Syndifrais qui a lancé voici peu la campagne #TriTonPot), ou votre somptueux yaourt KerRonan (publicité gratuite, parce que c’est trop bon !), le pot qui l’habille est le plus souvent fabriqué en polystyrène, et cela complique le recyclage.

 

L’introuvable recyclage des pots de yaourt

Résultat : « Moins de 5 % au mieux sont aujourd’hui transformés en cintres ou en pots de fleurs dans une usine implantée… en Espagne », selon une enquête du Monde. Autrement dit : il faut les sortir des masses de déchets en tout genre, les acheminer de l’autre côté des Pyrénées, et espérer que les pots de fleurs et cintres (dont on ne sait jamais que faire) trouvent preneur quelque part. Et les 95 % restants ? Ils repartent forcément dans les déchets ménagers pour être brûlés, mais qui trouvent tout de même une seconde vie à travers la culpabilisation des braves gens.

Exemple emblématique de fausse vertu propre à la religion du « développement durable », l’affaire des pots de yaourt révèle les tristes dessous de la communication « verte ». Les producteurs de yaourt comptent sur le polystyrène pour proposer des pots facilement détachables les uns des autres, l’Etat propose d’en interdire l’usage en 2025, les producteurs répliquent en demandant un sursis (accordé jusqu’en 2030) contre la mise en place d’une filière française du recyclage des mêmes… ce qui comprend leur « surtri » pour séparer le polystyrène du reste.

 

Le tri justifie que l’Etat vous fasse les poches

L’Etat était prêt à mettre la main au portefeuille (précisons : au vôtre) pour arriver à ce Nirvana du surtri (on dirait presque le nom d’une secte hindoue) : c’est un nouveau raté. Le Monde constate : « Le consortium PS25 a convaincu la France d’investir massivement dans le recyclage chimique. En janvier 2022, les ministères de la transition écologique et de l’industrie lancent un appel à projets doté de 300 millions d’euros de financements publics. Trois ans après, les “projets opérationnels” soutenus par PS25 sont au point mort : Michelin a renoncé à son idée d’usine qui devait démarrer fin 2023 et Ineos à celui prévu à Wingles (Pas-de-Calais). »

Finalement, on s’est rabattu sur l’option belge (pour les yaourts venant de Nice ou de Biarritz, ce n’est pas tellement plus loin) qui propose un recyclage chimique des pots à Anvers au moyen de la pyrolyse – toujours pas opérationnel. Si l’usine tournait, elle gérerait au plus 8 % des pots de yaourt et autres barquettes en polystyrène jetés en France au cours des neuf années à venir. Leur tri, c’est du non-tri. Et le recyclage chimique peut présenter des inconvénients sanitaires ou environnementaux… si bien que ceux-ci n’ont pas été évalués. On ne casse pas le thermomètre, on se dispense carrément de l’acheter.

Le polystyrène est-il bon pour la santé ? C’est une autre question, on sait juste qu’il contient une substance réputée cancérogène, le styrène. Que devient-il dans le processus ? Mystère… Ce qui importe, de toute façon, c’est la manière dont on se comporte. Ils nous commandent de jeter dans le bac jaune, pas de poser des questions !

 

Jeanne Smits